Je suis heureuse que tu sois à Poudlard. C'est déjà ma plus belle année.
Harry Potter a une place spéciale dans mon cœur. C’est l’univers #1, le "life-changer" qui m’a accompagné du moi petit au moi adulte, loin devant tous les autres, même ceux que j’adore, devant la Terre du Milieu ou le Continent des Sorceleurs, devant la galaxie de Star Wars ou la Grande-Bretagne de Kaamelott, devant les collants de super-héros ou le deerstalker de Sherlock Holmes. Donc forcément je ne lançais pas Hogwarts Legacy avec une vision neutre. J’avais très envie, et j’avais aussi très peur.
Depuis l’annonce du titre jusqu’à aujourd’hui, 2 ans après sa sortie, je n’ai d’ailleurs pas vu grand-chose du jeu. Par peur du spoil, par peur d’être bien trop refroidi aussi. D’autant que, passé la vague mi-hype/mi-polémique de la sortie, où le jeu ne pouvait être classé qu’en catégorie GOTY ou daube complète, les retours que j’avais depuis (même venant de fans de la saga) étaient plutôt tièdes. Je n’étais donc vraiment pas serein en lançant le jeu… Et les premières heures ne m’ont pas rassuré. Un prologue trop long, mais survitaminé qui nous fait passer du coq à l’âne (ou du Niffleur au Grapcorne) : dragon, gobelin méchant, magie ancienne inconnue, Londres, Les Highlands d’Ecosse, Gringotts, se succèdent bien trop vite, on enchaine les téléportations et les informations pour finir à Poudlard. À peine suis-je placé à Serdaigle, que toute une ribambelle de personnages trop bisounours, trop coquilles vides, se jettent sur moi pour se présenter tour à tour et m’expliquer en 2 dialogues leurs personnalités.
Fiou, bon cette fois je vais enfin profiter de Poudlard… et non ! Direction Pré-Au-Lard, l’endroit où les élèves n’ont le droit d’aller que 2-3 fois en 1990, mais à cette époque on y passait visiblement plus de temps qu’au château. Pirouette scénaristique qui peut tout à fait se justifier par l'année à laquelle se passe l'histoire. Direction Pré-au-Lard donc, car débarquant directement en 5ème année (?) il me faut ma baguette, mes affaires, etc, car je n’ai rien. D’ailleurs, je n’ai aucune backstory. Ou alors je l’ai raté ? J’ai l’impression qu’il n’y a absolument aucune information sur le personnage principal que l’on incarne. Aucune justification ni explication. Frustrant… Et tout ça c’est sur le plan de la narration, mais la technique m’a posé bien des soucis : problèmes de son et problèmes graphiques se sont enchainés (l’optimisation est un peu bancale).
Bon alors là, on se dit « donc c’est catastrophique ? » Oh que non. Je pense que ça a été un trop plein lors de cette longue introduction, et je ne voyais que les mauvais côtés du jeu pendant les 3-4 premières heures. D’autant qu’avec ce changement d‘époque (environ un siècle avant l’existence d’Harry Potter), j’avais un peu de mal à me plonger dedans. Et puis vient une quête, au bord du lac, aux abords du château. Et je me dis qu’il est quand même sacrément beau ce jeu, alors pourquoi ne pas plus profiter de la vue ? Ni une ni deux, je pars dans les options tout bidouiller ! Au diable la mini-carte, adieu le suivi de quête et les marqueurs, et bon débarras toutes les infos de dégâts et la roue outils qui me sera de toute façon inutile durant toute l’aventure. Ensuite, quelques forums pour optimiser paramètres visuels et sonores. Et cerise sur le gâteau, j’use du trop sous-coté Nvidia Freestyle pour enfin faire ressortir les contours et couleurs de cet environnement magique mais qui me parait lisse voire baveux sur bien trop de textures.
Et là. HALLELUJAH : le tournant. C’est magnifique, je profite de l’environnement, bien visible et vivant, fourmillant de détails, je n’ai plus le nez collé au HUD, je ne peste plus contre son optimisation aux fraises. Et, à ce moment, cette discussion avec Grace au bord du lac, au clair de lune, est tout simplement marquante en dépit de la quête assez random qu’elle nous donne (je m’en souviens d’ailleurs parfaitement alors que j’ai joué 60h depuis). D’autant que Grace n’est dans mon souvenir pas monodimensionnelle, un peu arrogante, mais aussi attachante, qualité trop rare dans ce jeu pour être soulignée. Bref, ce moment, c’est le moment où j’ai enfin savouré Hogwarts Legacy.
