Mush
7
Mush

Jeu de Motion Twin (2013PC)

Mush a une qualité que je n’ai, à ce jour, trouvée nulle part dans de telles mesures : il vous permet de raconter une histoire, votre histoire, en sachant qu’elle est unique et donc d’autant plus épique. Vous n’avez même pas besoin d’être un role-player pour avoir ce sentiment. Cela tient à un fait très simple : le déroulement de la partie est totalement dépendant de vos coéquipiers, pour le meilleur et pour le pire…
Et comme à, semble-t-il, mon habitude, je vais commencer par le pire. Bien sûr, et c’est ce qui freine ou décourage beaucoup de joueurs novices, vous pouvez toujours tomber sur des boulets, des inactifs ou des pourrisseurs, qui vont plus ou moins durablement handicaper votre partie. J’ai néanmoins l’impression que, le jeu vieillissant, l’attrait de la nouveauté étant passé, ceux-là sont de moins en moins nombreux, au profit des joueurs motivés, expérimentés et qui savent totalement gérer ce genre de situations, devraient-elles advenir. Alors aujourd’hui, pour moi, la coopération dans Mush, c’est surtout du meilleur.
Mais avant d’aller plus loin, laissez-moi résumer en quelques phrases le fonctionnement de Mush, pour que vous puissiez bien comprendre de quoi je parle ici. Mush est un jeu de survie dans l’espace : vous incarnez un personnage avec ses capacités – et donc son rôle – propres, potentiellement différent à chaque partie (il y a 18 personnages disponibles), et votre objectif est de retourner sur Sol ou, mieux encore, de trouver l’Eden. Bon, c’est bien joli tout ça, mais vous avez un problème : les mush. A l’image des Cylons, ils sont infiltrés parmi vous, impossibles à distinguer d’un humain normal. Mais, à l’inverse des Cylons, ils sont capables de contaminer, et donc de convertir d’autres humains à leur race maudite ! Votre but est donc de les identifier, et de les éliminer, avant qu’ils ne fassent trop de dégâts.
Bien sûr, à côté de ça, traverser l’univers n’est pas une partie de plaisir non plus : il vous faudra éliminer ou fuir les hunters qui vous tirent dessus, réparer le vaisseau qui tombe en ruines, arriver à garder le moral pour ne pas finir par vous suicider, organiser des expéditions pour récupérer nourriture, oxygène et fuel avant qu’ils ne viennent à vous manquer… Des recherches et projets vous aideront à améliorer le vaisseau et piéger les mushs, mais ce n’est de toute manière qu’une question de temps avant que votre vaisseau ne devienne une passoire, alors vous feriez bien de vous bouger un peu…
Vous vous en doutez, tout ça demande beaucoup d’organisation et de répartition du travail. En fonction du personnage que vous avez, vous aurez des tâches très différentes à accomplir (enfin, tant que les personnes chargées des autres sont encore en vie). Mais là où c’est encore plus intéressant, c’est qu’en fonction des deux mushs tirés au sort en début de partie, leurs possibilités de semer le chaos vont changer du tout au tout, ce qui fait qu’aucune partie n’est prévisible.
Et pour cela, je dois applaudir le formidable équilibrage du jeu : il y a la fois suffisamment d’indices semés par les mushs, et suffisamment d’explications alternatives, de doute raisonnable, et de fourberies des mushs pour que l’enquête devienne passionnante, se déploie en conjectures et suppositions, qui peuvent toujours finir par la mise à mort d’un innocent un peu trop tête-en-l’air. Bienvenue dans un monde de paranoïa permanente. Et jouer là-dessus est probablement un des chapitres les plus intéressants.
Ainsi, si certains personnages sont tout indiqués pour devenir mush et contaminer le reste de l’équipage, parce qu’ils ont des raisons de se déplacer, d’être sales, de perdre des points d’action à droite à gauche, d’autres se retrouveront probablement coincés dans une pièce à un poste précis sans raison valable de sortir ou de se salir, et une désespérante traçabilité de leurs actions. Tout n’est pas perdu pour autant : faites profil bas, attendez que quelqu’un commette une imprudence, et semez la discorde.
Et c’est là que le jeu prend des proportions fabuleuses. C’est là que vous commencez à vraiment raconter des histoires. Je pourrais par exemple vous parler de cette fois où, jouant Raluca et ayant été contaminée en cours de partie, je me suis retrouvée avec un mush inactif et un abattu juste après ma propre transformation. J’avais le personnage parfait pour jouer mush contamination, mais pourtant je n’ai pas cédé à cette facilité et suis restée plus irréprochable qu’on aurait pu l’attendre de mon personnage. J’ai ainsi acquis la confiance des enquêteurs, qui, en raison d’une compétence que j’avais, m’ont envoyée tuer un à un tous leurs suspects… tous des innocents. Bientôt, il ne restait plus assez de personnes capables dans le vaisseau, qui a été détruit. Je n’ai jamais été soupçonnée.
Monter les gens les uns contre les autres lorsque vous êtes mush, se serrer les coudes lorsque vous êtes humain, c’est cela, la véritable expérience de mush : le jeu n’est qu’une infrastructure pour permettre cela. Et il ne faut surtout pas croire que le jeu est terminé une fois les mushs éradiqués ! C’est le moment ou l’équipage humain – ou du moins on le suppose – peut enfin se fixer des objectifs à long terme et essayer de tenir le plus longtemps possible, ou de trouver l’Eden tant rêvé, ce qui représente autant de défi que d’enquêter sur the enemy within…
S’organiser, faire des choix, parer au plus urgent, c’est votre nouveau challenge, qui grandira de jour en jour avec le nombre des vagues de hunters et des avaries techniques. Ce sera le moment de développer une véritable cohésion au sein de l’équipage, et croyez-moi, au bout de 15 ou 20 jours passés dans une partie, vous vous sentez vraiment impliqué.
Je pourrais par exemple vous raconter cette partie où je jouais Janice, et où nous nous sommes fixés pour objectif, sous l’impulsion de Chao, de tenir jusqu’au jour 20. Nous avions déjà perdu un certain nombre de membres de l’équipage, donc le défi était de taille, et beaucoup n’ont pas survécu jusque-là. Alors que Chao et moi venions tout juste de concevoir un enfant, il est mort sous mes yeux, tué par une plaque de métal tombée du plafond, quelques heures avant le jour 20 qu’il tenait tant à voir. Avec les trois membres d’équipage restant, nous avons passé la dernière journée enfermés dans un dortoir, sans plus en bouger, alors que les hunters nous arrosaient de tirs et que le vaisseau brûlait de partout, simplement occupés à nous soigner au fur et à mesure que le vaisseau nous tombait dessus. Moi, psy du vaisseau, chargée de remonter le moral des autres mais incapable de m’apporter moi-même du réconfort, je priais simplement pour ne pas faire de crise de panique et me suicider, sachant que puisque j’étais enceinte, si je venais à mourir le désespoir qui en résulterait suffirait à entraîner tout l’équipage dans un suicide collectif. Nous sommes rentrés sur Sol moins de dix minutes après atteint notre objectif du J20.
Et ce ne sont que deux parties, récentes, de toutes celles que je pourrais vous conter. Il y a tellement de possibilités, tellement de coïncidences et tellement de subjectivités que vous avez à chaque fois, ou presque, une histoire à raconter. Il arrive qu’une partie me tienne tellement à cœur que j’en rêve toute la nuit. Que je passe des heures à échafauder des plans. Le résultat est toujours différent de celui que j’avais imaginé.
Une expérience toujours renouvelée, c’est ce que peut vous proposer mush. Alors bien sûr, vous tomberez toujours sur des équipes de bras cassés et de trolls de temps en temps, mais dites-vous qu’en trois jours ce sera plié. Après, vous serez prêt à embarquer pour une nouvelle aventure… dont vous ne connaissez pas encore la destination.
Sur ce, je vous laisse. Je suis mush dans une situation ultra-coincée. Il va me falloir user d’autant de ruse et de manipulation que j’en suis capable.

