L’éclair de génie de Sucker Punch

Après s’être illustré sur Playstation 2 avec la trilogie des Sly Cooper, Sucker Punch revient 4 ans plus tard sur Playstation 3 avec une toute nouvelle licence : inFamous. Il est néanmoins à noter que le jeu est dirigé par Nate Fox, qui n’a pas travaillé sur Sly, ce qui peut fournir une première explication au changement assez conséquent opéré avec cette franchise. Réputé comme étant un jeu plutôt moyen au pire, plutôt correct au mieux, le courant passe bien mieux entre moi et ce jeu que pour la moyenne des joueurs sur la question et j’espère m’en faire comprendre au travers de cette critique. Je vous propose pendant sa lecture Silent Melody, attention néanmoins au spoil puisqu’il s’agit de la musique des crédits de fin.



GAMEPLAY / CONTENU : 8 / 10



InFamous est un TPS avec des pouvoirs électriques plutôt qu’un flingue, on y retrouve l’équivalent du tir, de la grenade, du lance-roquette, du sniper... La grande différence c’est que le cover system n’est pas au centre du gameplay puisqu’il profite le plus souvent aux ennemis qui n’ont pas leurs tirs bloqués par les grillages et qu’on est très facilement délogé de notre abri, combiné à l’auto-regen très lente ça oblige à être très offensif dans notre style de jeu. Bien jouer à inFamous c’est d’abord se déplacer constamment, rapidement et intelligemment dans notre environnement pour ensuite éliminer le plus vite possible les ennemis les plus dangereux, un parti pris que j’apprécie beaucoup.


Le maniement est ultra souple et level-design l’exploite merveilleusement bien. Nous sommes ici en présence d’un open-world très classique avec zones à délivrer, des collectibles à récupérer, des mini-jeux à gagner... mais on sent qu’Empire City a été créé pour être ce terrain de jeu où le parkours est très fluide, avec quelques bugs bien évidemment mais pas tant que ça, à tel point qu’il n’y a pas de fast travel et qu’il n’y en a pas besoin. L’emplacement des câbles reliant les bâtiments, le nombre d’accroches possibles pour faire de la grimpette, les lieux desservis en suivant les rails... ont été étudiés dans ce but et se mêlent très bien aux capacités de notre personnage. Combats et exploration sont donc réussis, quid de la plate-forme ?


Entre le personnage qui s’attache presque comme un aimant à tout rebord et aucun dégâts de chute, on pouvait craindre des phases de plates-formes peu intéressantes mais pourtant il y en a pas mal et elles sont assez réussies grâce aux pouvoirs à débloquer qui apportent de nouvelles possibilités au fur et à mesure, à une bonne sensation de vertige avec des points très élevés à atteindre et un effet visuel & sonore quand on chute à toute vitesse, à la mise en évidence subtile des éléments avec lesquels il nous est possible d’interagir... Le maniement excelle donc dans à peu près tous les domaines.


Il y a bien quelques imperfections avec un masque de collision qui peut manquer de précision, une même touche pour la roulade et la mise à l’abri qui peut conduire à des petits drames... mais le seul vrai problème à mon sens c’est qu’un sentiment de répétitivité finit par arriver à cause du renouvellement des situations de jeu de la trame principale dans les quêtes les plus secondaires, des mêmes ennemis & boss affrontés dans de moins bonnes conditions ou plus nombreux pour faire grimper la difficulté... Il n’y a que 3 vrais boss (plusieurs formes, situation de jeu unique...), qui au moins sont réussis, c’est assez peu dans un jeu de 15 à 20 heures.


Le jeu ne manque pas de contenu, il est même assez généreux si on prend en compte les normes des TPS qui s’approchent plus souvent des 10 heures de jeu que des 20, mais pour y arriver il recycle beaucoup ses idées et comme il faut le faire deux fois pour réellement le finir à 100 %, c’est un problème. Il est atténué par les petits aspects addictifs de devenir de plus en plus fort au fil du jeu et par les variations ne serait-ce que ludiques (pouvoirs légèrement différents, missions secondaires cohérents par rapport à l’alignement moral...) impliquées par tel ou tel karma mais ces variations elles sont surtout d’ordre scénaristique.



SCENARIO / NARRATION : 9 / 10



C’est probablement la feature d’inFamous : on peut être un héros comme un antihéros via tout un ensemble de choix à faire au cours de l’aventure. Ces choix définissent notre personnalité, plutôt bon gars qui refuse d’avoir des morts sur la conscience ou bad guy qui s’en contrefout tant que c’est pas un de ses proches, ils n’ont que peu d’impact sur le scénario en lui-même qui suivra son tracé quoiqu’il arrive mais il impactera les réactions des autres à notre présence (jusqu’aux PNJ les plus anecdotiques du jeu) et notre compréhension des grands événements scénaristiques pensés pour prendre un sens différent en fonction de notre karma.


Le manichéisme est estompé par le fait que même en héros notre personnage a un caractère bien trempé, reste mal considéré par certains, est manipulé par autrui... Il le sera encore davantage dans sa suite mais personnellement je trouve qu’il en engage déjà bien le pas. Le début du jeu annonce de suite la couleur assez sombre du scénario, on tue des civil parce qu’on ne maîtrise pas nos pouvoirs, on est rejeté comme un paria malgré nos bonnes actions si on a décidé d’être un good guy... et le jeu restera dans ce ton en n’hésitant pas à tuer des personnages attachants, à faire échouer et souffrir notre protagoniste...


