Raymarathon : 22/22


Si les Lapins Crétins ont assez vite éclipsé Rayman du devant de la scène, force est de constater que les léporidés se sont faits assez discrets dans les années 2010. Après l'échec de Lapins Crétins Land qui était un jeu de lancement de la Wii U (le combo console maudite + concurrence avec le génial Nintendo Land n'a pas aidé), nos débiles préférés se sont contentés de petits jeux sur smartphones pendant 5 bonnes années.
La franchise n'était certes pas morte (leur série animée était diffusée à partir de 2013, une BD paraissait chaque année et ils apparaissaient ici et là dans les productions Ubisoft), mais elle commençait doucement à rejoindre Rayman dans les limbes de l'oubli.
De l'autre côté des Alpes, Ubisoft Milan avait très envie de proposer un jeu original, le studio étant jusque-là abonné aux adaptations portables ou à du support sur de plus gros projets (on les a vus pour la dernière fois dans le Raymarathon sur Rayman M/Arena).


Bref, Kingdom Battle c'est d'abord et avant tout l'histoire d'un studio mineur et d'une série en perte de vitesse qui, allez savoir grâce à quelle magie noire, ont réussi à obtenir les droits de la plus grande licence du jeu vidéo : Super Mario. Et au lieu de faire une compilation de mini-jeux, genre auquel sont habituées les deux franchises, les cerveaux malades de la Lombardie ont pensé à faire un Tactical-RPG où Mario utilise des armes à feu.
Il n'y a rien qui va dans cette proposition, et pourtant… Force est de constater que le produit final est un pur plaisir !


Tout n'est pas parfait, donc je vais commencer par lister les défauts : les phases tactiques sont entrecoupées de phases d'exploration/énigme que je trouve un peu longuettes, je n'aurais pas été contre passer directement d'une phase de combat à l'autre. Surtout que le jeu est découpé en chapitres mais que ça se traduit assez aléatoirement : certains chapitres peuvent être séparés par un simple couloir tandis qu'une grosse phase de recherche peut se trouver entre deux combats d'un même chapitre.
Dans ces sections, on ne contrôle pas Mario et ses acolytes, on contrôle Beep-O le petit robot, que Mario et ses alliés suivent. Ca entraîne assez souvent des problèmes de lisibilité vu qu'on a instinctivement envie de contrôler Mario et pas le petit point blanc devant lui, et du coup il n'est pas rare lors d'énigmes où on pousse des blocs d'en pousser un dans le mauvais sens, parce que Mario est d'un côté du cube mais que Beep-O est face à un autre côté.
La caméra pose également un problème en combat : celle-ci est limitée à 4 angles et sans possibilité de zoomer/dézoomer, ce qui rend la lisibilité du terrain assez moyenne. Difficile de savoir s'il s'agit d'une volonté des développeurs ou d'un réel oubli de leur part, mais quand on est habitués à la propreté de la vue du dessus d'un Fire Emblem ou Advance Wars, c'est un downgrade peu agréable.


La difficulté du jeu est également assez inégale, j'ai beaucoup galéré dans le monde 2 (en particulier sur le couple de mini-boss, c'est le seul combat où j'ai été contraint de passer en mode facile) alors que le monde 3 est passé tout seul et que le monde 4 est surtout difficile dans sa seconde moitié. A la décharge du jeu, je n'ai compris le fonctionnement de l'arbre de compétence qu'à la fin du monde 2 (je croyais que les points de compétence étaient partagés entre tous les personnages donc j'étais très radin et n'investissais que dans les stats de Mario) donc j'étais forcément mieux équipé pour la deuxième moitié de l'aventure, mais tout de même.
On m'avait vanté la difficulté du jeu et je n'ai qu'une expérience moyenne du genre (je n'ai jamais pu terminer la campagne d'Hector dans FE6 par exemple), mais j'ai eu l'impression de rouler sur la majorité des ennemis et boss. Surtout que le jeu est un peu court en ligne droite (36 chapitres).


Il y a aussi eu quelques moments, surtout au début, où le jeu m'a semblé trahir ses propres règles. Je me suis plusieurs fois pris un tir qui a traversé un mur de briques, quelque chose que le jeu établit comme impossible. Ca vient du fait que les animations d'attaque ne respectent pas toujours le squelette de la carte, et on finit par prendre le pli, mais ça décontenance de premier abord.


