Split Fiction (2025), la nouvelle production star de Josef Fares sortie cette année, est un titre qui a fait l’unanimité dans la presse en ce début d’année. Pour ma part, si j’ai apprécié l’expérience dans l’ensemble, je reste timide quant à l’appellation de chef d’œuvre ou de titre qui « redéfinirait les contours du jeu coopératif ». Déjà, Split Fiction s’inscrit comme une sorte d’aboutissement d’une série de trois jeux exploitant cette fameuse collaboration à deux par écran scindé (ou pas) : Brothers (2013), A Way Out (2018) et It Takes Two (2021). Les deux premiers étant plus confidentiels, c’est It Takes Two qui propulse Fares et ce genre assez unique sur le devant de la scène. J’ai joué à l’intégralité de ces titres, c’est donc d’un œil averti que je me suis lancé avec un pote dans cette aventure. Sachez qu’il est possible de jouer en local comme en ligne, et que, fidèle à la tradition du studio, seul un joueur a besoin d’acheter le jeu. Le second doit le télécharger via Steam (par exemple) et sélectionner la version « Pass ami ». Ce dernier aura accès à l’intégralité du titre mais ne pourra pas lancer de lui-même une nouvelle partie (il est tributaire du possesseur du jeu) et ne débloquera aucun succès.
En quoi ce genre serait-il si particulier me demandez-vous ? Par sa proposition ludique consistant à offrir un mode histoire compilant une ribambelle d’activités, de mini-jeux, d’énigmes, de courses en coopération sur un même écran. Qu’il soit scindé ou plein, l’idée est de faire vivre au duo une aventure avec son lot d’émotions, en l’impliquant dans des séquences qui exigent une bonne coordination et, si possible, un peu de complicité. Split Fiction s’inscrit pleinement dans cet héritage et tente de dépasser la formule en renouvelant non seulement le champ de possibles grâce à des jeux parfois très inventifs mais surtout en cherchant à offrir le grand spectacle par le biais d’une production superbe alternant entre monde futuriste et univers médiéval-fantastique.
Bon, ce serait hypocrite de ma part de dire que j’ai boudé mon plaisir ou que Split Fiction usurperait sa note Metacritic ou sa réputation. C’est globalement un très bon jeu à faire avec un ami, votre compagne ou n’importe quel membre de votre famille. Par la simplicité du gameplay (deux ou trois boutons max), les activités proposées peuvent être réussies par le plus grand nombre même si on observe au fur et à mesure de notre progression une certaine lourdeur dans les déplacements entre chaque épreuve. Imaginez que, dans Mario Party, il faille courir, sauter, esquiver, voler, grimper jusqu’au prochain mini-jeu… à chaque fois. Eh bien, vous obtiendrez l’architecture de Split Fiction. Si au départ, les cinq premières heures, ces déplacements ou autres énigmes environnementales apparaissent comme rafraîchissants et agréables, j’ai trouvé qu’ils devenaient vite redondants et peu intéressants. Le gros problème de ce jeu n’est pas la proposition généreuse à souhait, ni son ambiance déjantée mais sa longueur. Split Fiction est trop long pour son bien et possède un ventre mou pendant 3-4h pour repartir enfin de plus belle dans son dernier segment. Pas loin de 13h en ce qui me concerne, à vitesse grand V, pour terminer le jeu en ayant fait toutes les activités annexes. J’ai trouvé l’expérience moins équilibrée, moins bien rythmée que sur It Takes Two.
Toujours dans la comparaison, le scénario de Split Fiction nous propose d’incarner deux romancières qui se rendent dans un laboratoire pour tenter une expérience : vivre le contenu de leur œuvre dans une sorte de réalité virtuelle. Un incident se produit et les deux femmes, qui au départ ne se connaissaient pas, vont apprendre à s’apprivoiser pour retrouver le monde réel en alternant entre les deux univers propres à leur roman. C’est malin, même si ça reste un prétexte pour mettre deux joueurs en coopération derrière la manette. Si l’histoire est acceptable, même si très inférieure à celle de It Takes Two, c’est le traitement que je déplore. Les atermoiements de chacune des femmes desservent complètement le propos du jeu. On s’en bat complètement les couilles. Le décalage entre le titre, la proposition ludique et la tentative désespérée du studio de nous faire croire aux drames personnels des personnages ne prend pas. C’est mal arrimé au gameplay et non avenu.
En revanche, ce que j’ai beaucoup apprécié et qui m’a rendu attentif aux décors, aux cinématiques et bien évidemment aux mini-jeux, ce sont les hommages permanents à la culture vidéoludique et cinématographique. Il y a tellement de clin d’œil à de nombreuses licences que c’est évident que le titre de Fares a été pensé comme tel : une succession d’hommages à l’histoire du jeu vidéo. Tout y passe : Mario, Donkey Kong, Megaman, Dark Souls, Le Seigneur des Anneaux, Assassin’s Creed, Les Trois Petits Cochons, Dune, etc. Bref, cela ne s’arrête jamais et ce fut toujours un plaisir de hurler à haute voix la référence que mon collègue, ce trou de balle inculte (dit avec amour), ne voyait pas toujours.
Côté rejouabilité, l’intérêt est là pour la simple et bonne raison que dans la majorité des activités, les deux protagonistes ne feront jamais exactement les mêmes actions. La plupart des défis vous proposent d’aider ou d’être aidé chacun à son tour, de progresser par translation avec souvent des manières de jouer radicalement différentes. Par exemple, et pour n’en donner qu’un, les deux protagonistes n’auront pas la même monture dragon, en sachant que les deux dragons ne se jouent pas du tout de la même manière. En ce sens, on peut dire clairement que Split Fiction possède une bonne rejouabilité, encore un atout à porter au crédit du jeu.
En conclusion, Split Fiction vous propose le grand spectacle, le grand huit de la coopération pendant près d’une quinzaine d’heures pour les plus lents. Le titre est relativement généreux en contenu, part dans tous les sens (un peu trop peut-être ?), offre le grand spectacle visuel, en particulier à la fin lorsque les deux univers s’entrechoquent. C’est joli techniquement sans non plus révolutionner le monde du jeu vidéo. Seulement, j’ai trouvé que l’expérience était parfois trop longue. Tous les mini-jeux ou activités ne sont pas toujours des plus passionnantes, les segments à parcourir d’un niveau à l’autre finissent par être redondants et le scénario, même si au départ très sympa, s’englue dans des considérations métaphysiques complètement à côté de la plaque. Split Fiction reste un bon jeu, je vous le recommande cher lecteur, mais il demeure un cran en dessous de It Takes Two en ce qui me concerne.