Hogwarts Legacy : L’héritage de Poudlard a fait énormément parler de lui ces dernières semaines. Que l’attente fût longue pour les fans comme pour les curieux de tous horizons et c’est le 7 février, pour ma part, que j’ai pu enfin jeter mon dévolu sur ce titre en achetant la version Deluxe. Sauf erreur de ma part, je crois que c’est la première fois dans l’histoire du jeu vidéo que l’on peut jouer de manière anticipée à un titre si l’on dépense plus lors d’une précommande. A vérifier, mais si c’est le cas je pense que cela fera date vu le succès des ventes.

Dans quoi mettons les pieds ? L’héritage de Poudlard, c’est Harry Potter en 2023. C’est l’univers si particulier de J.K. Rowling mais en HD / 4K sur les PC et consoles nouvelles générations et forcément… ça capte l’attention de la Terre entière, ça projette des fantasmes dans le cœur des plus fanatiques des romans, ça excite l’imagination. Les derniers jeux officiels Harry Potter datent du début de la décennie 2010. Cela fait donc quinze ans qu’il ne se passe plus rien à Poudlard. Avalanche nous a promis un monde des sorciers sans nul autre pareil dès 2020, il est temps de prendre la voie 9 3/4 et de pénétrer dans le Poudlard Express. Qu’en est-il désormais ?

Le problème de la « hype », de cet effet d’attente démultiplié par les réseaux sociaux et les annonceurs, c’est qu’elle accentue l’envie, les fantasmes et les attentes du public de manière irraisonnable au point de quasiment toujours les décevoir au final, une fois la manette en main. C’est toujours pareil. Le marketing 2.0 a compris ces mécanismes et en joue énormément aujourd’hui. Dans le cinéma cela se traduit par des trailers de lancement bien plus intéressant que les films en eux-mêmes souvent longs, poussifs et mal exécutés. En politique, le même phénomène se produit lors des élections présidentielles. Tous les rêves, toutes les dystopies sont possibles jusqu’à la descente d’organe post élection où tout le monde se fait enculer, majorité comme opposition. Sans surprise L’héritage de Poudlard a produit le même effet dans le monde vidéoludique sur une grande quantité de joueurs, il a partiellement déçu.

Loin d’être un mauvais jeu, L’héritage de Poudlard est un titre aux mécaniques générales et à la structure éculées. Il faut le reconnaître. Pour le dire autrement, le jeu commence très fort et semble transfigurer toutes les attentes, même celles des joueurs les plus aguerris, lors de la découverte de l’école pendant les dix premières heures. En réalité toute la force du titre se tient précisément dans la découverte de l’immensité du château, dans le souci du détail porté aux nombreuses pièces qui le composent, dans l’architecture cherchant le mimétisme avec les productions cinématographiques et dans la vraisemblance entre volume extérieur et intérieur. Sans atteindre la qualité du level design d’un Dark Souls, l’écrin dans lequel vous apprendrez à concocter des potions d’invisibilité est de toute beauté et force le respect. Clairement, on devine que les développeurs de chez Avalanche ont bossé dur sur la réalisation du château tant il est magnifique… au détriment du reste. Vous l’aurez compris le bât blesse lorsqu’on aborde le monde ouvert. Après la découverte de Pré-au-Lard qui parvient à garder l’illusion de félicité dans le cœur des joueurs s’ouvre la vallée environnante de la célèbre école de sorcellerie. Si au départ les promesses sont alléchantes et font miroiter un sentiment de liberté, très vite l’excitation retombe avec la sensation que tout est figé, sans vie et répétitif. La structure du monde ouvert est typiquement celle des RPG à l’occidental depuis dix ans environ. Un monde « vide » comportant relativement peu d’interaction, proposant quantité d’activités redondantes gonflant artificiellement la durée de vie, vaste certes mais pour finalement n’offrir que peu d’intérêt à la découverte. En réalité ce monde n’est qu’un prétexte à la narration. Pour apprécier celui-ci, il faut donc, à peu de chose près, se cantonner aux missions principales et éventuellement secondaires sous peine d’être dégoûté. Heureusement, qui dit sorcier dit balai volant. Le peu de surprise qu’offre le monde ouvert est contrebalancé par le plaisir de pouvoir se déplacer librement dans les airs. Très peu de jeux encore aujourd’hui permettent cet élément de gameplay (notamment parce qu’il faut pouvoir le justifier sur le plan narratif). Alors certes, on ne peut ni survoler ni atterrir à Pré-au-Lard (pour des raisons techniques j’imagine ?), on ne peut pas non plus atterrir sur quantité de surface à Poudlard mais globalement c’est jouissif et ça maintient une certaine immersion. Sans parler des montures volantes et terrestres déverrouillées plus tardivement dans l’aventure, L’héritage de Poudlard est un jeu généreux. Maladroit dans ses mécaniques, certes, mais généreux.