Les thématiques sont très inspirées des thématiques majeures des comics en règle générale : le sentiment de marginalité qui pousse à l’héroïsme pour se faire aimer ou la violence pour s’en venger, la noblesse d’une action qui ne se caractérise véritablement que par la notion de sacrifice que l’on prêt à faire pour y parvenir, le mal que l’on déteste mais que l’on reconnaît nécessaire... De la même façon, les citations sélectionnées lors du passage de certains chapitres soulignent très bien le propos. Williams HARMS, qui n’avait travaillé jusque là que sur le peu connu et mal aimé Space Siege, a fait pour moi un excellent travail dès ce premier épisode.


Quasiment tous les personnages principaux sont très bien doublés en VO comme en VF pour faire la petite cerise sur le gâteau. Bon OK, j’aurais tout de même quelques reproches mineurs à formuler avec Zeke qui est pendant un peu trop longtemps un comic relief un peu lourd, ou Moya dont les questions à son sujet restent un peu trop ouvertes à la fin... De façon générale, le jeu tease un peu trop sa suite directe sur le plan scénaristique à tel point que tout ne peut prendre sens que par la suite ce qui est un peu regrettable pour ce jeu-là en particulier mais il termine son arc narratif majeur donc ça passe. Sinon, pour parler de sa fin plus en détails :


J’ai beaucoup aimé le twist final qui fait de Kessler le Cole du futur qui n’a pas eu le courage d’affronter ce mal absolu parce qu’il a préféré mettre sa famille à l’abri, ce qui est cohérent quelque-soit notre karma. Le premier choix moral qui s’offre à nous repose sur cette thématique et en présente donc le cœur. Non seulement c’est très intéressant mais en plus il y a vraiment un second niveau de lecture en refaisant le jeu une nouvelle fois de l’autre karma et ça c’était très important pour compenser le manque d’impact des choix sur la trame.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 6 / 10



Si inFamous 1 a l’ambition d’être un monde urbain ouvert avec des points d’observation qui permettent de voir l’intégralité d’Empire City réparti en 3 îles, il n’y parvient pas sans s’accompagner d’un bon paquet d’écueils techniques : un aliasing ultra prononcé mis en évidence avec par moment des zooms très maladroits, une distance d’affichage pas très élevée avec des gros éléments de décors qui apparaissent au loin d’un coup quand on franchit un certain seuil, les 30 FPS ne sont pas constants même si le jeu arrive à rester lisible et jouable lorsqu’il met en scène des dizaines d’ennemis avec des explosions dans tous les sens...


Pour un jeu de 2009, durant laquelle Uncharted 2 montrait les capacités de la Playstation 3, c’est un bilan technique un peu moyen tout de même. Il y a quelques qualités à faire valoir même sur ce plan-là, les animation de Cole sont assez bien travaillées, les effets de lumières avec nos éclairs sont très réussis, ça se remarque notamment quand on est plongé dans l’obscurité comme dans les égouts... C’est pas une purge du tout mais c’est en dessous de la moyenne de ce que peut proposer à l’époque la machine, pour laquelle le jeu est une exclusivité définitive par ailleurs.


Heureusement, le jeu se rattrape pas mal sur son bilan esthétique pour ma part. Alors, beaucoup reprochent au jeu ses teintes trop grises, moi ça ne me dérange pas et en plus ça s’inscrit à mon sens dans une direction artistique globale qui l’assume puisqu’une zone grise indique son manque d’électricité et les couleurs vives permettent de tout de suite repérer les ennemis, les points de recharge potentiels... Peut-être qu’il aurait été préférable de rendre les zones libérées encore plus vives dans leurs couleurs pour marquer le contraste mais globalement je suis satisfait de cet aspect.


Je le suis aussi pour ses cinématiques façon comics qui non seulement sont assez bien dessinées et animées, mais qui prennent évidemment tout leur sens quand on voit les notes d’intention artistiques comics sur un peu près tous les plans du jeu, il était très logique d’en retrouver ici aussi et ça permet en plus de contourner le problème du budget qui ne me paraît pas très élevé pour ce titre vu toutes carences techniques alors que Sucker Punch ont vraiment pris leur temps pour le développer à un moment où la Playstation 3 était tout de même bien lancé.


Le seul problème esthétique qui me gêne c’est les musiques trop en retrait de façon générale, même si ses aspects un peu électro se mêlent bien évidemment à l’ambiance, et le fait que sur toute l’OST je ne retiendrais finalement que deux thèmes qui arriveront tous deux dans les dernières minutes de la partie, ce qui est tout de même un beau fail. C’est probablement sur ces parties techniques et esthétiques que je rejoins les plus sceptiques des joueurs sur ce jeu mais même là il reste des choses que j’ai su bien apprécier.



CONCLUSION : 8 / 10



J’aime beaucoup inFamous 1, je reconnais ses carences techniques, son OST pas terrible, sa fin un peu trop ouverte et quelques légers soucis de recyclage mais tout ça ne suffit pas pour plomber le jeu qui est pour moi synonyme de fun immédiat avec ce gameplay très réussi et de scénario à la manière d’un comics très efficace. J’ai adoré parcourir et reparcourir Empire City pour qui j’ai eu le coup de foudre, je comprends que ce ne soit pas le cas de tous mais je trouve que c’est un jeu sous-estimé et l’une des meilleures exclusivités de la Playstation 3.

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le 25 août 2013

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damon8671

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