Il est rare qu’un jeu issu de la scène indépendante parvienne à troubler, captiver et faire réfléchir avec autant d’efficacité que The Coffin of Andy and Leyley. Sous ses allures de RPG Maker macabre et désarmant, le titre s’affirme comme une œuvre narrative d’une rare densité, un voyage dérangeant dans l’intimité d’une relation fraternelle brisée, pervertie, mais profondément humaine.
Une narration brutale, mais jamais gratuite
Le cœur du jeu repose sur la relation entre Andy et Leyley, deux adolescents évoluant dans une misère affective et psychologique extrême. Là où beaucoup de jeux d’horreur psychologique se perdent dans l’esthétique du choc, The Coffin of Andy and Leyley parvient à ancrer ses horreurs dans une logique interne cohérente et profondément tragique. La narration ne cherche jamais à édulcorer la cruauté de son propos, mais ne sombre pas non plus dans la provocation facile.
Chaque scène dérangeante — et il y en a plusieurs — sert une intention précise : illustrer le poids du trauma, la déshumanisation progressive, et surtout, la dépendance affective toxique dans laquelle les deux protagonistes se noient. Le jeu n'excuse rien, mais il explique tout, et c’est là sa plus grande force.
Une mise en scène d’une précision chirurgicale
Malgré des graphismes pixelisés et une interface minimaliste, The Coffin of Andy and Leyley exploite au maximum les limites de son moteur pour renforcer l’immersion. L’usage du silence, des ruptures de ton brutales, des animations subtiles et des choix visuels radicaux donnent au jeu une densité émotionnelle rare. Chaque tableau semble pensé comme une scène de théâtre morbide, où rien n’est laissé au hasard.
Le rythme, volontairement lent et pesant, fait écho à l’errance psychologique des personnages. Même les séquences les plus atroces conservent une certaine élégance dans la mise en scène, refusant tout spectaculaire gratuit.
Une œuvre transgressive, mais profondément honnête
Attribuer un 10/10 à une œuvre aussi dérangeante pourrait sembler excessif, voire irresponsable. Pourtant, si l’on juge le jeu pour ce qu’il est — une œuvre d’art interactive — alors The Coffin of Andy and Leyley mérite cette note pour sa maîtrise narrative, sa cohérence thématique et sa capacité à repousser les limites du médium sans jamais perdre de vue son propos central.
Il ne s’agit pas d’un jeu à mettre entre toutes les mains, ni d’une expérience “agréable” au sens classique du terme. C’est une plongée dans l’horreur humaine, mais une horreur traitée avec une justesse rare, qui interroge sur les mécanismes de l’abus, de la dépendance, et de la survie psychologique dans un monde sans amour.
Conclusion :
The Coffin of Andy and Leyley n’est pas un jeu que l’on recommande à la légère, mais c’est un jeu qu’il faut défendre. Parce qu’il ose dire l’indicible. Parce qu’il maîtrise son langage jusqu’au bout. Parce qu’il prouve que le jeu vidéo peut être un support narratif d’une profondeur inégalée. Un 10/10, non pas pour sa perfection technique, mais pour son audace, sa cohérence et son humanité déformée.