Quelques autres points forts à ne pas négliger selon moi, la nature de ce monde ouvert. Les Highlands d’Ecosse sont parsemés de paysages fascinants et évocateurs. Nul n’est sensé ignorer que Poudlard, école imaginaire, se trouverait néanmoins dans une zone géographique réelle ressemblant peu ou prou aux Hautes terres d’Ecosse. Je trouve qu’Avalanche est parvenu à retranscrire la force de cette nature sauvage notamment dans la partie méridionale de la carte. Les effets de lumière sont du plus bel effet notamment si vous êtes dotés d’un ordinateur master race comme le mien (Ray Tracing aux petits oignons sur une 3080 Ti) ou d’une console nouvelle génération.

Le système de combat m’a vraiment plu. Oui j’ai conscience que ce n’est pas une maniabilité originale ni révolutionnaire en 2023. Elle ressemble, parait-il, au gameplay des derniers Spiderman. N’ayant jamais joué à la licence de Marvel, j’avoue avoir pris beaucoup de plaisir à dégonder mes adversaires grâce à des combinaisons bien senties de sorts issus du monde d’Harry Potter. Le petit combo Glacius et Diffindo, on dira ce que l’on veut mais c’est sympa ! Je ne pourrais pas être pertinent sur les problèmes d’ergonomie à la manette car j’ai entièrement parcouru ce titre au clavier/souris et en ce qui me concerne, je n’ai rien à lui reprocher. La quasi-totalité du gameplay repose donc dans l’agilité du joueur à enchaîner les sorts en fonction des boucliers des adversaires, à enchaîner les combos afin de maximiser les dégâts et, bien sûr, sa propension à esquiver les dommages qui proviennent de part et d’autre. Les combats peuvent être très intenses ! Je le répète, c’est un gameplay que j’ai adoré du début jusqu’à la fin. La montée en puissance se fait vraiment sentir si vous prenez la peine d’améliorer vos équipements dans la Salle sur Demande.

Les développeurs ont pris un soin particulier à distiller des surprises à échéances régulières tout au long de votre progression pour récompenser les joueurs qui s’investiront dans l’aventure. C’est très gratifiant et démontre une fois de plus deux choses : la générosité des développeurs et leur amour pour la licence. On sent qu’Avalanche aime cet univers et ont fait le maximum pour transmettre leur passion à une communauté orpheline de titres potables sur Harry Potter depuis près de 15 ans. J’ai évoqué au-dessus la Salle sur Demande. Il s’agit d’une salle secrète au château de Poudlard qui vous servira de base personnelle. Vous pourrez y faire pousser des plantes de combat, y créer des potions, la personnaliser dans le moindre détail et tout un tas d’autres activités que je ne souhaite pas dévoiler pour ne pas divulgâcher. Franchement, c’est beau, complet, bien foutu… Ils auraient très bien pu ne pas le faire mais ils l’ont fait et ont poussé les mécaniques de cette salle au maximum.