Et puisqu’on commence à partir sur les qualités, il faut obligatoirement commencer par Poudlard : Je ne sais même pas comment la Team Avalanche s’en est sorti pour construire ce château, mais il est parfait. PAR-FAIT. Et immense. Mais genre vraiment immense. Allez-y, imaginez-le, le plus grand que vous pouvez… Vous l’avez en tête ? Eh bien il est plus grand que ça (oui oui, je lis dans les pensées #Legilimens).
C’est simple, après 20 heures de jeu, je tombais par hasard sur la Grande Salle pour la toute première fois de mon année scolaire ! Tout est crédible, tout est intelligemment agencé, tout est visitable (enfin, à part les salles communes des autres maisons hé hé). Mis à part Talos I dans Prey, je n’ai pas le souvenir d’avoir vu meilleure architecture d’un si grand lieu. Et le tout bénéficie d’une somptueuse direction artistique, mélangeant admirablement respect des livres, forte inspirations des films, et fluidité des déplacements. C’est véritablement la plus grande réussite de ce jeu : POUDLARD. Qui pourrait même penser à utiliser les poudres de cheminette quand c’est si grisant de déambuler à pied, subjugué par ses couloirs infinis, ses escaliers magiques, ses cadres animés, ses gargouilles parlantes, ses salles secrètes, son esprit frappeur, etc...
De ce fait, souffrant de collectionnite aiguë, j’ai personnellement adoré remplir mon guide du sorcier avec toutes les pages à trouver dans Poudlard. Je suis sûrement dans la minorité sur ce sujet, mais les meilleurs souvenirs que j’ai des anciens jeux Harry Potter, c’est récolter les dragées surprises, ou récupérer toutes les cartes de chocogrenouilles. Donc j’ai forcément adoré cette recherche constante de lieux et d’anecdotes dans Poudlard, poussant à la curiosité, à vagabonder au hasard des couloirs.
Et c’est durant l’une de ces ballades dans l’école qu’apparaissent deux questions :
1) Pourquoi avoir fourni tant d’effort à construire ce château pour y permettre si peu d’interactions ? Il aurait été si intéressant d’avoir des conversations avec les autres élèves, de pouvoir faire des parties de bavboules dans la cour, d’aller manger à la Grande Salle, ou assister à des cours quand on le veut. Rien de tout ça ici, dommage… Il y a tellement peu d'interactivités que vous pouvez balancer des incendio ou des bombarda à chaque coin du château sans que personne ne s'en émeuve.
2) Pourquoi ce HOGWARTS Legacy, avec son Poudlard si parfait, veut-il tant nous faire visiter les Highlands ? La map est beaucoup trop grande. Il aurait juste fallu faire 4 grands lieux : Poudlard, La forêt interdite, Pré-au-Lard, et une zone highlands avec hameaux. Ici 80% de la carte n’est rempli que de grande plaines inutiles avec des campements à vider (ce qui ne semblent pas tellement dans l’esprit Harry Potter). Il aurait fallu vraiment se focaliser sur Poudlard et ses environs. Pas un Poudlard perdu en plein milieu d’une immense map sans aucun autre bâtiment emblématique.
L’autre grande réussite du jeu, c’est son système de combat étonnamment jouissif, une vraie surprise pour moi. Je m’attendais à un truc un peu random, faisant passer notre baguette pour une mitraillette. Pas du tout ! Les combats sont vraiment très très grisants (j’ai fait le jeu directement en difficile). C’est très fluide, ça pète dans tous les sens, de toutes les couleurs, tout en restant lisible. On alterne les sorts, on cherche les meilleurs combos (j’ai beaucoup usé du Glacius-Diffindo, avant de basculer sur du Incendio-Bombarda). Chaque ennemi a ses failles et ses résistances. Dommage par contre que le bestiaire soit si pauvre (loups, araignées, mages, gobelins, inferis et trolls. Je crois que c’est tout). Mais vraiment une bonne surprise, on se sent plongé dans des affrontements dignes des films, qu’est-ce que c’est bon !
