Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty
8.1
Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty

Jeu de Hideo Kojima et Konami (2001PlayStation 2)

Le plus gros "fuck you" vidéoludique du début du 21ème siècle

1) L'incident du Tanker : le début d'une promesse

J'ai découvert le jeu 2 ans après sa sortie européenne grâce à mon tonton. Très jeune à l'époque, je le regardais jouer de temps en temps. Ce qui m'avait frappé à l'époque (et encore aujourd'hui pour tout dire) c'était les graphismes. La séquence sur le tanker, en plus d'offrir une cinématique d'intro à couper le souffle, n'est rien de moins qu'une démo technique pur et dure qui monte ce que la PS2 a sous le capot : les animations, le sound design, l'impact des gouttes de pluie sur le deck, le bandeau de Snake qui suit le sens du vent, etc... A l'époque la claque est juste monumentale et permet même encore aujourd'hui une excellente rejouabilité.

Ce n'est qu'un an plus tard que mon tonton me laissera finalement jouer au jeu. Manette en main, Snake répond au doigt et à l'œil. Mon passif de gamer à l'époque se limitait à Rayman Revolutions, Crash Bandicoot Warped et un disque de démos (vous savez celui qui contenait SSX...). Bref la courbe d'apprentissage fut longue et difficile, mais je parvins finalement au bout de cette 1ère étape du jeu. Happé par la mise en scène, les dialogues et l'ambiance film d'espionnage, je ne comprenais pas tout (loin de là...) mais la profondeur du gameplay et le charisme de Snake me suffisait. Je devais continuer ce jeu.

2) L'incident de la Big Shell : la désillusion ?

Quelle ne fut pas ma surprise de me retrouver avec le personnage de Raiden pour la 2ème partie du jeu. Un "rookie" blond et androgyne bien loin du style Rambo de Snake. A l'époque le choix m'avait décontenancé, mais ne m'avait pas découragé pour autant. L'histoire était trop intrigante, les cinématiques de par leur mise en scène me disaient que j'étais devant un blockbuster et les personnages mystérieux comme Fortune et Vamp avaient un aspect fantastico-horrifique qui me fascinait au milieu de cet environnement techno-thriller.

Seule ombre au tableau les conversations codecs intrusives qui venaient hacher les séquences de gameplay. Ces dernières s'avéraient plus intéressantes lorsqu'on s'équipe de certains objets/armes (au hasard un magazine de charme...) ce qui donnait lieu à des échanges comiques ou parfois plus intimistes. Les heures passaient, les phases de jeu s'enchaînaient, ainsi que les boss et je ne décrochais toujours pas.

Puis on découvre que finalement le mec qui ressemblait à Snake et qui avait la même voix que Snake était en réalité.....SNAAAAAAAAKE !!! On apprend que l'ex-président des USA est en fait le chef des terroristes, en revanche l'actuel président nous meurt dans les bras après nous avoir "tâter" les bourses. Après quoi on affronte un vampire danseur de flamenco et on se met à escorter une geek pour finalement la voir mourir dans les bras de son frère (dans la cinématique la plus triste de l'histoire de jeu vidéo) pour finalement que le héros/modèle du jeu nous trahisse sans vergogne avec sa pote ninja.

Pas de doute je devais poursuivre cette aventure.

3) Arsenal Gear : Crise identitaire

Et là vient mon plus gros (et peut-être le seul avec du recul) moment WTF vidéoludique. Notre personnage se retrouve littéralement à poil, impuissant dans un environnement froid et hostile. Et comme si cela ne suffisait pas, notre Colonel jamais avare en bons conseils depuis le début de cette aventure, pète un câble et ne s'adresse plus à Raiden mais directement au joueur.

Raiden, éteins la console de jeu tout de suite !

Après quelques game over, on parvient enfin à retrouver Snake non s'en s'être tapé des allers-retours dans un tunnel et une vidéo gênante (surtout quand on joue dans le salon familiale) à la place de notre radar. Sauf que là s'en était trop pour mon âme de jeune joueur.

Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Pourquoi on m'inflige ça ? On dirait que le jeu me met à l'épreuve, comme si Kojima voulait tester la détermination du joueur (prémices de la fameuse séquence de l'échelle de MGS 3).

Dans tout ce bazar Snake nous apparaît comme un phare dans la nuit. C'est lui qui nous ramène notre équipement, nous arme et nous dit littéralement d'avancer. Quand je dis "nous" je parle de Raiden/le Joueur parce qu'à ce niveau du jeu la frontière est volontairement très floue, ce qui aura son importance plus tard. Deux séquences de beat 'em up, une armée de MG Rays et un duel final au sabre sur le toit du Federal Hall. Et ça y est. C'était fini. J'avais vu la fin de ce jeu.

