Pokémon Legends Zbeul

Après les DLC d'Ecarlate/Violet en 2023 et une année blanche en 2024 (chose assez rare pour la licence), 2025 marque le retour de Pokémon et de sa branche Legends, inaugurée par le perfectible mais sympathique Arceus il y a près de 4 ans. Occasion de transformer l'essai et de laver l'honneur de la série sur Switch, ou énième coup de Monorpale dans l'eau ?

ZA se déroule à Illumis, ville centrale de Pokémon XY, 5 ans après les événements du jeu. L'activation de l'Arme Suprême par Lysandre n'a pas été sans conséquences, puisque la ville est désormais en proie à un phénomène étrange, où certains Pokémon méga-évoluent spontanément, gênant les travaux de réaménagement de la ville, qui souhaite devenir un havre de paix pour humains et Pokémon sauvages. Ce sera donc à notre jeune protagoniste, fraîchement débarqué à Illumis, et à sa bande de pot(e)s de colle, d'enquêter et de ramener l'ordre dans la ville.

En tant que grand fan de XY (jeux injustement reniés) et de la région de Kalos, j'étais très content de revisiter les lieux qui m'avaient tant marqués en 2013… Las, on a rapidement appris que l'aventure se déroulerait intégralement dans la ville d'Illumis, certes la meilleure candidate de la franchise pour ce genre d'expérience (avec Volucité à Unys), mais cette annonce laissait un arrière-goût de trop peu en bouche, d'autant que la série n'a jamais brillé par ses environnements urbains.

J'avais le mince espoir de la possibilité de visiter une ou deux autres villes en post-game, ou au moins les routes adjacentes à Illumis, mais cela s'est avéré être une attente démesurée au vu des modestes ambitions du jeu.

Commençons donc par le premier défaut : tout se ressemble. Illumis était déjà un peu labyrinthique dans XY, le minimum aurait donc été de rendre chacun de ses 5 quartiers visuellement différents, pour aider le joueur à s'orienter et surtout proposer des ambiances différentes. La ville étant basée sur Paris, il n'était pas compliqué d'imaginer un quartier historique au nord, un bois à l'ouest ou des faubourgs craignos à l'est. Mais non, il faudra se contenter d'une architecture haussmannienne dans toute la ville, qui est par ailleurs désespérément plate.

Même si la map est relativement petite, je trouve les déplacements assez laborieux, surtout comparés à Arceus. On n'a aucune monture pour nous faire aller plus vite, pas même les rollers ou les Chevroum de XY qui avaient parfaitement leur place, on est donc condamnés à subir la vitesse franchement moyenne du protagoniste, qui plus est beaucoup moins souple que son ancêtre d'Hisui (les parkours sont une horreur tant qu'on n'a pas débloqué la seule upgrade de mouvement). Quasiment tous les joueurs finissent par abuser des téléportations, ce qui n'est pas franchement le signe que ton personnage est fun à contrôler ou ta map intéressante à explorer.

La musique ne joue pas non plus son rôle en ne proposant que de minces variations d'un quartier à l'autre, à côté desquelles vous risquez de passer si vous n'avez pas l'oreille absolue. Tous les quartiers proposent en effet une reprise de la même musique (un medley du thème original d'Illumis + de l'écran-titre de XY), et seules quelques zones comme les hôtels ou les égouts ont droit à une musique différente.

Je dois d'ailleurs dire que j'adore l'OST de XY, que je considère comme la meilleure de la licence et de loin (encore une fois, je ne comprends pas pourquoi la fanbase lui est globalement hostile), j'avais donc hâte d'entendre de nombreux remixes dans cet épisode. Malheureusement c'est encore une fois la douche froide, puisque beaucoup de musiques sont reprises telles quelles de XY (les boutiques, les hôtels… et même le thème de Xerneas et Yveltal !). Je crois que c'est la première fois que des musiques d'environnement sont réutilisées dans la licence, et ça fait franchement chier, quand bien même les musiques de base sont introllables. Il y a aussi pas mal de thèmes de XY qui sont totalement absents (les thèmes de route en particulier, qui auraient parfaitement pu être utilisés pour les zones sauvages)

L'OST n'est pas totalement dégueu, j'aime beaucoup les remixes des musiques de la Team Flare, de Lysandre, de Zygarde ou le tout nouveau thème de Violine, mais je trouve qu'en général, il s'agit de la plus faible bande-son depuis longtemps. Encore une fois, la répétition du thème d'Illumis éclipse les autres morceaux.

Tant qu'on est sur le sujet des éléments qui n'ont pas été repris de XY, parlons des personnages. Pour une raison obscure, ZA exploite assez peu son potentiel de suite et crée une grosse galerie de nouveaux personnages, au détriment des anciens qui sont plutôt en retrait. Certes, on retrouve Millie (un des meilleurs personnages de la licence), AZ ou le retour surprise de Lysandre dans un rôle tragique, mais des personnages importants de la ville sont totalement effacés, comme Clem le Champion d'Arène, Platane le Professeur de la région (remplacé par une ancienne admin de la Team Flare) ou Alexia la journaliste. N'espérez même pas rencontrer le protagoniste de XY ou ses rivaux, ils sont mentionnés mais aucun n'est présent dans la ville.

