Mario Kart 64
7.8
Mario Kart 64

Jeu de Nintendo EAD, Hideki Konno et Nintendo (1996Nintendo 64)

Impressionnant et amusant mais mal équilibré, incomplet et inabouti

Après le formidable succès de Super Mario Kart qui s’est imposé parmi les meilleurs sur Super Nintendo avec presque 10 millions de ventes, pas question pour Nintendo de s’arrêter en si bon chemin. Et plutôt que de se perfectionner sur une console en fin de vie qui n’en a pas spécialement besoin, la saga Mario Kart revient sur la piste en 1996 pour promouvoir la Nintendo 64 qui se vend sur sa 3D et sa dimension multijoueur, Mario Kart 64 semblant tout indiqué pour y parvenir. Mais je fais partie des joueurs qui voit pas mal de défauts à la formule original malgré son potentiel évident, je revois donc cet opus avec un regard assez exigeant par rapport à mes souvenirs d’enfance où j’y a pu jouer quelques parties chez un ami, ayant moi même Crash Team Racing sur Playstation 1 pour l’anecdote.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆


Les évolutions techniques de la console sur la précédente offre une réalisation très différente pour la jeune saga qui s’ouvre sur une voix digitalisée culte, s’affiche sur la totalité de l’écran, élargit le décor de manière significative, offre plus de feed-back sonores avec les cris des personnages, transpose bien des éléments en 3D, se découpe jusqu’à 4 écrans simultanés pour le mode multijoueur… il y a de quoi être impressionné et c’est important, pour ne pas dire essentiel, pour un jeu à l’ambition d’être l’un des principaux moteurs de ventes de sa console.


Cependant, tout début de la 3D oblige c’est au prix de sérieux compromis techniques : les sprites sont toujours en 2D et donc assez disgracieux avec le décor en 3D, les textures sont grossières, les arrière-plans sont dépouillés, le clipping est très présent, la caméra gère mal les boosts avec des secousses désagréables... C’est parfaitement compréhensible et l’essentiel, c’est-à-dire la fluidité, est préservé pour le mode 1 joueur, pour le multi il n’y a pas de miracle, mais ça empêche à cette réalisation d’être aussi époustouflante que ce que j’en attendais. Mario Kart 64 a heureusement d’autres qualités visuelles à faire valoir.


On a droit à une vraie générosité dans les environnements qui se répètent beaucoup moins tout en comptant toujours plus d’éléments dynamiques massifs pour leur donner vie comme le trafic routier sur l’autoroute Toad, les boos passant au travers des pontons lugubres, les crabes se promenant sur la plage Koopa, la statue crachant des flammes dans le château de Bowser… Et ce qui est très appréciable c’est que la diversité environnementale ne se limite pas à l’univers de Mario avec Super Mario 64, contrairement à Super Mario Kart qui avait pu se tourner quasi exclusivement vers Super Mario World.


Ici, les thématiques des environnements sont liés aux personnages jouables et à leur franchise aux alentours de Mario. La jungle de Donkey Kong ou le stade Wario sont à ce titre de grandes réussites et de futurs classiques dans la franchise. Et quand on retrouve les thématiques du premier opus, elles sont bien entendues actualisées, revisitées, enrichies, ce ne sont pas de simples transpositions sans grand intérêt. Et il est seulement dommage que quelques circuits ne profitent que très peu d’effets visuels qui leur seraient spécifiques, sans doute une conséquence du manque de temps de développement, mais pas la plus regrettable.


Pour le casting, Donkey Kong Junior cède sa place à Donkey Kong des épisodes Country de la Super Nintendo, un choix logique même s’il aurait été sympa de les voir s’affronter. De la même manière, Koopa disparaît au profit de Wario. Je veux bien entendre que ce dernier soit plus intéressant mais c’est tout de même dommage qu’avec une génération de plus le casting soit toujours limité à 8 personnages, obligeant ces arbitrages. Un casting de 10 ou 12 personnages, incluant 2 à 4 personnages à débloquer, me semblait raisonnable comme évolution, même en considérant tout le travail graphique et sonore que ça implique, chaque personnage étant par exemple décliné en une tonne de sprites pour donner ce sentiment de modèle 3D quand on tourne.


Il y avait largement de quoi faire entre les univers de Mario, de Yoshi, de Donkey Kong et de Wario, à commencer par Diddy et Dixie Kong qui auraient largement eu toute leur légitimité en 1996, alors que vient de se conclure la trilogie des Donkey Kong Country et que Donkey Kong 64 est à teaser. Quand on sait que certains personnages prévus ont été supprimés comme Kamek qui se rapporte à Yoshi, on ne peut que en conclure qu’il y a eu des coupes dans le contenu par manque de temps. Mario Kart 64 se la joue vraiment petits bras sur ce casting limité qui n’était vraiment pas un problème difficile à résoudre.


L’OST, composé par le nouveau venu Kenta Nagata, est le point le plus abouti du jeu et ce n’est pas pour rien qu’il deviendra indissociable de la série après cet épisode. Que ce soit pour accompagner avec entrain un circuit assez facile, mettre de la tension dans un circuit anxiogène et difficile comme le Château de Bowser, où se doter d’un aspect majestueux pour la route arc-en-ciel… c’est quasiment un sans-faute. Le thème très pauvre du pont lugubre serait peut-être d’ailleurs la seule à me poser souci.


GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆


Le changement de réalisation dicte la première différence ludique majeure : le terrain n’est plus plat et gagne en relief avec la 3D exploitant le joystick révolutionnaire du Pad64 à 100 %. Pour y circuler, les dérapages et les bonds font leur apparition pour un gameplay plus dynamique et technique mais en revanche on part facilement en tête à queue et bondir au mauvais moment peut nous mener facilement dans le mur ou le vide. La prise en main est ainsi un peu plus capricieuse, pas forcément en accord avec l’accessibilité promise, mais on est encore au tout de la 3D de cette génération, c’est donc plutôt normal et ce n’est pas là que mes reproches se porteraient.


Devant corriger son CPU catastrophique et son système de retry imparfait sur SNES, Mario Kart 64 les a effectivement revu mais sans parvenir à résoudre les problèmes de fond. L’IA ne cesse de tricher pour se tenir au coude à coude avec nous qu’importe la qualité de notre pilotage et peut par contre nous distancer de manière surnaturelle dès qu’il nous arrive quelque-chose, que ce soit de notre faute ou celle de la malchance, ce qui impose une action constante, contourne les problèmes de visée imprécise des projectiles, mais cause aussi beaucoup de frustration. Et désormais les retry sont illimités et ne se déclenchent que si on est 5ème ou moins, il vaut donc parfois mieux finir 8ème que 2ème, très logique, et on est encouragés à refaire plusieurs fois un même circuit plutôt que de passer au suivant.


Les circuits sont moins nombreux mais beaucoup plus longs, ce qui veut dire potentiellement moins d’interactions avec les autres joueurs en multijoueur puisque le nombre de participants à la course est le même. C’est un peu dommage et contraire à l’esprit de l’épisode original même si la multitude d’éléments dynamiques sur la piste peut compenser un peu le problème, si l’on excepte quelques temps morts sur des circuits moins dotés de ses éléments, l’aléatoire parfois frustrant qu’ils peuvent impliquer et le fait que maîtriser le tracé des circuits signifie contourner la plupart de ces éléments qui en deviennent inutiles. Ces circuits ne sont pas trop mal mais leur réduction en nombre font que j’exigerais une qualité encore supérieure.


La carapace bleue et le champignon doré font leur apparition pour offrir toujours plus d’occasions aux derniers de remonter la piste, tandis que la fausse boite à objet est déjà un peu plus originale avec la possibilité de piéger notamment les joueurs humains avec un peu de malice. Offrir une déclinaison multiple des items communs est également une idée propre à cet épisode et elle permet de toujours mieux travailler l’équilibre des items. Enfin, pouvoir laisser traîner derrière soi un item avant l’utilisation, ou de s’en entourer, permet un peu plus de technicité dans l’utilisation des items. Le gameplay est donc assez bien enrichi par ces ajouts.


Quelques régressions sont malheureusement à déplorer : la disparition des pièces qui enrichissaient le level-design des circuits et ajoutaient à l’importance d’éviter les dégâts et l’intérêt d’en causer, la disparition de la plume et son non remplacement par un item permettant de créer ses propres raccourcis avec autant de liberté, la simplification des statistiques des pilotes en passant de 4 à 3 catégories distinctes, la disponibilité immédiate de tous les circuits qui ôte le maigre aspect de progression que l’on avait dans le contenu qui se limite ici au mode miroir…


Ce mode miroir est d’ailleurs le seul mode de jeu inédit de Mario Kart 64 et s’il n’est pas sans intérêt, il est tout de même bien peu de choses. Le mode bataille de ballons fait son retour et s’y ajoute le fait de devenir une petite bombe à roulettes si l’on perd, nous permettant de jouer encore un petit peu en 3 à 4 joueurs, une bonne idée même si anecdotique. Il est également à noter que le mode grand prix n’est pas disponible de 3 à 4 joueurs, ce qui la fout un peu mal pour un jeu se vendant autant sur cette dimension multijoueur qui reste réussie mais pas non plus très innovante par rapport à sa version Super Nintendo en dehors des 4 joueurs.


CONCLUSION : ★★★★★★☆☆☆☆


Sans doute quelques peu précipité pour répondre au besoin de fournir à la Nintendo 64 le titre 3D familial et impressionnant dont elle avait besoin à son lancement, Mario Kart 64 aurait mérité au moins un meilleur équilibrage de son mode Grand Prix, un casting plus étoffé et des circuits plus réussis pour être aussi satisfaisant que ce que j’en attendais. Et si on veut aller jusqu’au bout, quelques mois de développement supplémentaires étaient nécessaires pour aller au-delà. S’il reste plaisant à jouer et non sans qualités, plébiscité par son succès commercial immense avec presque 10 millions de ventes le propulsant à la deuxième place des jeux les plus vendus de la Nintendo 64, Crash Team Racing et Diddy Kong Racing viendront le surpasser à mes yeux sur la même génération, l’une des rares époques où Mario Kart n’est pas en première place dans son genre selon moi.

damon8671
6
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le 20 mars 2015

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il y a 5 jours

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damon8671

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