Après avoir formidablement débarqué dans le genre du survival-horror dès son premier titre avec Zero, ou Fatal Frame ou Project Zero selon les régions, Tecmo décide logiquement de poursuivre la franchise devenue leur plus gros succès critique avec une suite directe développée par la même équipe. La promesse est simple, la même expérience mais avec de tous nouveaux personnages, dans un nouvel environnement, un peu plus longue et en mieux : Crimson Butterfly. C’est que j’attendais et si la réputation critique du titre tend à confirmer cette réussite, voyons ce que j’en ai pensé.
Et je parle ici de la version PS2 originale, non pas de la version Xbox et de ses quelques ajouts, encore moins de la version Wii très différente qui mérite une critique dédiée.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆
Crimson Butterfly a l’ambition de nous faire évoluer dans un monde plus vaste et plus détaillé visuellement que son prédécesseur, quittes à passer de 60 à 30 FPS pour y parvenir dans sa version originale sur Playstation 2, et je trouve ce choix parfaitement défendable. Bien sûr, le 60 FPS est un confort sur lequel il est difficile de revenir, surtout pour une suite supposément plus aboutie techniquement, mais on parle ici d’un survival-horror dans lequel les décors sont si importants et les phases de jeu nécessairement lentes que de primer le visuel sur la fluidité me semble pertinent.
Ainsi, la tenue de notre protagoniste est beaucoup plus détaillée, les décors sont plus riches en éléments, l’effet de grain que l’image peut avoir subitement à l’apparition d’un fantôme est plus évolué… bref tout est effectivement plus beau même si on n’est pas face à l’un des titres les plus impressionnants de la console, le studio restant limité en moyens. A la même époque, le remake de Resident Evil sur Gamecube était d’un tout autre niveau pour le confronter à une référence, mais ça tient bien la comparaison avec Silent Hill 3 sur la même console.
Si la direction artistique repose une nouvelle fois sur des manoirs japonais abandonnés baignés dans un folklore horrifique, ils s’étendent désormais à un tout village tout aussi abandonné. C’est plutôt malin parce que ça permet de s’inscrire dans la continuité du premier épisode tout en apportant de la nouveauté et de l’ampleur à la proposition. Et au niveau artistique également, les cassettes audios sont remplacées par des pierres qui viennent renforcer le surnaturel de cet univers artistique très solide et toujours aussi adapté à la thématique horrifique.
A ce sujet, si l’effet de peur peut être réduit en situations de jeu avec les soins et la possibilité de se défendre, le jeu n’oublie pas de nous retirer lampe torche et moyens de défense dans une zone obscure avec un fantôme qui nous tue au premier contact. Et c’est là qu’on se rend compte à quel point les décors, les angles de caméra, les filtres vidéo fonctionnent à merveille pour horrifier le joueur qui n’est plus testé que sur son sang-froid. De la même manière, la mécanique chargeant le tir uniquement à courte distance implique de se confronter aux créatures de près, l’occasion de se confronter à leur chara-design souvent bien sordide, ça pose des problèmes de gameplay mais artistiquement c’est une excellente idée.
L’audio a également été retravaillé pour amplifier la tension, comme les bruitages lors de la visée qui sont plus dérangeants et continues pour ne pas reproduire tous ces petits bruitages du premier épisode qui aurait eu plus leur place dans un jeu d’action. Par contre, l’OST se résume principalement à une chanson de fin très belle mais sinon tout le reste se mêle au travail sonore anxiogène. C’était ce point là qui a été le plus travaillé et autant à l’audio qu’à l’image Project Zero 2 excelle dans ce domaine. Malheureusement, je ne pourrais peut-être pas en dire autant du reste.
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★☆☆☆
Si Zero avait quelques défauts de maniement compensés par une mécanique de combat originale et pertinente, Zero 2 n’entend pas innover et reprend ce compromis avec un système de caméra, de déplacements et de visée quasi-identique auquel cette suite apporte simplement quelques ajouts, réajustements et améliorations mineures. Ainsi, le level-design est un peu moins truffé de petits obstacles sur lesquels on risque de buter, on peut désormais faire un combo dévastateur en enchaînant quelques tirs critiques, une munition très faible illimitée rend impossible le game over passif à cause d’une mauvaise gestion des munitions, l’impossibilité de charger le tir à distance récompense la prise de risque de s’approcher de l’ennemi, les tirs spéciaux peuvent être davantage utilisés...
Les fantômes rencontrés peuvent aussi bien être des variantes que des inédits dans leur comportement qui incite davantage à la fameuse Fatal Frame, le tir devenant critique car frappant l’ennemi juste avant qu’il ne frappe. C’est à la fois pertinent puisque adapté au système de combos apporté par cet épisode, et en même temps maladroit car la plupart des fantômes sont dotés d’une attaque à laquelle il est très difficile d’appliquer le Fatal Frame. Dans les faits, ça entraîne des combats un peu trop longs et hasardeux, rien de rédhibitoire mais dans une suite qui a pour seule ambition de proposer la même chose en mieux, je m’attendais à plus.
La principale innovation viendrait de l’ajout des phases de jeu où l’on doit escorter une alliée mais je la trouve aussi satisfaisante au premier abord qu’imparfaite à bien y regarder. D’un côté, il est assez intéressant de devoir anticiper des comportements ennemis pouvant la prendre pour cible et de se servir d’elle comme d’un leurre. D’un autre côté, son pathfinding un peu bancal vient faire resurgir le problème d’être bêtement bloqué l’espace d’un instant dans nos mouvements, ralentissant inutilement l’exploration et causant quelques frustrations passagères mais évitables au combat.