Le pire, c'est que ç'aurait pu être l'occasion de mettre en avant des personnages secondaires, comme l'ancien gang de Millie ou la fille-fantôme… Mais ils n'ont même pas droit à une mention !

Donc à la place, accueillons des nouveaux personnages gênants comme Narica la streameuse qui utilise plein d'expressions kikoololesques (ce qui n'en fait jamais que le deuxième personnage de ce type en deux jeux consécutifs), son grand-père qui usurpe son identité et qui reçoit donc probablement moultes photos de teubs en MP, Rudi la danseuse qui n'avait pas 3000 Pokédollars pour faire évoluer son Stari ou Corvault le leader de la pègre qui veut se faire passer pour quelqu'un de bien en… escroquant des gens désespérés ?

Bref, pas une galerie de personnages inoubliables, je pense que personne n'aurait râlé sur un meilleur ratio entre anciens et nouveaux personnages, je sais qu'en tout cas j'aurais tout donné pour éviter cet immonde furoncle qu'est Narica (qui est à l'image de 100% des streamers cela dit). Au moins le duo Violine/Delphie est plutôt sympa.

Bref, on a parlé du scénario, des musiques, des personnages… Et si on parlait du vrai truc important, à savoir le jeu ?

Déjà, sachez que si vous êtes comme moi allergiques aux tutoriels à rallonge, vous allez péter un câble, car la série semble s'être donné le défi de proposer un tutoriel de plus en plus long à chaque jeu. Certains vous diront qu'il dure 2h, mais moi je considère que le tutoriel est fini une fois qu'on a affronté notre premier Méga-Pokémon (c'est après tout l'objectif principal du jeu) et débloqué l'unique amélioration de déplacement, ce qui prend bien 5 ou 6h. Avant ce point, on enchaîne les combats sans vraiment avoir d'objectif précis et on est fréquemment bloqué par des murs invisibles.

C'est sans conteste le jeu Pokémon dans lequel j'ai eu le plus de mal à rentrer, et j'ai même mis le jeu de côté pendant une bonne semaine un peu avant la fin de ce tutoriel, tellement il m'ennuyait et semblait ne jamais vouloir prendre fin. Qu'il est loin le temps où le Professeur Chen larguait Red dans la nature, avec sa Pokébite et son couteau.

Le jeu a d'ailleurs un problème de rythme quasi-permanent. Si le début de jeu est lent, le reste est vraiment répétitif puisqu'on enchaîne des scénarios qui se ressemblent d'un bout à l'autre sans aucune variation (trois nouvelles Méga-Evolutions apparaissent, un nouveau groupe nous cherche des noises, on bat l'admin de ce nouveau groupe, son boss est comme par hasard la personne que l'on doit affronter pour monter dans la hiérarchie de la ville, on le bat, on monte de rang, et ça recommence).

Notez que le jeu nous est vendu sur la promesse de monter du rang Z au rang A dans la hiérarchie de la ville, ce qui est donc censé représenter 26 rangs… Sauf que les développeurs n'ont pas assumé et vous proposent de passer d'un seul coup du rang V au rang F ! Autrement dit, ça fait à peine une douzaine de rangs, ce qui n'est peut-être pas un mal vu l'ennui qu'on ressent dans les premières heures de jeu, mais ça reste quand même une façon peu élégante de résoudre le problème. Vous imaginez si dans les précédents jeux, on passait directement de la deuxième à la sixième Arène, sans jamais rencontrer les 4 Champions esquivés ?

Ce problème de rythme s'étend même aux transitions jour/nuit, qui sont les pires que j'ai vues dans un jeu de ma vie. Lorsque le soleil se couche, on a droit à une cinématique de transition montrant la ville de nuit, ce qui signifie que si vous affrontiez un Pokémon sauvage, celui-ci disparaît automatiquement et vous ne pouvez plus l'attraper (situation frustrante qui m'est arrivée plusieurs fois). On rappelle que la licence proposait une transition jour/nuit parfaite dès 2001 dans un jeu jouable sur UNE CONSOLE DE 1989 ! Quasiment 40 ans d'innovations pour ce résultat ?!

Le jeu propose un système de combat en temps réel, une première pour la série, mais qui ne m'a pas convaincu, la faute à un équilibrage assez étrange des attaques (certaines sont très rapides et puissantes comme Mégacorne, d'autres ultra-lentes et imprécises comme Rayon Gemme) et à l'impossibilité de contrôler son Pokémon pour esquiver des coups. J'apprécie la volonté de changement, mais le tour par tour n'a jamais été un problème dans Pokémon.

