Un MetroidVania d’une grande beauté, d’une grande ingéniosité et d’une grande profondeur

Microsoft veut son jeu pseudo indépendant et cet énième témoignage de la vague d’éditeurs qui se portent vers un marché normalement sans eux ne me dérangent pas pour être honnête, s’il permet de mettre en lumière des jeux sortant de l’ordinaire tout en leur donnant les moyens de leurs ambitions. Ori & The Blind Forest s’annonçait comme faisant partie de ces jeux-là avec un visuel absolument magnifique et un game-design MetroidVania qui me paraît être une valeur sûre. La sortie du jeu dans une version définitive m’a alors poussé à m’y confronté.


Je vous propose d’écouter pendant la lecture ce petit mix du thème principal : https://www.youtube.com/watch?v=ezmdhEY3910



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 10 / 10



Bon alors là c’est pas compliqué, le choix des couleurs, les effets de particule, le niveau de détail... rendent le jeu absolument magnifique, il y a tout simplement rien à redire, la preuve étant que je n’ai pas arrêté de me poser pour admirer un écran, me dire qu’il était magnifique, avancer 5 minutes et recommencer à admirer un autre écran. Il y en a eu quelques uns ces dernières années, des jeux en 2D avec une réalisation de la sorte et d’une telle prouesse, les Trine, le remake d’Odin Sphere... mais c’est pas si souvent et ça se savoure d’autant plus.


Pour embellir le tout, il y a une diversité aussi classique qu’efficace d’environnements dans lesquels on ne reste jamais bien longtemps et les découvrir les uns après les autres fait partie des meilleurs moments du jeu pour moi d’autant que tout se fait quasiment dans un seul monde sans temps de chargement et avec cohérence. Le simple fait de reparcourir la map pour aller chercher un bonus oublié ne pose aucun problème tellement c’est un plaisir de revoir ces décors tout plus somptueux les uns que les autres.


Et ce ne sont pas des décors figés, les éléments de décors proches du premier plan sont impactés par nos mouvements et ceux plus éloignés ne sont pas fixes non plus avec par exemple une créature qui va passer comme devant la caméra ou des feuilles qui vont gentiment tombés au loin... Un petit bémol qui découle de ce rendu visuel très riche c’est qu’avec autant de plans qui se succèdent, il y a un léger manque de lisibilité avec par exemple un élément de décor que je vais confondre avec une plate-forme à l’occasion, mais c’est parce que je focus trop mon attention sur le décor que je veux admirer donc c’est plus ou moins ma faute.


Le chara-design des créatures est très soigné, allant puiser dans les créatures emblématiques de Ghibli très souvent sans non plus les copier-coller. Leur seul skin et animations suffisent en général à ce qu’on s’attache à eux et le jeu y invite très bien en minimisant les dialogues pour passer le plus possible par l’esthétique et les musiques. Ces dernières m’ont beaucoup plu, elles tournent principalement autour du thème principal resservie à toutes les sauces, apaisante, mélancolique, épique... mais j’aime beaucoup ce parti pris.


Enfin, j’ai pu noter et apprécier quelques références amusantes à d’autres jeux avec les animations de saut d’Ori qui font penser à celles de Super Mario 64 (triple saut, salto arrière...), une triforce gravée sur un arbre l’air de rien, une créature qui ressemble à Super Meat Boy qui se cache ailleurs... ça ne mange pas de pain et ça fait toujours plaisir tant que ce n’est pas trop appuyé. En somme, Ori & The Blind Forest est un jeu d’une grande beauté autant sur le plan technique qu’artistique et rien que pour ça il vaut le coup d’œil.



GAMEPLAY / CONTENU : 8 / 10



Comme dit en introduction, Ori & The Blind Forest est un MétroidVania 2D, on est donc lâché dans un labyrinthe en 2D avec raccourcis, passages secrets et capacités à débloquer pour accéder à de nouvelles zones. Le level-design marche très bien en ce sens avec des secrets qui se trouvent à force de chercher et de bien observer sans être obligé d’aller consulter une solution tellement c’est planqué, la frustration de ne pas pouvoir atteindre une plate-forme juste avant de déverrouiller la compétence associée dont on comprend du coup immédiatement l’intérêt...


Il y a beaucoup de petites énigmes très bien conçues où la résolution des premières permet de donner des idées pour résoudre les suivantes qui y ajoutent une petite difficulté supplémentaire. La plate-forme est au début très basique mais une fois avancé dans le jeu elle devient vraiment plus élaboré et ne se contente pas de nous faire simplement sauter plus haut et plus loin. On ressent un aspect addictif à combattre et à explorer par la collecte de niveaux de compétences et d’orbes de santé & de magie bien utiles.