La dimension RPG de cet Héritage de Poudlard est complètement à la ramasse. Il s’agit selon moi du principal défaut. Je suis fatigué que l’aspect RPG soit devenu un argument commercial plutôt qu’une réelle composante de game design. L’Héritage de Poudlard est au RPG ce que Mario Bros est au Doom-Like. Premièrement, le système des tenues classées selon leur rareté et leur puissance est nul à chier. Il y a un nombre défini de « skins » (environ une quarantaine) et ces derniers peuvent très bien être attribués tantôt à un skin commun (vert), donc un équipement pourri, tantôt à un skin légendaire (orange). Ensuite la disposition du loot est aléatoire. Les coffres offrent une récompense aléatoire dans les donjons et ne récompensent pas le joueur en fonction de ses efforts ou exploits. On passe son temps à changer d’équipement, c’est tutti frutti dans votre inventaire. Sans parler de la limite de place très contraignante forçant les allers-retours auprès des marchands et absolument pas en adéquation avec la pléthore de coffres qui parsèment ce monde. La possibilité d'améliorer son équipement est bienvenue mais il n'y a aucune réelle profondeur à ces mécaniques. On finit par le faire machinalement en privilégiant toujours les gros chiffres aux moins gros. Cela fait un peu artificiel.

Deuxièmement, ce n’est pas un jeu de rôle au sens noble du terme. On ne peut pas sortir de l'étroit sentier balisé par Avalanche. Vous serez un gentil sorcier du début à la fin de l’aventure, pas d’alternative au scénario principal comme aux quêtes secondaires. Quel dommage ! Certes, il est possible de colorer un peu son aventure en envoyant chier certains PNJ mais cela n’a aucune conséquence sur le dénouement des quêtes ou la perception qu’ont les autres de vous. Par exemple, il est possible d’utiliser et d'abuser de la magie noire devant les élèves ou les professeurs de Poudlard sans que cela ne les perturbe le moins du monde… Pourquoi pas !

Question scénario, il n’est ni bon ni mauvais. Il est quelconque. On le parcourt avec plus ou moins d’intérêt. Je n’ai pas trouvé l’enjeu global très emballant mais ce n’était pas non plus complètement naze. Quelques quêtes secondaires relèvent le niveau notamment celles autour de Sébastian Pallow. Il faut garder en tête qu’il s’agit d’un titre destiné aux enfants ou aux ados. Je ne demande pas à L’Héritage de Poudlard de me pondre une histoire à la Red Dead Redemption II.

Nonobstant ses défauts, j’ai passé un très bon moment sur ce titre. A vrai dire, je l’ai poncé pendant une semaine. 70 heures après et 95% des succès obtenus, il serait déplacé de ma part de jouer les dissidents en vous expliquant que L’Héritage de Poudlard est une production de merde destinée aux gens qui n’y connaissent rien en jeu vidéo. C’est un bon jeu, et un coup de cœur pour ma part, mais qui possède les défauts inhérents aux triple A à l’occidental que je résumerai ainsi : monde ouvert qui sert de remplissage pour des collectibles, dimension RPG qui n’est qu’un effet d’annonce, scénario manichéen, turbo progressisme pour satisfaire notre civilisation décadente, peu de prise de risque par souci de rentabilité financière. Mais c’est aussi une agréable découverte par son univers frais, par l’importance vertigineuse donnée aux détails, par la beauté de ce monde ouvert et du château, par son système de combat satisfaisant et par une générosité permanente des développeurs qui s’échinent à surprendre le joueur tout au long de l’aventure. Oui je vous le conseille surtout si vous avez des enfants et même en tant que joueurs vétérans, il est possible d’y trouver son compte surtout si vous aimez la franchise Harry Potter. Et n’oubliez pas : « Revelio, Revelio, Revelio… » Hahaha !

P.S.: Avalanche, sortez vous les doigts et faites un DLC sur le Quidditch bordel !

silaxe
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le 21 févr. 2023

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