Le retour des Méga-Evolutions est appréciable, mais le système de jeu ne leur fait pas forcément honneur vu que les Talents ont disparu (comme dans Arceus), ce qui fait que des Pokémon comme Méga-Kangourex ou Méga-Dracaufeu-Y ont perdu leur identité.

Les nouvelles Méga-Evolutions sont d'ailleurs les seules nouveautés du jeu en ce qui concerne le Pokédex (aucune nouvelle créature ou une autre nouvelle forme), je trouve qu'elles sont globalement en-dessous de celles introduites dans XY et ROSA, même si comme souvent il y a du très bon (Méga-Brutalibré, Méga-Kravarech…) comme du très mauvais (Méga-Empiflor, Méga-Némélios…). Reconnaissons au moins à ce jeu le mérite d'avoir lavé l'honneur des Pokémon 5G et 6G, grands oubliés de cette mécanique en 2013/14.

Graphiquement le jeu est loin d'être beau, comme tout le monde j'ai été choqué de la modélisation des immeubles qui semblent sortis d'un jeu PS1, mais il peut se permettre de tourner à 30fps constants sur Switch 1, ce qui en fait probablement le jeu le mieux optimisé de la série depuis Epée/Bouclier. C'est un faible lot de consolation, mais c'est déjà ça de pris.

En tout cas, le budget du jeu n'est pas passé dans les animations, parce que les cinématiques de l'histoire sont toujours entrecoupées des éternels fondus au noir dès qu'un personnage fait une action un peu complexe, comme sauter, ouvrir une porte ou ramasser un objet. C'est un problème récurrent depuis la 7G, mais tkt, ce sera fixé dans le prochain jeu, c'est promis (spoiler : non).

Difficile de conclure ce test sans parler de la politique de prix honteuse du jeu.

En effet, le jeu coûte 60 balles sur Switch, auxquels on peut rajouter 10 balles pour la version Switch 2. On est donc déjà sur le jeu le plus cher de la licence, mais c'est pas fini car un DLC a été annoncé avant même la sortie du jeu, pour 30 balles.

On ne connaît pas encore tout le contenu de ce DLC, mais de ce qu'on en sait, il semblerait qu'on visite toujours Illumis, avec juste des textures en moins. On n'ira donc visiter aucune autre ville de la région, et malgré ça ce DLC coûte aussi cher que celui d'Epée/Bouclier, qui était nuls mais avait au moins le mérite d'offrir deux nouvelles zones de jeu ! Et encore une fois, annoncer un DLC avant la sortie, ça devrait juste être interdit.

A ces 100€ viennent aussi s'ajouter le prix d'un abonnement en ligne, vu que les développeurs ont eu la merveilleuse idée de bloquer certaines Méga-Evolutions derrière le mode en ligne, une première depuis Soleil/Lune (on rappelle que le online de la 3DS était gratuit). On ne sait pas si ces formes seront disponibles gratuitement plus tard, mais franchement j'en doute.

Le contraste avec Arceus est assez saisissant puisque, si le jeu était un peu chiche en contenu, il avait au moins le mérite d'être complet à sa sortie (seule une mise à jour gratuite et relativement mineure est arrivée par la suite), pensé pour le mode solo et on pouvait même y capturer tous les Pokémon Fabuleux de la 4G. Sur ce point, ZA pèche encore puisque Diancie n'est disponible que via un événement qui risque d'être limité dans le temps, Hoopa sera dans le DLC et Volcanion n'est pour l'instant présent nulle part dans le jeu.

En fait, Pokémon ZA avait tout du petit jeu avec un peu de farm sur les bords et des déplacements pas oufs mais qui permet de faire passer le temps avant la 10G. Une sorte d'apéritif en attendant le plat principal, quoi.

Sauf que Game Freak l'a vendu comme la suite du jeu le plus populaire de ces dernières années, annoncé en grande pompe près de deux ans avant sa sortie et vendu à un tarif plus que premium. Et là, les gros problèmes du jeu ne peuvent plus être cachés sous le tapis. Pour ce prix, un jeu aussi répétitif, moche, rigide, qui se permet de copier-coller des musiques vieilles de 12 ans et avec finalement peu de contenu (une vingtaine de zones sauvages avec genre 5 Pokémon dans chacune et un post-game qui consiste à enchaîner les combats contre des randoms, c'est médiocre) ne peut pas bénéficier de la moindre indulgence, et il est parfaitement normal que les joueurs râlent.

Sauf que ça fait au moins la cinquième fois depuis 2018 et rien ne bouge, parce que cette licence refuse de se vendre à moins de 10 millions d'exemplaires.

ZA est donc une énième brique apportée à l'édifice de la médiocrité, qui atteint des sommets stratosphériques depuis 2014. Arceus est toujours le meilleur (et serai-je tenté de dire : le seul bon) jeu de la série sur Switch, et Kalos est toujours la région la moins bien exploitée de la licence.

Rien de nouveau sous le Solaroc, donc.