Si le jeu est mignon, il n’est pas facile pour un sous mais le respawn immédiat sans interruption de la musique quand celle-ci est forte et entraînante ainsi que les checkpoints à placer librement en puisant dans nos orbes de magie permettent une difficulté à la carte qui ne peut frustrer que le joueur qui s’impose un certain défi en plus du mode de difficulté retenu qui va jusqu’à proposer dans sa version définitive la mort permanente, autrement dit une seule mort et tout le jeu est à recommencer, le jeu ne s’y prête pas mais ça montre bien à quel point le jeu nous laisse paramétrer la difficulté selon notre bon vouloir.


Une version définitive qui comprend des zones et des capacités inédites qui s’implémentent très bien dans le jeu de base. On a par exemple la capacité de renvoyer un projectile dans une direction tout en se propulsant dans la direction opposée qui peut se combiner au projectile qu’on peut nous même envoyer, capacité inédite qui sert également à d’autres choses. Un cas d’école d’ajouts organiques et pertinents plutôt qu’un mode jeu séparé très superficiel comme c’est si souvent le cas dans ce type d’édition.


Et là vous devez vous demander ce qui cloche dans ce tableau magnifique. Les combats consistent très souvent à regarder et esquiver les mêmes attaques ennemies très peu variées tout en matraquant une même touche, c’est très mou et pourtant très présent. De plus, le jeu se finit trop vite à mon goût, je l’ai quasiment fini à 100 %, zones inédites incluses, en 7 h 30 de jeu, un peu léger. Ori est un metroidvania qui excelle dans son exploration, ses énigmes et sa plate-forme mais qui rate un peu ses combats et se termine un peu trop vite.



SCENARIO / NARRATION : 8 / 10



L’introduction d’Ori est d’une concision incroyable d’efficacité, chargée en émotions fortes après 2 petites minutes et quasiment aucun dialogue, l’empathie pour les personnages fut pour ma part assez grande et ce sentiment je l’ai retrouvé à plusieurs reprises dans l’aventure avec des cinématiques d’une très grande intensité grâce aux musiques, aux décors et aux enjeux dramatiques très bien identifiés sans que le jeu n’est à prendre des plombes pour les poser et les expliciter dans le détail.


Le monde magnifique que nous sommes amenés à parcourir est en réalité en train de mourir bien que le jeu nous laisse croire le contraire au début c’est très loin d’être manichéen avec de méchantes créatures qui viennent détruire un monde merveilleux avec un être de lumière pour restaurer tout ça. L’histoire est plus élaborée et par extension plus dramatique que cela, ça parle d’ombres et de lumière qui se font la guerre mais ça serait un tort que de s’arrêter là mais encore faut-il fouiller et interpréter.


Le jeu ne livre pas énormément d’informations, il raconte une histoire et dissémine des éléments de background au passage. À l’image des ajouts de la version définitive qui rajoute des flash-backs sans aucun dialogue à découvrir par soi-même et à relier au reste de l’intrigue. On retrouve à la fois un style épuré qui intensifie les passages ne s’embarrassant pas d’artifices et un style comprenant suffisamment d’éléments pour vivre une histoire prenante et offrir un certain degré de relecture sur l’ensemble de l’aventure.


L’inspiration envers Ghibli est là encore évidente avec une nature onirique d’une toute puissance et aucun réel antagoniste au sens où aucun personnage n’est mauvais, certainement pas Kuro qui a le même schéma narratif et impact ludique qu’un antagoniste principal mais une histoire émouvante qui le rend très attachant à mes yeux. Kuro rejoint dans mon estime les meilleurs antagonistes du jeu vidéo car il va justement bien au-delà de l’adversaire imposant auquel notre personnage fait face bien que rien que ça il le réussit très bien.


Si on se donne la peine de chercher à comprendre l’intrigue et si on a rien contre les histoires un peu tristes tout de même, Ori & The Blind Forest réussit parfaitement à raconter efficacement une belle histoire avec de très bons personnages et des passages mémorables. Il est l’une des plus belles preuves que ça peut se faire sans des milliers de dialogues pendant des dizaines d’heures de jeu mais simplement avec de bonnes idées, un esthétisme et un game-design qui s’y prêtent merveilleusement bien.



CONCLUSION : 8 / 10



Si l’on excepte ses combats sans intérêt et son contenu un peu léger, Ori & The Blind Forest est un MetroidVania d’une grande beauté, d’une grande ingéniosité et d’une grande profondeur. Le genre a beau être surchargé de petits jeux ces dernières années, celui-ci se distingue nettement du lot pour en devenir un incontournable à plus d’un titre.

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le 22 sept. 2017

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damon8671

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