Shania_Wolf
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 Jeux vidéo et 30 Day Video Game Challenge

Créée

le 28 mai 2015

Critique lue 432 fois

11 j'aime

2 commentaires

Lila Gaius

Écrit par

Critique lue 432 fois

11
2

D'autres avis sur Mush

Mush
Tallowisp
8

Dans l'espace personne ne vous entends jouer

"Jin Su : Roland, allez me tuer ces hunters tout de suite, c'est une mission. Roland : Je peux pas capitaine, j'ai deux trois problèmes de moral et je suis entrain d'en parler à Janice, en tête à...

le 29 nov. 2012

7 j'aime

7

Mush
Bung
5

Je t'aime, moi non plus.

Ce jeu est un jeu qui part d'une très bonne idée: lié un peu l'esprit d'Alien avec le Loup-garou de Thiercelleux, avec la technique et les possibilités d'un jeu flash. Les graphismes sont bons, un...

Par

le 7 févr. 2014

3 j'aime

6

Mush
Laaris
8

Critique de Mush par Laaris

Plus complexe que Hordes mais tout aussi addictif. Malheureusement fin des vacances égale arrêt de jouer étant donné que le jeu nécessite une présence quasi-permanente pour profiter pleinement de...

le 7 janv. 2013

2 j'aime

3

Du même critique

Split
Shania_Wolf
5

Fin de course ?

On a bien du mal à s’imaginer que la même personne se trouve derrière l’ambiance dosée et maîtrisée de Sixième Sens ou Signes et la mise en scène facile et sans personnalité de Split. C’est que le...

le 19 févr. 2017

134 j'aime

12

La Tortue rouge
Shania_Wolf
7

Une île de poésie dans un océan de blockbusters

Extrêmement épuré, dans l’histoire, l'image comme le son, La Tortue Rouge promet une expérience apaisante, suspendue au-delà du temps. Un instant de poésie dans ce monde de brutes, mais dont les...

le 28 juin 2016

104 j'aime

3

The Assassin
Shania_Wolf
4

Ôde à l'esthète

La forme sans le fond. C'est un regret amer, celui d'un parfum somptueux qui s'évapore aussitôt, d'arômes riches qui ne tiennent pas en bouche. On frôle le sublime mais ne reste que la...

le 18 févr. 2016

101 j'aime

18