Parasite Eve
7.8
Parasite Eve

Jeu de SquareSoft et Takashi Tokita (1998PlayStation)

Un RPG horrifique atypique, captivant et intelligent

"Bon, nos concurrents de chez Capcom ont frappé un grand coup avec Resident Evil et ont fait du survival-horror un petit effet de mode, camarades de chez Squaresoft je veux qu'on ait notre propre licence horrifique ! Mais on fait surtout des RPG vous savez ? Qu'à cela ne tienne, faites un jeu hybride, à la fois RPG et survival-horror !" C'est probablement comme ça qu'est né Parasite Eve et si présenté ainsi ça fait plus peur, pour de mauvaises raisons, qu'autre chose le résultat est plus que surprenant, pour de bonnes raisons cette fois-ci. Pour vous en convaincre je vous propose l’écoute du thème d’Aya pendant la lecture.



GAMEPLAY / CONTENU : 7 / 10



Si le jeu s’inspire de Resident Evil, il a le bon goût de ne pas en reprendre les tank control et va même jusqu’à offrir la pause active lors de l'action à choisir et la visée automatique. Les combats ne manquent pas de dynamisme pour autant avec des affrontements en temps réel qui reposent sur le compromis entre les déplacements pour esquiver / se mettre en position de tir et le tour par tour de façon à bien réfléchir à dépenser nos précieux points d'action dans l’utilisation d’un sort, de notre arme ou bien d’un petit passage dans notre inventaire.


Si quelques attaques paraissent inévitables même avec la rapidité enclenchée, si les délimitations des arènes ne sont pas toujours évidentes avec des murs invisibles qui nous bloquent en pleine action ou si ces arènes sont un peu trop rétrécies tout simplement... Les combats sont tout de même a minima techniques, avec localisation des dégâts (sur les ennemis comme sur nous) à exploiter, patern à mémoriser pour repérer les meilleures fenêtres de tirs et économiser les soins... en plus de s’inscrire dans une logique de RPG que l’on pourrait qualifier de plus traditionnelle.


La progression du personnage est assez linéaire quant à ses statistiques mais beaucoup d'options de personnalisation de son arsenal compense pour au final énormément de possibilités de jeu qu’il convient d’alterner pour être efficace, surtout en EX Round qui correspond au mode difficile à débloquer une fois le jeu fini une première fois. Je reprocherai juste au jeu de ne pas très bien expliquer ses nombreuses subtilités, même après 2 runs je suis sûr qu’il y a plein de choses que j’ai pas bien compris quant au calcul des dégâts occasionnés selon l’arme, la portée, l’effet ajouté, l’ennemi touché...


De Resident Evil, Parasite Eve en reprend également le concept d’inventaire limité qui implique pas mal d'allers-retours un peu redondants sur la fin mais il y a tout de même pas mal d'emplacements pour limiter le soucis et des options de tri automatiques qui offrent un minimum d'ergonomie. Ça pourrait être bien mieux et ça serait bien que ça le soit mais ça l’est déjà beaucoup plus il faut le reconnaître que pour la concurrence de chez Capcom, même pour le très bon Resident Evil 2 sorti la même année, cette grande année 1998.


C’est dans ce gameplay que le concept hybride entre RPG et survival-horror se fait ressentir le plus et sans que ce soit génial dès ce premier essai, c’est assez innovant et plutôt réussi dans l’ensemble. Bon par contre, on est beaucoup plus proche du survival-horror que du RPG pour la durée de vie d’une dizaine d’heures de jeu pour le premier run, on peut grimper vers les 25 heures, voire 30 heures en y ajoutant le deuxième run en Ex Round mais c’est beaucoup de farming et d’essais infructueux pour en arriver là donc le jeu n’est pas très généreux en contenu.



SCENARIO / NARRATION : 8 / 10



Pour information, Parasite Eve n’est pas une œuvre originale mais une adaptation d’un roman du même nom écrit par Hideaki Sena, malheureusement jamais traduit en français. N’ayant néanmoins jamais lu ce livre, je vais parler du scénario sans y faire mention. C’est Takashi Tokita, qui avait déjà scénarisé Final Fantasy IV, qui se charge lui-même du scénario alors qu’il est déjà lui-même le réalisateur. En fait, le cœur du sujet je pense c’est le personnage principal d’Aya Bréa. Pas à l’aise à jouer à la bourgeoise à l’opéra, dès que l’action démarre et que son copain lui demande de se mettre à l’abri, Aya lui donne un coup violent histoire de lui faire comprendre qu’elle est assez grande pour se débrouiller toute seule.


Nous incarnons une héroïne qui a un caractère bien trempé, désobéissant aux ordres qu'elle trouve idiots, faisant des remarques sarcastiques pour se moquer de son interlocuteur... Elle reste humaine et bienveillante, prenant un minimum peur face aux événements surnaturels qui se déroulent devant elle, suppliant un mourant de tenir bon jusqu'à l'arriver des secours... mais il faut clairement pas trop la chercher non plus. J’adore ce type de personnalité et je trouve qu’elle dégage un charisme assez dingue qui se suffirait presque à lui seul.


