« Oh Princess, what a beautiful evening. » MARIO

En 2011, Super Mario 3D Land débarque sur Nintendo 3DS, marquant la première véritable aventure en 3D du plombier moustachu sur console portable. Le jeu tente un équilibre délicat entre la structure linéaire des épisodes en 2D et la liberté des Mario en 3D. Résultat : un Mario solide, techniquement impressionnant pour une machine portable, mais qui manque un peu d’audace. C’est un épisode plus prudent qu’ambitieux, souvent perçu comme une introduction à la 3D pour les nouveaux venus, plutôt qu’une révolution pour les fans de longue date.

En 2012, Nintendo lance la Wii U, une machine étrange, difficile à cerner : ni totalement console de salon, ni vraiment portable. Elle propose un concept audacieux avec son GamePad, une manette équipée d’un écran tactile, censée renouveler la manière de jouer. Comme toujours, un nouveau Mario 3D va accompagner la sortie ou la vie de la console Nintendo. L’équipe va s’inspirer directement de l’opus 3DS pour en livrer une version plus ambitieuse, pensée pour la coopération et les grands écrans.

Nintendo Entertainment Analysis & Development (EAD), le studio de développement historique derrière les plus grands succès de la firme, s’occupe du Mario 3D de la Wii U. Les développeurs en profitent pour glisser plusieurs références à Super Mario Bros. 2, notamment dans la sélection des personnages jouables : Mario, Luigi, Peach et Toad, chacun avec ses capacités distinctes. Ces hommages discrets montrent à quel point Nintendo aime tisser des liens entre ses générations de jeux, mélangeant héritage et innovation.

Le 29 novembre 2013, Super Mario 3D World sort enfin sur Wii U. Le jeu est acclamé pour sa direction artistique chatoyante, ses mécaniques variées et son mode multi-joueur local. Pourtant, le titre arrive sur une console qui peine à convaincre le grand public. La Wii U connaît un échec commercial, éclipsée par la PlayStation 4. Ce contexte malheureux empêche le jeu de rencontrer le succès qu’il mérite.

Le scénario tient en quelques lignes : Bowser capture un groupe de fées, et Mario, Luigi, Peach ainsi que Toad partent à leur secours. Un pitch minimaliste, fidèle à la tradition des anciens Mario. Nintendo ne cherche pas à raconter une grande histoire, mais à créer une aventure purement ludique, centrée sur le plaisir de jouer. Ce choix rappelle que dans l’univers de Mario, le scénario est avant tout un prétexte au gameplay, une mise en contexte légère pour lancer le joueur dans une succession d’idées de niveau toujours plus inventives.

Le cœur du jeu, c’est la coopération à plusieurs joueurs. Jusqu’à quatre personnes peuvent partager l’écran, et c’est là que le jeu prend toute sa dimension. J’ai eu la chance d’y jouer à trois joueurs, et chaque session était un pur moment de joie et de chaos maîtrisé. Le level design semble avoir été conçu pour provoquer des interactions : on s’entraide, on se gêne, on se jette accidentellement dans le vide… Mais on rit toujours. Tout, dans la conception du jeu, pousse à vivre l’aventure à plusieurs. Jouer seul reste possible, mais l’esprit du titre réside clairement dans cette énergie collective.

Chaque personnage jouable a sa propre personnalité ludique : Mario, l’équilibré, est la référence de base, parfait pour les joueurs de tous niveaux. Luigi saute plus haut et plus longtemps, mais glisse davantage à l’atterrissage. Peach flotte brièvement dans les airs, une capacité salvatrice dans certains passages. Toad, lui, court plus vite que les autres, idéal pour les niveaux chronométrés. Et plus tard, on peut débloquer Harmonie qui ajoute une petite touche de grâce cosmique au casting. Ces différences encouragent la rejouabilité et la coopération, chacun pouvant choisir un personnage selon son style de jeu préféré.

Les niveaux sont d’une richesse visuelle et créative incroyable. Nintendo réussit à mélanger la structure linéaire des jeux 2D avec la liberté et la profondeur des jeux 3D. On passe d’un monde enneigé à un cirque psychédélique, d’un désert doré à une forteresse céleste, sans jamais ressentir de lassitude. Chaque niveau introduit une idée nouvelle, souvent utilisée une seule fois, puis passe à autre chose, ce qui donne une sensation constante de découverte. Certains niveaux deviennent vite des coups de cœur évidents, tant leur rythme, leur musique et leur inventivité s’accordent parfaitement.

Parmi les surprises, les niveaux bonus du Capitaine Toad sont de véritables petites perles. Contrairement au reste du jeu, ils se jouent en solo et sans possibilité de sauter. Le joueur doit y résoudre des casse-têtes en manipulant la caméra pour trouver des étoiles vertes cachées. Ces séquences offrent un rythme différent, plus calme, tout en démontrant le génie du level design de Nintendo.

Une fois la campagne principale terminée, le jeu réserve encore bien des surprises. Entre la chasse aux étoiles vertes, la collection de tampons et l’accès à des mondes secrets inédits, le jeu pousse à l’exploration complète. Les niveaux bonus sont souvent plus difficiles, pensés pour les joueurs expérimentés. Cette générosité donne au jeu une rejouabilité exceptionnelle : on y revient régulièrement, seul ou entre amis, pour tout débloquer ou simplement revivre le plaisir du gameplay pur.

On ressent clairement que ce jeu est l’aboutissement naturel de Super Mario 3D Land. Nintendo a repris la formule, l’a enrichie, élargie et sublimée, notamment grâce à la puissance de la Wii U et au multi-joueur local. C’est une évolution spectaculaire, une explosion de couleurs, d’idées et de fun partagé. Si le jeu reste excellent en solo, il est évident que son véritable potentiel se révèle à plusieurs. C’est là que la magie Nintendo opère : dans les rires, les erreurs, les compétitions amicales et les victoires collectives.

Super Mario 3D World est souvent considéré comme un trésor caché du catalogue Mario. Sorti sur une console en demi-teinte, il n’a pas eu la reconnaissance immédiate qu’il méritait. Pourtant, il représente tout ce que Nintendo sait faire de mieux : un gameplay précis, une créativité débordante et une convivialité rare. En 2021, sa réédition sur Switch, a enfin permis à un plus large public de redécouvrir ce chef-d’œuvre. C’est un Mario qui célèbre le jeu pur et collectif, une ode à la joie simple du partage devant un écran.