Du côté de la progression statistique, augmenter de niveau requiert des points mais aussi désormais une orbe nous forçant à nous spécialiser un minimum. Dans l’idée, c’est intéressant puisque ça vient aussi bien récompenser les combats maîtrisés que l’exploration minutieuse, mais dans les faits les améliorations possibles ne sont pas suffisamment diversifiées pour en faire une évolution significative. Le jeu n’a pas assez approfondi son système pour que ça soit autre chose qu’une autre amélioration mineure qui me laisse un peu sur ma faim, mais il y a un autre problème de gameplay que ce syndrome.
Partant du principe que la plupart des joueurs de cette suite ont déjà eu l’occasion d’appréhender son maniement à travers le premier opus, le mode difficile disponible d’emblée aurait été le bienvenu. Zero 2 fait tout le contraire en proposant un mode normal comme difficulté maximale au premier run alors qu’il offre une marge d’erreur plus confortable que l’équivalent de son aîné. Cet effort d’accessibilité ne me semble pas pertinent, au moins le système de rang sera d’autant plus utile qu’il récompensera tout de même le beau jeu, même de façon superficielle, mais j’attendais plus de challenge.
On peut par contre reconnaître que si le jeu est un peu plus long que son prédécesseur et au-dessus de la moyenne des survival-horror de son temps, il y parvient sans se gonfler artificiellement de phases de jeu sans intérêt. Les énigmes sont ainsi inédites et plus variées, les adversaires ne se répètent pas trop, les allers-retours récompensent au combat et à l’exploration… c’est donc une proposition ludique qui m’a un peu déçu après les très belles promesses apportées par le premier épisode mais qui reste tout à fait satisfaisante dans l’ensemble, c’est moins le cas pour un dernier point à aborder.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆
Le folklore horrifique japonais basé sur un sacrifice rituel qui a foiré et maudit un lieu, la protagoniste féminine qui se retrouve à comprendre tout cela et pouvoir y remédier en cherchant à sauver l’un de ses proches, la narration par textes à découvrir constituant petit à petit le récit global... constituent de nouveau les piliers du scénario et de la narration de ce Zero qui revendique plus de richesse, plus de symbolisme, plus d’implication du proche à sauver, plus de qualité dans les doublages et plus de facilité à suivre tout ça sans imposer d’avoir fait le premier jeu, d’autant qu’il s’était alors peu vendu.
Pour parler de l’intrigue elle-même, elle est effectivement plus riche en péripéties mais elle est essentiellement la même que celle du premier épisode, je lui ferai donc les mêmes reproches personnels :
Une fois encore la quête de l’héroïne, sauver sa sœur, est vouée à l’échec, quelque soit la fin retenue dans cette version originale. Je comprends la différence culturelle entre l’occident et le Japon qui peut considérer que l’intérêt collectif prime sur l’intérêt individuel, mais il n’empêche que j’ai un peu de mal avec ça. Si l’intrigue avait été que Mayu était décédée depuis le début et que toute cette quête permette à Mio de l’accepter et d’aller de l’avant, guidé par la symbolique du papillon rouge faisant que le proche qu’on a perdu ne nous quitte jamais véritablement tant qu’on pense à lui, ça m’aurait déjà un peu plus parlé.
Afin de développer le récit, le jeu offre plus d’interactions entre notre protagoniste et des personnages humains qui lui parlent, ce qui ne marche pas très bien étant donné qu’elle est très peu bavarde et expressive et que l’ambiance horrifique marche d’autant mieux quand la protagoniste est seule et donc semble plus vulnérable. Il y a eu un décalage entre ce que le jeu voulait me faire ressentir et ce que je ressentais réellement au même moment, je n’ai pas beaucoup pris Mayu en pitié et je n’ai pas trouvé Mio suffisamment charismatique pour porter le tout sur ses épaules.
Et s’il y a eu quelques critiques négatives du premier opus qui ont regretté la difficulté à suivre son récit, ce n’était pas mon cas. Certes, les intrigues annexes de cet épisode sont davantage connectées à l’intrigue principale qui en devient plus facile à suivre en combinaison d’un système de catégories de journaux permettant d’identifier plus facilement à quelle intrigue ils sont liés. Mais si c’est nécessairement positif, ce n’est pas vraiment là que j’attendais le jeu, moi qui ne demandait pas spécialement plus de facilité à suivre l’histoire.
Et il y a pas mal de petits défauts qui viennent entacher le tout, la cinématique d’introduction spoile beaucoup trop à mon goût au point où je vous déconseille de la regarder, on retrouve quelques incohérences comme le jeu qui nous incite à prendre le temps d’explorer pour trouver des fantômes cachés aux 4 coins du village alors que le scénario vient de nous donner un sentiment d’urgence avec notre sœur en danger imminent, un fantôme qui fait tomber la clef dont on vient d’avoir besoin comme par hasard à l’exact moment et à l’exact endroit où on vient la chercher...
CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆
Zero 2 renouvelle l’expérience horrifique si efficace de son aîné, notamment par ses graphismes et sa bande-son abouties, et confirme sa franchise comme l’une des plus importantes de son genre à son époque. Même si elle est piégée dans l’ombre de Silent Hill sur la même console et ne parvenant pas tout à fait à l’excellence de l’opus original à mes yeux en raison d’une narration un peu moins subtile et immersive pour un récit très proche avec qui j’ai pas mal de soucis personnels ainsi que d’un gameplay seulement sensiblement meilleur et un peu trop accessible.