Vous savez, y'a des phobies qu'on n'explique pas si on en est pas victime. Agoraphobe ? Je conçois que Châtelet soit peu accueillant, mais quand même. Ornithophobe ? Qui aurait peur des pigeons ? Trypophobe ? T'aimes pas ma nouvelle passoire ?


Moi, c'est la thalossophobie. La peur des fonds marins. Ça me terrifie de pas savoir ce qui peut se terrer en dessous de mes pattes. Hors de question de descendre plus bas, dans les profondeurs nautiques, loin de la douce et rassurante lumière du jour. Sauf qu'arrive un jour où on se retrouve face à un dilemme. Que ça fait des lustres qu'on vous tanne pour jouer à Subnautica, vous qui êtes fan de jeu de survie et d'aventure. Une fois, deux fois, trois fois, vous vous y essayez. Mais la 4ᵉ, c'est la bonne. Une bonne inspiration, avant le plongeon décisif. Il est temps, enfin, de se jeter à l'eau.


Le jeu vous y jette, à l'eau en tout cas, et dès les premières minutes. Crashé sur une planète visiblement créée pour les fans de Thalassa remplie d'un océan à perte de vue, vous devez survivre en craftant tout ce qui vous passe par la main, à l'aide d'un fabricateur disponible dans votre capsule de survie. Il faut de l'eau, de la nourriture bien évidemment : les poissons pourront y remédier. Et puis votre équipement est assez basique. Fort heureusement, des débris du vaisseau mère sont éparpillés un peu partout dans les profondeurs les moins élevées, et ces derniers, ainsi que la flore et les minéraux locaux, peuvent vous aider à améliorer vos palmes, votre tank à oxygène, et fabriquer différents outils (couteau, lampe torche, outil de réparation...).


Sauf que comme tout bon jeu de survie qui se respecte, les ressources que vous trouvez à la surface permettent d'améliorer votre équipement, jusqu'à un certain point. Arrive un moment où si l'on veut du diamant, du rubis ou autre joyeuseté, il faut descendre, encore plus bas, dans les profondeurs de la mer, là où le Soleil peine à poindre. Et vient le vrai test.


Passé 300m, vous pétochez pour un râle entendu au loin, que vous imaginez sans peine être celui d'un monstre nautique. Une ombre vous frôle, vous savez qu'au fond du fond, vous n'êtes pas seul. Pourtant, vous le voulez, votre putain de sous-marin, dont vous avez trouvé les plans sur une capsule de vos anciens collègues, visiblement plus malchanceux que vous. Et le vaisseau-mère, tout feu, tout flamme, que vous voyez à l'horizon et qui dégage une saleté de zone radioactive, il en contient des schémas et ressources dont vous auriez cruellement besoin ! Vous voulez vous échapper de cette planète, non ? Surtout que vous commencez à vous sentir pas bien. L'air ici est pas pollué, mais peut-être que le fog Terrien vous manque trop, car votre système de surveillance médical s'affole, il faut vite se barrer. Pas le choix donc, il faut descendre. Encore. Plus bas.


Le Soleil ne montre plus ses rayons. Il ne vous caresse plus doucement le visage, ne vous donne plus ce teint hâlé qui fait votre fierté. Non, là dans les profondeurs infernales, où les biomes se mélangent, se terrent les ressources que vous pourchassez. Vous avez aperçu un monstre gigantesque plus tôt, qui vous a pourchassé en vous foutant la pétoche de votre vie. Et depuis le début, vous avez l'impression qu'on vous observe : visiblement, vous n'êtes pas la seule espèce intelligente sur cette foutue planète.


Plus bas encore. Vous avez entre temps construit une base avec les plans trouvés dans des carcasses du vaisseau, et vous vous servez de cet abri de fortune pour développer des outils toujours plus avancés. Des modules pour vous adapter à la pression. Un système de purification d'eau. Une centrale géothermique. Et enfin, un gigantesque sous-marin, qui vous permettra d'atteindre les bas-fonds.


Vous êtes au bout. 2000 mètres de profondeur. Vous ne savez pas comment vous avez fait. Au fur et à mesure, à chaque descente, les fonds vous apparaissent moins dangereux, plus familiers. Vous savez que le monstre, ce Léviathan râleur, rôde seulement à certains endroits que vous savez maintenant éviter. Vous connaissez les raccourcis, et avez même pris le luxe de construire une base magnifique dans une sorte de cave remplie de squelettes de monstres marins. La fin est proche, vous le sentez. Devant vous se trouvent les derniers minerais et autres technologies qui vous permettront de se barrer d'ici. Cette planète, terrifiante à première vue, vous manquerait presque une fois quittée.


Vous remontez alors, strate après strate. Vous revoyez chaque victoire, chaque peur affrontée. Pour la première fois depuis une éternité passée sous l'eau, vous refaites surface. L'air frais emplit vos poumons, le soleil vous aveugle quasiment après tant d'obscurité. Mais quelque chose a changé en vous. Cette terreur sourde des profondeurs s'est muée en autre chose : une sorte de respect apprivoisé. L'abysse ne vous paraît plus si hostile, maintenant que vous savez qu'on peut y survivre, y construire sa maison, y tracer ses chemins malgré les monstres qui rôdent.


Des fois, la solution à toute peur, c'est tout simplement de se jeter à l'eau, la tête la première.

Marcel_Patulacci
8

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