Du côté des points plus positifs, le jeu propose une bonne variété de personnages, on a un healer (Lapin Peach), des spécialistes des attaques de zone (Peach et Lapin Mario), un sniper (Luigi), un tank (Lapin Luigi), un expert du corps-à-corps (Mario)... Le casting aurait pu être plus important (où sont Wario et Waluigi, je vous le demande ?) mais pour un jeu où l'équipe n'est composée que de trois personnages, c'est suffisamment varié.
Cependant, il faut bien noter que Yoshi et son équivalent Lapin arrivent très tard dans l'aventure, le petit dinosaure en particulier n'est recruté qu'à 4 niveaux de la fin, à un moment où on n'a plus vraiment envie de toucher à sa composition d'équipe. Et ils ne risquent pas de briller dans la suite Sparks of Hope vu qu'ils ont été tout bonnement retirés du jeu, quelle infâmie pour le fan de Yoshi que je suis !
Le jeu force aussi à avoir une équipe composée de Mario et d'au moins un Lapin. Je trouve que c'est une limite assez sévère, en particulier pour Mario qui est un personnage un peu trop équilibré et ennuyant à mon goût. J'ai fait la moitié de l'aventure avec Peach et Lapin Peach, qui gèrent correctement le corps-à-corps et la moyenne distance et dont les facultés de soin m'étaient indispensables, Mario faisant un peu doublon j'aurais bien aimé que Luigi soit le troisième membre de l'équipe, pour pouvoir mieux attaquer à distance.


L'humour a souvent été cité comme un point fort du jeu, et si je partage en partie ce point de vue, je vais le tempérer. Il n'y a jamais de quoi se pisser dessus et les petits tacles adressés à Mario ici et là restent très fair-play, mais il faut admettre que c'est rafraîchissant de voir un lieu aussi rigide voire aseptisé que le Royaume Champignon être mis sens dessus dessous par les Lapins Crétins. Bowser Jr est le meilleur personnage du jeu cela dit, et il peut d'ailleurs être considéré comme le méchant principal vu le manque de respect dont a été victime son paternel. Et puis j'aime bien le fait que le jeu reprenne le peu d'élément de lore des Lapins Crétins pour l'intégrer à l'intrigue, en l'occurrence tout le chaos au Royaume Champignon a été en partie provoqué par leur machine à voyager dans le temps, vue pour la première fois dans Retour vers le Passé.
Même analyse pour l'OST qui est bonne, mais qui ne m'a jamais emporté. Je n'ai jamais été trop fan des compositions de Grant Kirkhope, ceci explique peut-être cela. Je retiens tout de même le très nostalgique thème de Lapin DK et le remix 8-bits entraînant du thème principal.


J'ai mentionné plus haut un mode facile, je dois vous admettre que j'aime beaucoup son intégration. Il s'agit d'un simple boost de PV que vous pouvez utiliser autant de fois que vous le souhaitez au cours de votre aventure, sans que cela n'influe sur vos récompenses ou ne modifie le terrain (en plaçant moins d'ennemis par exemple). Si avoir plus de PV peut vous sortir d'une situation tendue, il vous faudra tout de même faire preuve de stratégie pour voir le bout du niveau, donc c'est vraiment un ajout bienvenu mais qui ne prend pas son (jeune) public pour des cons.


Les missions que l'on exécute pendant le jeu ont une variété tout à fait honnête (battre tous les ennemis, battre X ennemis, arriver au bout de la map, escorter un PNJ -objectif malheureusement trop rare à mon goût-). Je suis quand même un poil déçu qu'il n'y en ait pas eu plus, si on s'inspire de Fire Emblem par exemple, on aurait pu avoir survivre X tours ou appuyer sur X interrupteurs. Plus simplement vu que le scénario indique que tuer des Lapins renforce l'antagoniste principal, on pouvait facilement imaginer un objectif du type "Abattre moins de X ennemis".