Pourtant, c’est loin d’être le seul point fort de Parasite Eve dans son écriture car l’histoire en elle-même réserve son lot de rebondissements et de moments forts tout en étant très rythmé. Le jeu n'hésite pas à tuer des personnages attachants pour mettre en danger de façon crédible d'autres par la suite, pour des enjeux dramatiques qui marchent très bien, assez sobrement mis en scène, sans le moindre doublage notamment, mais tout de même efficaces. Ça montre bien la qualité de l’écriture qui sait impliquer le joueur par son fonds plus que par sa forme.


Il y a d’ailleurs un fonds critique assez intelligent par moment, une critique des armes à feu de plus en plus puissantes pour les flics qui ne font qu’alimenter une course à l’armement dangereuse, la foi aveugle en la technologie moderne qui ici ne mène pas bien loin, l’attitude légèrement auto-destructrice de l’humanité qui fout en l’air la Terre de la même manière qu’un parasite se développerait au détriment de son hôte... il y a un léger manque de subtilité vers la fin pour faire passer ce message mais il n’en reste pas moins intelligent.


Le principal soucis est double selon moi : la faible durée de vie du titre, si on le considère comme un RPG, l’empêche de développer le propos et de l’enrichir autant que je le voudrais ; il y a assez peu d’occasions d’en apprendre plus sur l’univers en dehors des dialogues de la trame principale et on ne peut pas du tout agir sur elle. Ces deux reproches personnels mis à part, Parasite Eve arbore un scénario intelligent à vivre aux commandes d’une héroïne d’exception, ce qui est pour moi son meilleur atout mais ce n’est pas le seul !



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 8 / 10



Un opéra dévoré par les flammes pendant que la cantatrice poursuit son œuvre comme si c’était sa voix qui faisait s’embraser les lieux alors que notre héroïne échappe à la fournaise, quelle entrée en matière d’un point de vue esthétique ! Parasite Eve livre là ses intentions d’élégance horrifique mettant en avant l’héroïsme d’un personnage féminin aussi joli que fort, et c’est vraiment à l’image de toute l’aventure. Si l’on échappera pas aux égouts, aux entrepôts désaffectés et autres joyeusetés génériques de ce genre... New York sous les neiges de Noël sera l’occasion de décors assez uniques et d’une ambiance assez prononcée.


Il nous arrivera par ailleurs de redécouvrir certaines zones sous un éclairage différent avec tout un travail sur le choix des couleurs, c’est pas souvent mais quand ça arrive ça marche très bien. L’angle de la caméra est peut-être prédéterminé mais mouvant, quelques petits effets comme l'angle légèrement en biais, au-dessus, de profil... permettra de varier un petit peu tout ça et d’offrir des plans mémorables pour les décors précédemment cités, et ça peut avoir un intérêt ludique ou scénaristique à certains moments comme annoncer certains boss.


Ces boss, et de façon plus générale les créatures ennemies, sont des monstres très glauques dans leur design pour beaucoup d’entre eux. Les graphistes n’ont pas eu froid aux yeux et plusieurs des plus horribles monstruosités des survival-horror de l’époque paraissent bien mignons en comparaison. Pourtant, il est à noter que le jeu n’est pas un survival-horror à proprement parler, seule sa toute dernière phase de jeu fait peur manette en main, le reste est très violent mais ne cherche pas à faire peur au sens propre du terme, et après tout pourquoi pas ? Ce n’est pas une peur qui n’arrive pas à se concrétiser, simplement un esthétisme empruntant aux codes de l’horrifique mais pour d’autres raisons que de faire flipper.


Les cinématiques en images de synthèse sont assez nombreuses pour introduire les ennemis, magnifier certains passages... La fin qui n'arrête pas d'alterner entre ces courtes cinématiques et des phases avec le moteur de jeu, seule façon d'avoir les dialogues, a certes mal vieilli comme effet de mise en scène mais je la trouve tout de même très efficace vu ces limites et le montage montre toute l'ingéniosité dont les développeurs ont du faire preuve pour que la séance soit aussi épique qu'ils le voulaient. C'est aussi là où on voit toute l'importance de la musique de la compositrice Yoko Shimomura qui sait donner dans l’épique, l’anxiogène, le relaxant et surtout le mélancolique en variant très souvent une même mélodie, du grand art !


Non seulement, Parasite Eve est un cas d’école de personnage féminin en premier rôle mais en plus son excellente OST est l’œuvre d’une femme, ça c’est beau ! Bon après il y a quelques défauts tout de même : si Aya est plutôt bien sapée on ne peut pas personnaliser son apparence et elle n’en changera pas beaucoup durant l’aventure, la world map est parfaitement hideuse comme on y avait souvent le droit à l’époque, en plus de manquer de lisibilité, l’arme en main n’est pas modélisée pendant l'exploration, certains items ou éléments avec lesquels interagir peuvent facilement se confondre avec le décor... Réalisation et esthétisme ne sont pas parfaits mais tout de même suffisamment excellents malgré les années pour que je les considère comme un point fort du titre.



CONCLUSION : 8 / 10



Ce concept hybride entre RPG et survival-horror parvient finalement à un gameplay innovant et plutôt réussi, à un scénario de qualité avec une protagoniste de grande qualité et à une réalisation et un esthétisme de haute volée malgré quelques écueils mineurs. Squaresoft réussit haut la main son pari osé et offre à Resident Evil une concurrence que je lui préfère largement, l’un de mes titres préférées de la Playstation 1 qui est l’une de mes consoles rétros préférées.

Créée

le 25 août 2013

Modifiée

le 10 mai 2014

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damon8671

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