GRIS
7.5
GRIS

Jeu de Nomada Studio, Berlinist et Devolver Digital (2018Nintendo Switch)

L’esthétisme au service de la narration

[Critique issue de lebazardeclem.fr]


Il n’y a rien de plus pur que de se laisser porter par la beauté des choses qui s’offrent à nous. L’esthétisme d’une oeuvre peut nous séduire en un instant, sans que l’on ne puisse rien y faire. La beauté a ceci de particulier qu’elle n’a point besoin d’être décrite, elle est, et il est libre à chacun de l’apprécier ou non. Elle nous fascine, nous ensorcelle parfois. Elle suscite en nous des émotions qui restaient jusqu’alors enfouies et dont on ignorait tout avant qu’elle nous éblouisse. Elle éveille nos sens, nous met du baume au cœur et nous apaise le temps de quelques instants, nous faisant oublier le reste.


C’est en ceci que Gris m’a touché. Tout est beau, rien n’est dit, tout est suggéré. Je suis tombé, impuissant, sous le charme de sa beauté unique, tout droit sortie de l’imaginaire de l’artiste barcelonais Conrad Roset. Lors de ce voyage onirique, nous parcourrons le temps et l’espace à travers le regard d’une jeune femme, vêtue d’une simple cape noire, ayant perdu l’usage de la voix. Elle se retrouvera alors seule, perdue dans la symétrie d’un monde mystérieux en perpétuelle mouvance, alternant entre déserts, forêts, mers, ciel et restes d’une civilisation en ruines, où demeureront quelques statues de femmes. Notre protagoniste se révèlera être à la fois actrice, spectatrice et prisonnière de l’univers qui l’entoure, dans lequel elle errera, animée par la recherche d’une quiétude intérieure, sur fond de poésie et de légèreté.


Au fil de la narration, les divers indices disséminés ici et là, et les quelques rencontres que nous ferons, nous permettront d’en apprendre davantage sur la psychologie de notre jeune inconnue et les maux qui la rongent, sans jamais que cela ne soit explicitement évoqué. Et c’est précisément en ceci que, selon moi, Gris mérite d’être considérée comme une oeuvre d’art à part entière. Derrière ses quelques envolées esthétiques, se cachera un véritable propos, bien plus profond, dont l’interprétation variera d’un utilisateur à un autre, pour peu qu’il ait pris le soin de lire entre les lignes. C’est précisément cette sensibilité artistique qui guidera le joueur et saura lui procurer des émotions. Notre esprit n’aura de cesse d’être émerveillé devant la beauté et la diversité des décors, du lyrisme se dégageant des mouvements de notre jeune héroïne, et de la splendeur des animations. Tous ces éléments, imbriqués, dévoileront alors un somptueux tableau, sur fond d’aquarelles et d’architectures géométriques qui seront teintées de diverses nuances de couleurs : le vert de la forêt, le bleu de l’eau, le rouge de la souffrance. Gris est une merveille comme il en existe peu sur le plan esthétique.


Concernant sa mécanique, le jeu ne réinvente rien, mais cela importe peu, car là n’est pas son but. Le gameplay est mis au second plan et ne sert que de prétexte pour mettre en avant l’immensité toujours plus belle du paysage qui nous encercle. Les quelques énigmes sur notre route consisteront à chercher des auras de lumière dispersées un peu partout aux alentours, encourageant ainsi l’exploration et l’exploitation de mécanismes de jeu. Une fois les différents fragments rassemblés, de magnifiques constellations se formeront alors. Nous devrons les emprunter, afin de débloquer de nouvelles couleurs, et de nouveaux paysages. Si le jeu brille par ses graphismes, il sera également rythmé par une discrète mais sublime bande-son signée Berlinist, qui nous immergera toujours plus dans cette expérience vidéo ludique hors du temps.


Vous l’aurez compris, Gris m’a bouleversé, et il est difficile pour moi de vous en parler sans trop en dire, car cela serait vous gâcher cet instant unique. Ce jeu n’est pas exempt de légers défauts et il ne plaira pas à tout le monde. On pourrait non sans mal lui reprocher son extrême simplicité, quelques répétitions dans certaines énigmes et une courte durée de vie (environ 5 heures). Néanmoins, Gris conviendra à n’en pas douter à quiconque serait à la recherche d’un peu de légèreté, d’art et de beauté dans un monde vidéoludique où ces derniers ne sont que trop peu exploités.

NemelSama
9
Écrit par

Créée

le 4 août 2019

Critique lue 134 fois

NemelSama

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