Est-ce que j'avais tout compris ? Non.

Est-ce que la fin m'avait satisfait ? J'en savais trop rien.

Est-ce que j'avais passé un bon moment ? Oui.

Est-ce que j'avais envie de relancer le jeu et d'en discuter autour de moi ? Oui très clairement.

4) Une impression de déjà vu

Je n'avais aucune attente concernant ce jeu à l'époque car je n'avais pas joué au 1er opus sur PS1. Mais en se replaçant dans le contexte, les attentes sont à la fois totalement renversées mais aussi satisfaites d'une certaine manière.

Je m'explique.

MGS 2 est une suite. Qu'est-ce que les gens attendent d'une suite en général ? Et bah la même chose que le 1 mais avec quelques nouveautés non ? Hors Kojima dans la partie Big Shell nous sert un remake à peine déguisé de MGS 1, et se paye même le luxe de le justifier via le scénario (el famoso plan S3 qui finalement sera lui-même détourné plus tard). Les situations et parallèles sont plus que nombreuses : la séquence de l'ascenseur, un mystérieux ninja cyborg, un boss fight contre un engin volant, une séquence de snipe, etc...

De toute manière monsieur Kojima a toujours travaillé sur les mêmes motifs tout au long de la saga MGS; les variations étaient souvent dues aux limitations techniques de chaque génération de console. Prenons par exemple le 2ème combat avec Sniper Wolf dans MGS 1, à distance dans un lieu unique et restreint. Viendra ensuite le combat contre The End (MGS 3) qui verra la zone de combat démultipliée mais avec des temps de chargement puis enfin le duel contre Crying Wolf (MGS 4) qui offrira une expérience similaire mais plus nerveuse et cette fois dans de meilleurs conditions techniques. Répétition et variation donc.

5) Les Fils de la Liberté : le "méta-jeu" d'un auteur

On dit qu'un média arrive à maturité lorsqu'il parvient à s'interroger et à nous interroger sur sa place au sein de son environnement. Avec MGS 2, le jeu vidéo détient son œuvre matrice. Car ce que Kojima et son équipe ont livré avec Sons of Liberty c'est un beau doigt d'honneur à l'industrie vidéoludique qui résonne encore aujourd'hui. Une industrie qui voit encore ses gros AAA tomber facilement dans des suites fades et/ou sans âme (cf. Assassin's Creed/COD/Far Cry...). Ce que Kojima a fait à l'époque est quand même sacrément couillu : reléguer Solid Snake LE héro du 1er opus au second plan pour nous mettre dans la combinaison moulante d'un bleu lui-même fan de Snake.

Mais alors dans ce cas Raiden = le joueur ? Alors oui dans une certaines mesure...mais non en fait. Parce que même lui, à la fin du jeu, rejette la plaque d'immatriculation contenant les infos du joueur. Libérer de ses chaines, métaphoriquement mais aussi littéralement lors du combat final, il choisit de s'affirmer et d'assumer ses propres choix. Quitte à envoyer balader le gars derrière sa manette, qui lui a fait faire d'innombrables conneries sur une plateforme pétrolière pendant une dizaine d'heures de jeu. Au travers de MGS 2, Kojima nous livre une œuvre à la fois riche et divertissante. Un jeu qui sait qu'il est un jeu et qui l'assume pleinement derrière son scénario alambiqué et ses twists à répétition. Car c'est sous cette couche d'intrigue politico/militaire flirtant avec la série Z que le jeu trouve le moyen d'interroger le joueur et de le mettre face à ses actes (cf. les conversations codecs avec le Colonel et Rose si jamais vous vous amusez à massacrer les gardes).

6) Conclusion : quel l'héritage ?

Pour moi MGS 2 est un jeu à part dans la saga. Déjà parce qu'il s'agit de mon premier MGS, mais aussi parce qu'en comparaison avec ses suites, son déroulement et sa fin résonne différemment. Comme si Kojima avait eu envie à cette époque, à un instant "T" de tout foutre en l'air et pousser le médium du jeu vidéo dans ses retranchements dans un ultime coup d'éclat. Car oui pour ceux qui l'ignore la série aurait dû s'arrêter après ce 2ème opus.

Bon vous le savez déjà, l'histoire s'écrira autrement et Kojima lui-même tombera dans une sorte de running gag un peu gênant "C'est mon dernier MGS" avant de rempiler quelques années plus tard et ceux jusqu'à son limogeage de Konami .


Comme un aveu de faiblesse d'un auteur face à une œuvre qui aura fini par le dépasser et de laquelle il aura su se libérer, à l'instar de Raiden avec le joueur. Répétition et variation donc.

BoaCH
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Créée

le 24 mars 2023

Critique lue 13 fois

BoaCH

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