Je fais du stop ou j'en mets un ?



J'avais, comme certains, été intéressé par ce jeu qui se voulait assez audacieux pour sa formule.
Le road trip procédural qui générerait les événements de manière aléatoire à la manière donc d'un roguelite.
Sur le papier ça peut paraître alléchant mais la réalité est fort en deçà de ce qui avait été promis.


Le concept donc de Road 96 est de jouer un ado parmi trois avis de recherches, qui sera généré au pif au début de chaque partie avec des départs différents, certains ayant plus de vies ou d'argent, mais j'y reviendrai.
L'histoire, prenant place en 1996, est une sorte de dystopie où le pays est dirigé par un tyran qui s'appelle Tyrak (c'est rigolo) et les jeunes sont traqués et mis dans la Fosse afin d'y mourir, pour une raison qui m'a vraisemblablement échappé. C'est comme ça.
Votre objectif en tant que rebelle en pleine puberté est de passer la frontière pour quitter le pays.
Vous commencez donc à une certaine distance de cette fameuse route 96 qui est la dernière à mener à la frontière.
Le jeu nous donne la possibilité de choisir notre héros/héroïne en fonction des stats comme je l'ai dit et de la distance de départ entre vous et la frontière, sauf que cette distance est purement biaisée puisque vous commencerez de toute façon en bas de la carte et ça ne change en rien le nombre de niveaux à parcourir jusque la route 96. Le seul point à prendre en compte c'est la vie car l'argent se trouve assez facilement, en plus de ne pas être si nécessaire que ça.


Il y a donc cette barre de vie, seule mécanique réellement impactante dans ce jeu car une fois à court on s'évanoui et des méchants policiers te tombent dessus et c'est game over.
Lorsque la partie commence on débarque dans un niveau qui ont tous un nom, donc un chapitre plutôt, mettant systématiquement en scène un des PNJ récurrents de ce jeu.
On découvre un pan de leur histoire et une fois le niveau terminé nos routes se séparent et vous devrez continuer le voyage tout seul. Vous aurez alors toujours le choix entre :



  • Continuer à pieds, ce qui consomme beaucoup de vies

  • Faire du stop, ce qui consomme moins mais il y a un risque de faire certaines rencontres inopinées

  • Appeler un taxi, ce qui est cher

  • Prendre le bus, un compromis entre le stop et le taxi

  • Voler une voiture, à condition d'en trouver les clés (qui sont cachées dans le même niveau)


Pour regagner de la vie on trouve régulièrement de la nourriture (avariée ou pas), des sodas (qu'on peut acheter ou trouver); on peut se reposer sur des cartons comme un clochard et c'est tout.
Du coup, à moins de faire les pires choix, ce n'est pas trop ardu de parvenir à cette route 96 en un seul morceau.
Une fois arrivé face à la frontière, on aura le choix entre divers passages, tous impliquant certains prérequis :


Se cacher dans un camion demandera beaucoup de barres de vies (on va dire endurance ici) car il faudra maintenir son souffle pour ne pas se faire prendre.
Faire la montée du pic, ce qui en soi est juste long.
Demander de l'aide au passeur, ce qui coûte de l'argent.
Passer par le passage souterrain...


Tous ces choix auront certains risques et vous pourrez y passer.
Une fois un chemin emprunté, il ne sera plus accessible lors de votre prochaine run.


Et après avoir passé la frontière, il faudra recommencer jusqu'au jour de l'élection du prochain président. Ce qui nous donne l'impression frustrante de jamais gagner quoi que ce soit.


Revenons donc à ces PNJ.
Pour le coup, ils sont assez variés et hauts en couleurs. Personnellement je n'ai pas fort été emballé par certains qui sont un peu chiants je dois le dire.
Pour en parler un peu plus précisément, je fais un rubrique spoil, donc faites quand même gaffe si vous avez envie d'y jouer.


