Mignon et accessible mais aussi impressionnant et prometteur

Après avoir offert à la NES des franchises telles que Mother ou encore Adventures of Lolo, HAL Laboratory doit en faire de même pour la jeune Gameboy. C’est alors qu’un certain Masahiro Sakurai, futur game-designer de Super Smash Bros, rejoint l’équipe et développe un jeu de plates-formes et d’action orienté pour le jeune public. Il dessine un joli rond, puis y ajoute des beaux yeux et enfin lui offre un grand sourire, Kirby né sur Gameboy. Mais voyons si Sakurai s’est révélé être un grand game-designer dès ses débuts ou si notre boule pas encore rose avait besoin d’encore un peu de temps pour acquérir ses premières lettres de noblesse.

GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★☆☆☆

La prise en main est immédiate et plaisante grâce au maniement très souple de Kirby se déplaçant avec vitesse et précision, pouvant flotter dans les airs et gober ses adversaires depuis une bonne distance avant de les projet encore plus loin. La mécanique de gober est encore peu utilisée pour doter Kirby de formes alternatives mais l’idée est tout de même là dès ce premier épisode avec le curry extrafort permettant de projeter des boules de feu, et on a plusieurs items à usage unique à avaler également, même si rares et peu utiles. La mécanique de flotter offre quant à elle des phases de Shoot Them Up venant diversifier un peu plus l’expérience.

Si le jeu peut se boucler en une trentaine de minutes, même au premier essai si on a la stratégie des boss, et c’est bien entendu la principale limite de son gameplay, il a un beau potentiel de rejouabilité. En effet, il comprend plusieurs passages alternatifs, des petits secrets à trouver… et surtout un mode difficile qui prendra beaucoup plus que 30 minutes avec des ennemis revisités plus dangereux, de tous nouveaux ennemis particulièrement agressifs et aux trajectoires vicieuses, moins de possibilités de soin ainsi que des boss dotés de nouvelles attaques dévastatrices n’offrant que (trop ?) peu de marge de manœuvre.

La mort nous ramenant à un checkpoint peu éloigné et le game over nous ramenant au début du niveau plutôt qu’au début du jeu permet de s’entraîner sans être trop frustré et ne pas souffrir de l’absence de mot de passe ou de sauvegardes. Bien sûr qu’un jeu plus long avec un vrai système de sauvegarde aurait été idéal, surtout pour le mode difficile qui demande quand même pas mal de temps pour y progresser, mais quand on reprend le contexte d’un premier travail pour son game-designer et d’une ambition modeste, je peux le comprendre.

Masahiro Sakurai assume parfaitement cette philosophie :

J’ai créé Kirby’s Dream Land pour accueillir de nouveaux joueurs au monde du jeu vidéo. Et comme il fut jusqu’à cette année 2022 le jeu Kirby le mieux vendu de la saga, il démontre que ce positionnement était le bon à l’époque.

(Masahiro Sakurai on Creating Games 25/08/2022)

RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆

Malgré les limitations techniques de la console, de sacrés efforts ont été portés sur la réalisation avec une courte cinématique d’introduction burlesque ouvrant chaque niveau, une animation tête en bas lors des chutes pour accentuer la sensation de plongée, la déformation et la petite étoile émanant du personnage quand on se cogne à une paroi, l’envol depuis une étoile en fin de niveau avec un atterrissage dans un décor lointain mis en scène avec la taille réduite de l’étoile à son arrivée, la petite danse de Kirby propre à chauqe fin de niveau…

Cette tonne de détails démontre une réalisation soignée qui de plus sait très bien composer avec sa machine. La taille réduite de l’espace de jeu à l’écran permet notamment un niveau de détails visuels parmi les plus hauts de la console sans connaître de problématique de fluidité. C’est vraiment très impressionnant pour un jeu aux ambitions modestes et aux développeurs encore peu connaisseurs de la machine même s’ils y avaient fait quelques petits jeux avant celui-ci, comme Trax ou Revenge of the 'Gator, autrement dit rien de comparable.

L’univers dégage un charme fou en étant mignon au possible avec son héros en boule gonflant et dégonflant comme un ballon, son roi Dadidou bedonnant, son Whispy Woods qui nous lâche une larme une bois battu, ses Waddle Dee se promenant gentiment… et les thématiques environnementales choisies ne souffrent pas trop du noir et blanc, comme avec le monde des nuages pour des raisons évidentes. La direction artistique est parfaitement en accord avec le public cible et la volonté d’accessibilité tout en posant les premières pierres d’un univers visuel qui se construira autour d’elles sans jamais en faire abstraction.

L’OST composée par Jun Ishikawa, encore inexpérimenté et qui sera principalement connu pour être l’un des 2 compositeurs attitrés de la saga, propose des mélodies simples mais entraînantes et joyeuses là aussi en parfait accord avec l’ambiance du jeu. Le sound test est peut-être un peu trop caché, nécessitant sans solution de terminer le mode difficile, mais c’est au moins une récompense tangible à cette performance et il est toujours sympathique avec Kirby équipé de son casque sur ses petites oreilles.

CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆

De la promesse d’un petit jeu pour petits joueurs, Sakurai a réalisé un jeu de plates-formes / action certes court et modeste mais plaisant et prometteur tout en se payant le luxe d’être une petite merveille technique et artistique parfaitement adapté aux joueurs visés. Kirby’s Dream Land est un premier travail très engageant pour son game-designer, un excellent départ pour sa franchise qui pourra largement se reposer dessus et un incontournable de la Gameboy. Mais je demande ce qui se passerait si on rajoutait un peu de rose à cette petite boule ? ...