Pour contrer la facilité de la campagne principale, le jeu propose beaucoup de défis qui peuvent aller de la simple formalité (rejoindre la zone de fin en X tours) au test de résistance au masochisme (éliminer tous les mini-boss du jeu sans crever). Une bonne manière d'augmenter la durée de vie, même si mon jeu a étrangement crash à la quatrième mission et que ça m'a découragé de continuer.
On peut aussi refaire les niveaux normaux (en conservant nos améliorations obtenues à posteriori) pour réussir certaines contraintes annexes qu'on aurait ratées lors de notre premier essai. Ca n'apporte que des pièces, mais aussi la satisfaction de la réussite.


Au final, la présence de seulement 4 mondes, très réussis thématiquement (j'aime en particulier le désert de glace et de sable) donne envie d'en explorer plus ! 4 environnements, c'est peu pour un Mario.
Et surtout, tout cela m'a donné envie de jouer à XCOM, série à laquelle ce jeu a souvent été comparée, donc je suis très curieux d'autant que j'imagine que la difficulté est plus poussée. L'épisode 2 dort dans ma ludothèque Epic, alors un jour, peut-être…


Le jeu a également connu un DLC, sorti un an plus tard : Donkey Kong Adventure. Dans ce chapitre inédit, on contrôle bien sûr Donkey, mais aussi Lapin Peach et Lapin Cranky, qui doivent bouter les envahisseurs hors de l'île DK.
L'aventure est encore meilleure que le jeu de base, elle corrige beaucoup de défauts que j'avais couchés sur le papier avant de m'y lancer. La variété des objectifs est bien plus grande, puisque ce DLC introduit les objectifs "éliminer tous les ennemis de telle espèce", "empêcher l'ennemi d'atteindre une case" ou "détruire les stocks de bananes", ce qui casse efficacement la monotonie.


Entre les batailles, on ne contrôle plus Beep-O mais Lapin Cranky, ce qui permet aussi une meilleure lisibilité des énigmes.
Les batailles sont également plus difficiles et j'ai bien plus souvent dû recommencer une map que dans la deuxième moitié du jeu de base. Ce DLC est à peu près moitié moins long que Kingdom Battle, mais il contient sûrement mes niveaux préférés de tout le jeu, en particulier les trois derniers où l'on doit à la fois gérer des ennemis et des sortes de robots invincibles. Les batailles sont vraiment bourrées d'idées, et c'est dommage que les énigmes entre chaque niveau soient toujours aussi désespérément longues et peu inspirées (pousser des blocs sur des interrupteurs, youhou…).


Petit bémol sur la musique en revanche, qui utilise ad nauseam le thème de Lapin DK du jeu de base, qui était mon préféré mais dont j'ai fini par être dégoûté. Alors certes, il a parfois des variations, mais c'était vraiment si dur de trouver d'autres musiques Donkey Kong à remixer et revenir en permanence sur le thème principal de DKC1 ? La seule autre musique de la série qui soit remixée c'est le thème de l'île de DK64, et je suis persuadé que c'est juste parce que Kirkhope était le compositeur du jeu.
Ah non, il y a aussi un remix des chambres bonus de DKC1, qu'on doit entendre à trois endroits à tout casser.


Thématiquement, c'est une jolie manière de boucler la boucle. J'ai commencé le Raymarathon après avoir terminé une rétrospective DK, et on retrouve le gorille dans ce chapitre final d'une aventure qui m'aura occupé un an. Si vous vous posez la question, oui, tout était pensé depuis le début.
Ce qui n'avait pas été pensé en revanche, c'est que lorsque j'ai commencé ce marathon en juillet dernier, l'avenir de Rayman semblait bien sombre, tout comme Donkey qui est (toujours) dans une impasse depuis l'épisode Tropical Freeze. Et comme Donkey, le salut de Rayman est venu de ce cross-over décidément étrange qu'est Mario + Lapins Crétins, vu que notre héros sans membres sera la vedette d'un prochain DLC de Sparks of Hope. Je ne pense pas que ça suffira à relancer sa carrière vu que cet épisode s'est moins bien vendu que Kingdom Battle, mais ça reste une apparition sur consoles modernes totalement inespérée il y a encore un an.


Et puis après tout, on peut toujours rêver. Rêver à cette grande évasion, rêver de cette dévastation de voyous, rêver d'un retour aux origines, rêver d'une rédemption… Tant que les gens rêvent et partagent leurs souvenirs, notre héros onirique ne peut pas mourir.

Sonicvic
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le 9 juil. 2023

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