Zoe est super cliché, une bête teenager qui veut niquer la société. Son père est un politicien en faveur de Tyrak mais on s'en fout puisque ça ne joue en rien un rôle dans le reste de l'intrigue.
John, le camionneur un peu ex taulard sur les bords, est assez gentil même si son histoire va subir une douche froide vers la fin.
Fanny, la flic au bon cœur, est assez cool mais comme pour John, c'est fort décevant.
Alex, le petit crack en informatique, m'a fait rire au début et devient très osef par la suite. Son histoire est très liée à celle de John et Fanny puisque cette dernière est sa mère adoptive, oui, et John, son pote, est amoureux de Fanny... Vous devrez sentir la puanteur arriver...
Et en gros Alex veut trouver qui sont ses vrais parents biologiques, tués dans un éboulement visiblement criminel en 1986, soit 10 ans avant. Sans trop détailler c'est vraiment inintéressant, après c'est mon avis.
Sonya, la présentatrice des infos bien pétasse, qui est casse-couille comme tout et suce la grosse asperge à Tyrak. Elle aime répandre les fake news et rabaisser Flores, la rivale de Tyrak. Elle est insupportable mais c'est voulu donc bon.
Stan & Mitch, les deux cambrioleurs sado-masos à peine doués, sont assez trippants. Mais je n'aime vraiment pas ce qu'ils en ont fait. En gros, dès le départ il faut les aider à déjouer les plans d'un assassin qui veut s'en prendre à Sonya, parce que visiblement ils sont super fans, ok, mais en fait lol ce sont en réalité les deux frères de Sonya. Quoi ? Mais juste pourquoi ? Dans quel but ? Pourquoi pas l'avoir dit plus tôt ? Enfin bref une belle connerie.
Jarod, pour finir, un type bien louche un peu psycho, qui est pour le coup le meilleur des personnages car toutes ses scènes sont bien réalisées (entre autre grâce à des bons screamers des familles). Je me permets ici de dire que c'est lui l'assassin de Sonya. En gros, il veut se venger de la mort de sa fille et Sonya en serait la responsable, après j'avoue que c'était pas hyper clair pour moi. Et encore une fois, son histoire s'achève sur un bon pétard mouillé : dissimulé, alors qu'il est sur le point de tuer Sonya, celle-ci sanglote et dit à son équipe, qui s'inquiète de son état, qu'une fille est morte lors des éboulements : Lola. Jarod, sans doute ému, se désiste et s'enfuit (enfin il se fait d'abord repérer par Stan & Mitch et pif paf boum mais au final il s'enfuit). Ce qui est d'autant plus bizarre. Aussi simple que ça alors que c'est un psychopathe qui a prémédité pendant des années cet assassinat. C'est un peu vite expédié je trouve...


Pour conclure un peu mon avis sur les personnages.
Je ne comprends pas du tout l'intérêt d'alourdir bêtement leurs récits en les liant autant entre eux.
L'effet plot twist ne prend absolument pas et je trouve ça mal branlé, sans oublier que pour certains ça se sent venir à des kilomètres (de la frontière lol), pour les autres, ça sort juste de nulle part et on en voit pas l'intérêt.
La fin de certains personnages finit même par jurer avec la décadence extrême du lore avec cette écriture lisse et infantilisante digne des productions Netflix.
Par contre, j'avoue que certains chapitres sont mémorables, la ballade en taxi de Jarod ou encore le cambriolage avec Stan & Mitch. Pour ce qui est des autres ils peuvent parfois être vraiment lourds mais heureusement jamais trop longs.


Le jeu nous donne la possibilité de faire des choix.
Il y a, je crois hein, un système de karma, une couleur bleue ou rouge apparaît mais rien de plus n'est expliqué.
Je ne vais pas trop m'étendre dessus mais en gros rapidement on comprend qu'on peut décider de l'avenir politique du pays.
Ces choix n'ont pratiquement aucun impact sur le déroulement de l'histoire.
Au cours de chaque partie, on peut influencer l'avis des gens pour les inciter à voter pour Flores, faire la Revolución en tapant bien du bon flic comme un bobo aight 1312 ou bien en choisissant l'individualisme, nique les autres en mode "ta sœur putain je m'en branle des Pokémons".
Ces choix ne représentent rien car à la fin on nous donne quand même un choix final à faire.
On nous pisse un peu dessus, je trouve. Tous les efforts en vain. Je n'aime pas cette façon de négliger autant les choix du joueur.
Le seul truc qui change va être l'ambiance progressive dans les niveaux. Si on décide de voter pour Flores, on verra davantage d'affiches pour elle sur les murs et moins celles de Tyrak ou bien par-dessus celles-ci.
Et alors certains personnages peuvent crever aussi, mais bon pour le coup c'est ceux que j'aime le moins et j'ai quasi rigolé, c'est pour relever le manque de tension et d'enjeux que j'ai ressenti.
J'ai regardé les fins alternatives, il n'y en a 3, mais moi j'en vois qu'une en vrai.


Un point amusant : le jeu nous donne aussi la possibilité de joindre certains numéros de téléphone dans les nombreuse cabines.


Plus tard on peut littéralement dénoncer aux autorités l'organisation des Brigades Noires (le mouvement révolutionnaire contre Tyrak, dans lequel on s'enrôle un peu plus tôt) en l'échange de quelques dollars. J'en avais tellement rien à foutre que je l'ai fait juste pour me marrer et ça n'a AUCUN IMPACT. John et les autres militants s'en sortent quand même, OSEF total. Très déçu.