Venons-en maintenant à l’histoire. Une première chose, elle s’intègre bien dans l’univers, sur la fond comme sur la forme (j’ai bien aimé les changements de saisons qui divisent l’histoire en différents chapitres). Le choix d’un antagoniste gobelin est intéressant, au vu du conflit souvent évoqué en surface dans les romans mais jamais creusé (révoltes des gobelins, méfiance réciproque constante).
Si l’histoire générale est assez dans l’esprit de l’œuvre de JKR, elle n’en a en revanche pas la qualité d’écriture. Là où l’autrice maniait parfaitement le mélange histoire enfantine et quête beaucoup plus dark, avec une montée en puissance constante. Ici l’histoire se suit bien mais ne décolle jamais vraiment. Elle a pourtant une intrigue solide, mais s'enlise trop dans une progression mou du genou (la faute à la répétitivité devoirs/épreuves), qui peine à nous tenir en haleine jusqu'à son grand final (pas si grand que ça).
Le plus décevant pour moi est qu’elle ne surprend par aucun rebondissement. Rowling, sans être Agatha Christie, prenait un malin plaisir à nous offrir des twists brillants à la fin de chacun de ses romans. Ici, point de twist, vous comprendrez assez rapidement là où le jeu va vous emmener. En fait, j’ai bien été surpris, mais par l’absence de twist !
(No joke, j’ai attendu pendant TOUT le jeu de voir le professeur Fig me trahir, Sebastian devenir l’antagoniste principal, les gardiens être plus mauvais qu’ils ne le paraissaient, découvrir qu’Isadora était injustement déclarée responsable... Rien de tout ça haha).
Quant aux quêtes secondaires, elles sont de qualités inégales. J’ai déjà été un peu atterré de voir que les maisons n’ont aucune importance. Combien de fois voit-on les élèves dans Harry Potter traîner avec des élèves d’autres maisons ? Ici, personne n'y prête attention, vous trainez avec tout le monde, la salle commune n’a d’ailleurs aucun intérêt et vous ne vous y rendrez jamais. Je pensais aussi naïvement que l’on pourrait choisir avec qui on lie des amitiés plus ou moins fortes, alors que tout est en fait pré-écrit. Même en ne choisissant que des réponses où vous semblerez refuser d’aider telle ou telle personne, la quête vous sera collé quand même.
Donc pour les quêtes secondaires j’en ai apprécié beaucoup, et cela allait souvent de pair avec l’écriture des personnages qu’elles concernaient. Poppy c’est un grand oui (elle a même le droit à un twist, elle !). Cheek est adorable et semble sortir tout droit des romans. La quête de Sebastian et Ominis est l’une des plus importantes aussi, étroitement liée à l’histoire principale, avec quelques moments cools (scriptorium, bibliothèque) et dark (sa sœur, son oncle). Dommage que sa fin soit bâclée.
Pour le reste, en vrac, Logdok est un très bon personnage, la quête du Polynectar est sympa (même si Black est raté selon moi). Celle de la boutique hantée, façon "Epouvantail de Arkham" est assez hors de propos mais je l’ai coupablement savouré. Les professeurs Ronen et Bulbille sont vraiment cools. J’ai pas accroché avec Natsai, Everett, ou Amit (j’ai dû chercher leurs noms tellement ils sont pas intéressants). Et à côté des quêtes de compagnons, tout un tas de quêtes Fedex, surtout dans les hameaux, plus ou moins palpitantes.
