Mario Kart 64
7.8
Mario Kart 64

Jeu de Nintendo EAD, Hideki Konno et Nintendo (1996Nintendo 64)

"Partir le premier, doubler au besoin, faire trébucher l'autre, sortir victorieux du dernier tour de piste. Quelle belle leçon d'individualisme. Inculquée dès le plus jeune âge, c'est le meilleur moyen de faire de votre marmot un requin qui en a. Les vertus de la gagne pixélisées, solide invention que le jeu vidéo. Voyez comme il s'amusera avec Mario Kart 64. Ne craignez rien, l'identification est une chimère d'artistes : votre marmot se fiche pas mal de qui pilote. La preuve, il change régulièrement d'écurie pour dominer ses anciens collègues. Plombier ou princesse, peu importe. Il sera le meilleur, eux ne sont qu'un tremplin. Faites-nous confiance, la console de salon coupera votre enfant du monde mais passé le stade de ces enfantillages, il ira le conquérir.


On ne vous cache pas qu'il y a quelques effets secondaires, comme pour tout produit avant-gardiste. Il arrive, en de rares occasions, que l'enfant éprouve un désir de partage. C'est la conséquence d'une perversion de la machine, qui offre la possibilité de jouer à plusieurs. Mais ne vous inquiétez pas, ce n'est qu'un pas en avant vers son heure de gloire. A défaut d'adversaires virtuels, il écrase déjà ses propres amis par écran interposé. Non vraiment, le produit est idéal pour lancer votre enfant sur le marché du travail. Par souci d'honnêteté, il nous faut néanmoins vous avertir : nous craignons que l'enfant, s'il s'expose à la machine trop d'heures par jour, développe une sensibilité artistique qui annule ses futures velléités compétitives...".


Le ver était dans le fruit, et le bonheur dans le salon. C'est pas une sensibilité qu'on a développé, mais une nouvelle forme d'amour. Le terme est exagéré, sans doute. Mais si l'on va au cinéma, si on lit des romans, des nouvelles, du théâtre, si l'on se plonge des mois durant dans une série, c'est parce qu'on aime profondément les histoires. Forcément, Mario Kart 64 ne la ramène pas à ce niveau. Pourtant, à l'époque, pour ceux dont c'était le premier jeu vidéo (on n'a pas tous pu tester son grand frère sur Super Nintendo !), il a fait plus encore : il a redéfini notre rapport à l'imaginaire. Pas par son génie du storytelling mais par ce principe tout simple : démarrer, foncer, ruser, gagner. Avec plein de couleurs au milieu. Concept simple, talent fou.


Plus largement, le jeu se reposait sur un autre schéma, plus théorique mais d'importance égale : icone, incarnation, interaction. Mario est devenu l'icone de Nintendo, leur Apple à eux. La possibilité d'incarner des personnages célèbres dans un même jeu est devenu un leitmotiv de la boîte ( le concept de Mario Kart, toutes proportions gardées, c'est un peu Avengers sur quatre roues). Enfin, l'interaction est leur cheval de bataille (le catalogue de Nintendo table énormément sur les expériences collectives et familiales). Ici, c'est le fun, le plaisir immédiat qui prime. Mais de cette compétition chronophage est né l'héritier des parties de cache-cache de nos parents.


Bienveillants, combien ont vu ça d'un mauvais oeil ? Un gosse assis, les yeux rivés sur une boîte et indifférent au soleil, c'est forcément triste. On irait pas dire à un bibliophile qu'il passe trop de temps dans ses bouquins. Mais un gamer, quand bien même il cartonnerait plus que tout le primaire de la région en orthographe, on s'inquiète. Il ne fallait pas : on a arpenté un désert, trouvé des raccourcis, évité des peaux de banane par milliers. On a appréhendé, découvert. Et on a partagé, surtout, tant et tant d'heures, chez les un(e)s et les autres. Puis chez les revendeurs, avec quelques francs en poche et l'idée de passer la journée sur place.


Preuve qu'on tient avec Mario Kart 64 un titre séminal, ses niveaux les plus marquants se sont vus déclinés sur Wii ; tel cet arc-en-ciel infernal, ruban de Möbius qui rend fou les excités du volant. C'était beau, ça illuminait l'aprem des gosses qu'on était dans les 90's. Personne à perverti ça. Même les parties en solo, si on s'y sentait fort, on en causait plus tard avec les autres. Et une fois en multi, rien pour freiner la partie, briser cette petite bulle d'euphorie. Juste une manette à trois branches dans les mains, un peu d'hystérie, puis quelques morceaux de gâteau qui traînent, le menu qui tourne en boucle, les potes qui s'en vont et l'attente du week-end prochain. Ou une partie en solo, histoire de s'entraîner. Après tout, les autres feront sûrement de même.


La société Nintendo fut créé fin 1889, six ans avant l'invention du cinématographe. Mario Kart 64 sortira un siècle plus tard, en plein dans les 90's dont il deviendra un titre phare. A sa création, lorsqu'elle vendait seulement des cartes à jouer, Nintendo se nommait Nintendo Koppaï, soit « Laissons la chance au ciel ». Peu après Mario Kart 64, Super Mario 64 verra le jour, avec sa belle boîte ornée d'une forteresse volante et d'un petit plombier qui déploie ses ailes. S'ils ne laissent rien au hasard, les gens de Nintendo Koppaï ont néanmoins de la suite dans les idées. Tant mieux pour nous !

Fritz_the_Cat
8
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le 25 févr. 2015

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Fritz_the_Cat

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