Mais ce qui est le plus décevant, voire presque mensonger c'est cet aspect roguelite.
Et à mon sens ce jeu a clairement essayé d'en être un.
Il y a des compétences qu'on débloque dans certains chapitres, comme le piratage, l'intelligence (car apparemment il faut être un vrai big brain pour saisir certaines situations, ce qui jure encore plus avec ce die & retry car on finit par réellement savoir certaines choses sur les personnages, mais non pas de choix de dialogue, on est d'office con et on doit reposer parfois encore et encore les mêmes question stupides)...
Ces compétences se conservent lorsqu'on passe d'un ado à un autre.
Comment on peut justifier ça ?
Dans les autres roguelite en général on fait attention à maintenir une certaine cohérence, mais ici je n'arrive pas à comprendre. Y a une divinité ancestrale de La Sainte Carapils qui transmet les pouvoirs à la dynastie estudiantine ou quoi ?
L'une de ces compétences est un passe gouvernemental, c'est littéralement un objet, comment peut-il être légué par un autre ado ?
Ça n'a aucun sens.
Et la soit disant génération procédurale des niveaux est un peu faite à la volée hein. On a un pourcentage de complétion pour chaque PNJ et le jeu se contente juste de choisir la scène qui suit et de détecter comment on se déplace (à pieds, voiture, ...) pour amener ça de façon cohérente. Donc heureusement j'ai pas vu de trucs aberrants où on prend le bus et la scène d'après on conduit une voiture.
Mais de toute manière, ça ne change pas trop l'issue de nos aventures, hormis certaines scènes comme celles avec Jarod où on peut mourir instantanément (en faisant vraiment des choix d'attardé hein) car, à moins d'être en rade de vie, on atteint aisément la route 96.


J'insiste beaucoup sur ce point car apparemment dans la communication du jeu, les développeurs nous ont fait miroiter mondes et merveilles en nous annonçant des possibilités quasi infinies, des dizaines d'heures de jeu, etc...
C'est un peu fort quand même non ?...
Refaire les mêmes scènes avec les mêmes scripts mais à un autre moment de la journée c'est de la rejouabilité ?
Au final le seul truc qui changera d'une partie à une autre c'est l'ordre des scènes.


Niveau gameplay, je pense que vous avez compris ce qu'est un "simulateur de ballade", donc je ne vois pas trop quoi dire dessus. Fin.
Non je rigole. En vrai, chose appréciable, c'est la quantité de mini-jeux qui viennent épicer le rythme des scènes. Pour la plupart ils sont amusants bien que génériques. Y en a des un peu bidons mais ça passe.
Le level design est bourré de murs invisibles, c'est vite pénible pour un jeu qui prône la liberté et l'émancipation (là je suis un peu méchant en vrai). Mais ça reste ultra linéaire.


Pour ce qui est des graphismes, ça tient bien la route (c'est marrant hein ?), même si j'ai eu pas mal de clipping.
La DA n'est pas sans rappeler Life Is Strange ou encore Firewatch, des bonnes références en somme.
Les animations quant à elles font peine à voir et jurent un peu avec le reste.
Mais sinon je trouve ça dans l'ensemble bien produit, la mise en scène est assez réussie et le rythme est très soutenu.


Les musiques sont loin d'être mauvaises bien qu'un peu trop pop à mon goût, après c'est subjectif.
Elles ont quand même le mérite de bien accompagner les scènes, à défaut de revenir un peu trop régulièrement et on en fait très vite le tour.
Il y a des cassettes à récupérer un peu partout pour agrandir la collection.


En conclusion,
Road 96 n'est pas non plus un mauvais jeu mais il n'est pas ce qu'on veut nous faire croire.
Tantôt amusant, tantôt un peu malhonnête, il ne m'a pas laissé bonne impression et je pense qu'il sera vite oubliable.
Donc il s'agit plus d'un banal walking simulator que d'un vrai roguelite assumé.
Après je félicite l'idée du concept qui aurait pu aboutir à quelque chose, ainsi que la petite équipe autour de ce jeu, française qui plus est.


RÉSUMÉ


Les PLUS



  • Graphiquement a de la gueule

  • Bien rythmé dans l'ensemble

  • Mini-jeux plutôt amusants

  • Durée de vie convenable (entre 5 et 10h je dirais)

  • Musiques populaires assez variées

  • Jarod est bien trippant


Les MOINS



  • Un faux roguelite

  • Les choix sont pratiquement illusoires

  • L'écriture des personnages est lourdingue

  • Plot twists bof digestes

  • Ce monde à la fois trop et pas assez borderline

  • Très dirigiste

  • Les autres PNJ lambdas dans le fond ont le regard vide...


Tout ceci reste évidemment purement subjectif.
Si j'ai d'autres choses à écrire, je reviendrai dessus.
Voilà, ma critique s'achève ici.
Merci de l'avoir lue et prenez soin de vous.

Paynekiller
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le 22 août 2021

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