Le ministère du travail

Il ne faut pas minimiser la joie que représentent les premières heures de jeu de Hogwart's Legacy. Le monde merveilleux de Harry Potter et en particulier son château de Poudlard, évoqué dans les livres et mis en images dans les films, est désormais explorable en jeu vidéo. Ce travail de mise en espace est titanesque. L'univers est retranscrit avec précision, minutie et bon goût. On retrouve, que ce soit dans le château ou sa plus proche bourgade Pré-au-Lard, le sel des livres : passages secrets, architecture biscornue, géométrie absurde, objets hantés, escaliers mouvants, fantômes errants, créatures magiques, toilettes récalcitrantes, chandelles flottantes. Tout cela, sans oublier le charme de l'Écosse et de ses Highlands. On se plaît à apercevoir ça-et-là la silhouette majestueuse du château de Poudlard, embarqués que nous sommes dans nos péripéties magiques. Ou encore, survoler le domaine quand on peut enfin chevaucher son balai ou son hippogriffe.

Mais voilà, il se trouve qu'Hogwart's Legacy est aussi un jeu vidéo et pas une simple balade. Sur ce point, le château s'effondre comme un jeu de cartes. Disposant d'un monde ouvert trop grand pour son bien, le jeu dilue son expérience en dupliquant ad nauseam la moindre mécanique de jeu. Pire, en utilisant des systèmes tirés des jeux vidéo free-to-play, il pose artificiellement des limites à la progression du joueur, l'obligeant à occuper son temps dans un labeur sans intérêt ni sens. Car c'est bien de cela dont il s'agit dans ce jeu : occuper le joueur, lui donner des choses à faire pour l'empêcher d'aller trop vite et le dissuader de découvrir la supercherie. Dans ce jeu, on ne joue presque pas, on travaille tel un ouvrier soumis à des micro-tâches répétitives et fastidieuses. N'ayant rien à proposer si ce n'est une narration poussive et fragmentée s'incorporant au chausse-pied dans une forme qui n'est manifestement pas la bonne, le jeu multiplie de façon industrielle les copier-coller sur l'ensemble de la carte. Un seul exemple : les épreuves de Merlin, censée être des lieux secrets, pullulent de partout, à tel point que les éviter semble plus ardu que de les trouver. Les épreuves, sorte d'énigmes qu'un enfant de moins de 7 ans peut résoudre, se ressemblent toutes, avec d'infimes variations pour justifier leur présence. Hogwart's Legacy n'est pas un velouté, pas même une soupe. Il est un bouillon.