Inside
8.1
Inside

Jeu de PlayDead, Arnt Jensen, Dino Patti et Jeppe Carlsen (2016PC)

Voudrait-on y voir une suite, un Limbo-bis, un Limbis, simple affinage ou petit lifting, la ritournelle d'un effet gimmicko-pouet-pouet et tutti quantti, que l'on en aurait tout à fait le droit, je crois. Mais faut-il ?


Car si Limbo pouvait en effet parfois sembler simplement se reposer sur le tic du noir et blanc et le tac-o-tac du petit jeu indé au simili-scénario sybillin, INSIDE me semble être une autre proposition. On peut (doit-on ? pas sûr. L'intérêt des pointillés c'est bien de ne pas avoir à tirer la ligne droite.) gloser : Portal, Akira, L'Odyssée d'Abe, les drones et la mise en abime qui vient cogner à nos écran, black mirrors, la terrible fin cachée et toutes les théories vénéneuses fleuries.


Si Limbo reste bel et bien toujours présent à l'esprit et dans l'œil du joueur, c'est d'avantage comme une sous-couche possible et même nécessaire — comme ces peintures ou ces gouaches qui ont besoin d'un apprêt de noir pour faire vivre et vibrer leurs couleurs. Pensons ici au Caravage et à tout la caravelle du caravagisme, notamment français qui aura été un peu plus coloré avec George De la Tour mais aussi Trophime Bigot ou, plus proches de nous, certains pastels post-Noirs d'Odilon Redon et les fonds marins de Klee, même certaines gouaches à fond noir de Henri Michaux : la couronne de corail du Prince de la nuit en ses Maldives maladives n'en éclate que plus fort.


C'est donc sans doute pour ça que les couleurs d'INSIDE semblent si effacées, comme délavées par trop de lumière tel un magazine abandonné sur la banquette arrière d'une voiture en plein été : un simple angle de soleil, un vieux chandail lie de vin ou quelques reflets de LED sur du métal et ce contraste insidieux suffit à sembler faire éclater une lumière trop glacée ou du sang qui vient de couler... {oups ! j'avais tout d'abord tapé... vient de couleur}


A l'inverse il joue aussi du contraste d'avec les blancs... pas les blanc éclatants et reposants des neiges éternelles, d'œufs trop montés en neige ou de la belle porcelaine des iPhones ni même les blancs opaques des hôpitaux psychiatriques où l'on peut venir à raison se cogner mais ce blanc de vaisselle sale, ce blanc un peu plâtreux, enrhumé et enrubanné de maladie. Les blancs de nos glaires.


Aussi avec ce faux "low-poly", tous les effets sur les perspectives qui se déroulent loin d'une simple 2.5D, les angles biaisés et les droites coupées et les ombres portées et ces divers plans [visuels] qui s'imbriquent, la direction artistique, certes a priori peut-être moins tape-à-l'œil qu'un N&B granuleux, m'apparaît-elle bien plus maitrisée et fine que celle de son prédécesseur.


Limbo reste donc dans l'œil mais absolument pas dans les doigts : il faut oublier la lourdeur du petit gosse qui trébuchait dans les hautes herbes et où l'on avait trop souvent l'impression de mourir par un manque de réactivité et accepter qu'avec sa réponse au poil, la justesse millimétrée des animations et la finesse de la physique mais également l'efficacité chirurgicale de son game-design (Mark Brown de Game Maker's Toolkit doit se régaler) c'est un délice de courir, grimper ou de forcer une trappe toute bête et bien sûr de résoudre ces énigmes. Même les séquences sous-marines sont plaisantes !


C'est un peu comme Journey et quelques autres jeux que l'on voudra parfois désigner comme "contemplatif" ou du gimmicko-pouet-pouet et tutti quantti, une sorte de pamphlet — ho certainement pas pour l'Art ou la Poésie — mais pour des sensations sous ce pad qui frétille sans avoir besoin d'être docteur es skill, un jeu ouvertement méta qui nous surligne qu'il est très très malin ou encore un open-world de 70 heures.



"We are the hollow men



We are the stuffed men



Leaning together



Headpiece filled with straw. Alas!



Our dried voices, when



We whisper together



Are quiet and meaningless



As wind in dry grass



Or rats' feet over broken glass



In our dry cellar



Shape without form, shade without colour,



Paralysed force, gesture without motion"



— T.S. Elliot, The Hollow Men


Nushku
8
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le 9 août 2016

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Nushku

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