J’ai trouvé la progression du jeu un peu étrange également. Ca démarre sur les chapeaux de roues et ensuite c’est leeeent ! Pas seulement niveau narration, mais bien niveau capacités du personnage. Car oui, on voit à chaque pause dans le menu que l’on va débloquer l’accès à plus de sorts, aux talents, aux créatures, aux améliorations de tenues, aux attributs, mais on ne cesse de se demander quand. Pareil pour Alohomora : on croise des cadenas partout, et enfin, après 30 heures de jeu, une quête m’annonce que je vais pouvoir débloquer le sort, OUF. Je comprends la nécessité d'ajouter progressivement des nouveautés, pour relancer l'intérêt et offrir au joueur de nouvelles boucles de gameplay, façon Metroidvania, mais ici cela devient parfois frustrant,
Et si le jeu se considère comme un RPG, vous ne pourrez malheureusement jamais influer sur l’histoire, autrement que par des choix de dialogues qui se résument à réponse à la Malefoy (« J’estime mériter une récompense pour ça ») ou réponse à la Hermione (« ça m’a vraiment fait plaisir de t’aider, les amis sont faits pour ça »). Mais elles ne changeront pas grand chose à la suite du dialogue, et encore moins au déroulement de l’histoire globale.
Cette tentative de light RPG fonctionne assez bien à travers les talents, l’amélioration des tenues, ou la très bonne idée de Salle sur Demande pour avoir son chez-soi personnalisable.
Elle fonctionne donc moins dans les choix de dialogues, sa linéarité totale, mais aussi dans le loot vraiment saoulant, avec son inventaire trop petit, et ses skins de tenues dont 80% n’a aucun sens (vous vous baladez en tenue de prisonnier d’Azkaban à Poudlard vous ?).
Alors le côté RolePlay dans Hogwarts Legacy, c’est encore mieux de s’en charger soi-même : Mes cheveux ont poussé au fur et à mesure de l’année scolaire, une cicatrice sur la joue en souvenir d’un affrontement dantesque, se forcer à retourner à Poudlard pour ne pas casser l’immersion (un élève qui part 2 semaines loin de Poudlard sans que personne ne dise rien, bon..), porter des vêtements correspondants aux saisons et à mon activité, refuser d’apprendre les sortilèges impardonnables comme un sage Serdaigle le ferait, essayer d’être discret quand on se balade dans Poudlard la nuit…
Et pour peu qu’on se plonge dedans suffisamment, ça fonctionne. On mène sa petite vie d'étudiant, et la magie opère bien plus souvent qu'on ne le soupçonne. L'émerveillement lorsqu'on vole sur son balai entre les tours de Poudlard et qu'on apercoit au loin un dragon ou un sombral. Les frissons quand on se balade de nuit dans la forêt interdite, ou que l'on fuit les mages noirs à dos d'hippogriffe. Le sourire aux lèvres en passant devant Les Trois Balais, ou en découvrant par hasard dans Poudlard la salle de bal des fantômes. J’ai aussi beaucoup aimé la place offerte à la saga des Animaux Fantastiques, au travers de la présence des braconniers, du système de capture de créatures, et de la gestion d’un vivarium maison (Veaudelunes, niffleurs, et Boursoufs sont vraiment trop mignons).
En résumé, Hogwarts Legacy est loin d'être parfait. Il a même pas mal de défauts. Mais je sais avec certitude que c'est un jeu auquel j'aurais collé 9 ou 10 si je l'avais fait il y a de cela 15 ans. J'en aurais pris plein les yeux, et j'en viens presque à être triste d'avoir désormais un regard plus "critique" sur les jeux auxquels je joue. Car nul doute que j'aurais su passer outre tous ses faux-pas pour me focaliser uniquement sur une chose : la retranscription si parfaite du monde des sorciers cher à mon cœur. Car l'émerveillement est là, bien présent durant cette aventure faite de hauts et de bas. Et cela tient déjà presque du miracle quand on se rend compte de la pression dingue autour d'un jeu qui avait la lourde tâche d'être la première vraie adaptation vidéoludique de ce qui est certainement l'univers fictif le plus populaire au monde. Un jeu plongé dans la polémique avant même sa sortie, qui devait réunir enfants et adultes, fans et non-fans, casu et gamers, amateur de RPG, d'action ou de puzzle-game, pro-romans et pro-films. Et dire qu'un tel projet (et budget!) fut confié à Avalanche Software, cantonné depuis toujours aux adaptations Disney au mieux oubliables, c'était un sacré pari. Heureusement, un peu à l'image d'Asobo et son A Plague Tale, Avalanche a réalisé avec Hogwarts Legacy un vrai tour de magie !
Moi aussi Poppy, c'était déjà ma plus belle année :)