Un jour sans fin: longue vie aux papillons!

Life is Strange est un jeu au format épisodique, édité par Square Enix en 2015, et développé par le studio français Dontnod, à qui l'on doit le très prometteur mais un peu décevant Remember Me.

On incarne ici Max Caulfield, qui revient au bout de cinq ans dans sa ville d'enfance, Arcadia Bay dans l'Etat d'Oregon, pour y suivre des études de photographie en classe de terminale. L'action commence le jour de ses 18 ans: la jeune fille est au lycée lorsqu'elle est témoin d'une agression et se découvre le pouvoir de remonter le temps de quelques secondes, ce qui lui permet de modifier l'issue du drame. La suite de l'épisode nous permettra de faire connaissance avec les principaux protagonistes du titre (comme Chloe, l'amie d'enfance de Max) et d'en effleurer la trame de fond: une lycéenne et amie de Chloe, Rachel Amber, a disparu dans des circonstances mystérieuses...

Le gameplay repose sur la notion de choix et de conséquences, à la manière d'un Heavy Rain ou d'un des titres récents de Telltale (comme The Walking Dead, pour ne citer que lui...): chaque décision peut influer le cours du scénario (bien entendu, toutes n'auront pas un poids crucial sur le déroulement de l'histoire) Les choix ayant des conséquences sont signalés par l'apparition d'un petit symbole en forme de papillon. La petite subtilité vient du pouvoir de Max: la possibilité de remonter le temps permet de modifier à volonté les choix effectués, mais seulement dans la zone où vous êtes actuellement (autrement dit, jusqu'à la dernière sauvegarde automatique). On peut donc étudier chaque option tranquillement avant de faire son choix et poursuivre l'aventure.

La direction artistique est réussie, et ceci pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, un travail énorme a été effectué sur l'aspect visuel, avec une palette de couleurs automnales, des ombres allongées et des textures peintes à la main pour un rendu évoquant les arts visuels tels que la photographie, la peinture et le cinéma: les développeurs ont d'ailleurs plusieurs fois mis en avant les films du Sundance Festival dans leurs sources d'inspiration.
De plus, les lieux et les personnages ont une vraie profondeur et une forte crédibilité. En fouillant, de nombreux détails apparaissent, qui rendent les locaux du lycée vivants. Du côté des personnages, le journal de Max est un bon exemple: grâce à un vrai travail sur le style d'écriture, on a vraiment l'impression de lire les pensées intimes d'une lycéenne de 18 ans. Les dialogues sonnent presque toujours juste. Et si certains personnages correspondent à des stéréotypes (réels) de fiction pour ados américains, on est tout de même loin de tout manichéisme: chaque protagoniste semble avoir sa vulnérabilité mais aussi son côté sombre.
Enfin, la bande son est tout aussi travaillée . Comme dit un peu plus haut, les dialogues sont réussis. Les bruitages donnent vie aux environnements et les morceaux de la bande originale, dans la veine pop-folk américaine, collent parfaitement aux scènes et à l'ambiance générale.
Le tout parvient donc à nous immerger dans l'ambiance des petites villes côtières du Nord-Ouest des Etats-Unis et dans la vie mouvementée d'une adolescente américaine.

Si il est très difficile de juger un jeu au format épisodique à partir du seul premier épisode, on ne peut s'empêcher de penser que Life is Strange est bien parti pour être une réussite. Dontnod a bien compris l'intérêt et le fonctionnement du système choix/conséquence: donner au joueur la sensation qu'il construit le scénario. De ce point de vue, la mécanique du rewind est bien pensée: elle permet d'expérimenter, en constatant les conséquences directes de ses actions, sans toutefois dévoiler les conséquences qu'une décision pourra avoir à plus long terme ("Le battement d'aile du papillon..."). On sent d’ailleurs que ces choix ne sont pas manichéens, et qu'une action qui paraît bonne sur le moment pourra avoir des conséquences négatives (désastreuses?) par la suite.
La narration est maîtrisée, très cinématographique et servie par une direction artistique réussie et immersive. Le premier épisode est là pour installer les bases du jeu: les lieux, les protagonistes et le gameplay sont introduits, mais le scénario n'est pour l'instant qu'effleuré. On a d'ores et déjà envie d'en savoir plus sur le mystère entourant la disparition de Rachel Amber et de voir comment vont évoluer les aventures de Max. Si c'est la seconde fois (sur deux) que Dontnod choisit une héroïne féminine, c'est la première fois qu'on nous laisse incarner une adolescente vulnérable et introvertie, au stade de la chrysalide, se voyant dotée d'un pouvoir qui la dépasse et qu'elle ne comprend pas encore. Vivement la suite!