Aventure minimaliste et satisfaisante

Petit avant-propos : avant de livrer mon ressenti, une pensée pour les travailleurs de Don't Nod (studio à l'origine de Jusant pour ceux qui ne l'auront pas) qui sont actuellement en grève reconductible pour protester contre un "plan de sauvegarde de l'emploi" (en gros des licenciements) qui vise près d'un tier des salariés de la branche parisienne ! On est derrière vous !

Alors, comment parler de Jusant... je me suis assez longtemps posé la question en lisant les critiques écrites par ici, j'y ai observé une grande partie de déception face à un gameplay qui briderait nos envies d'exploration ou encore une histoire qui au final ne raconterait pas grand chose. Et bien d'une certaine manière je ne peux pas aller contre une part de ces critiques, oui Jusant et un jeu avec des limites c'est indéniable et c'est d'autant plus frappant que le jeu nous met en face d'un monument naturel qui ne demande qu'à être parcouru de long en large. Alors quand on s'aperçoit que le gameplay ne nous autorise que peu de mouvements, les frustrations peuvent naitre.

Pourtant j'y ai mis la note de 9. Je m'explique.

Dans les premiers instants on prend assez facilement en main le gameplay d'escalade, trop facilement peut être pour certains et avec trop de limitations, oui on ne peut pas grimper où l'on souhaite dans Jusant. La route est tracée, sans être non plus indiquée en surbrillance et il faudra de temps en temps tourner un peu avant de trouver la bonne voie. Mais dans l'ensemble aucune difficulté. On est donc sur un jeu qui n'est pas un puzzle game où l'on doit se creuser la tête des heures pour trouver un passage, ni un havre de parkour à la AC mais dans un entre-deux qui peut ne pas totalement satisfaire.

C'est ailleurs qu'il faut chercher ce que Jusant nous propose, une proposition radicalement minimaliste. D'abord dans le sens de la quête que l'on mène, simple et efficace : où sont donc passés les habitants de cette montagnes / tour et pourquoi ne pleut-il plus ?

Pas la promesse de sauver le monde mais l'éveil de notre curiosité et de celle qui anime notre personnage. Jusant c'est l'aventure par la petite porte mais qui a beaucoup à donner pour peu qu'on y croit : pas d'inventaire, pas de craft, pas de journal de quête, même pas de PNJ, en fait dans Jusant on est seul (avec notre espèce de petit blob tout mignon) et ca renforce à fond le sentiment de quiétude et de nostalgie donc l'exploration est bourrée.

L'histoire est intéressante et donne envie d'être comprise jusqu'au bout, la narration peut être considérée comme très minimaliste (voir un peu ennuyante par moment) car elle consiste à lire les bribes de messages laissés par ceux qui comme nous sont partis à l'assaut de cette montagne. Pourtant c'est logique et cohérent dans l'univers du jeu et c'est associé à des passages plus agréables via la découverte d'énigmatiques fresques que l'on illumine et qui témoignent du passé des lieux, peu à peu on s'y retrouve, on avance et on s'amuse.

E que dire de la bande originale composée par Guillaume Ferran, c'est un chef d'œuvre tout simplement ! Elle donne au jeu une harmonie et une justesse que je n'ai pas souvent retrouvé, les moments clés sont surlignés très naturellement par une bande son qui alterne entre mélodies entrainantes et éléments plus bruts de sound design, les deux se mélangeant à la perfection. Après plus d'un an, elle continue à me renvoyer aux images du jeu et à me refaire vivre les meilleurs passages, de découvertes et d'émotions.

Jusant maitrise ce qu'il fait et c'est cela sa grande force, la proposition est claire dès les premières minutes, pas de mensonges, pas de fausses promesses. Pour une durée de 5-6 heures max le jeu sait très bien où il nous emmène et comment le faire, en disposant le long du chemin suffisamment de petits moments mémorables pour nous faire poursuivre l'aventure, que ce soit par de nouvelles petites mécaniques d'escalade ou par les moments de connexion avec son environnement.

Je ne peux pas non plus passer à côté du thème choisi : la quête de l'eau, surtout quand on sait qu'Alain Damasio a co-fondé Don't Nod et qu'il fait de la ressource en eau l'un de ses cheval de bataille. Le sujet de la disparition de l'eau et des conséquences sur les habitants ne peut qu'être lu avec un regard profondément contemporain sur la situation climatique de la planète. Un ressenti décuplé quand, à l'aide de notre petit partenaire aquatique, on renature nos alentours, un bonheur simple mais terriblement efficace.

Et alors si vous jouez au jeu en été le dénouement sera particulièrement jouissif ! Bref foncez !