Très attendu, le nouvel opus de la saga phare a très vite été plébiscité par la critique. Fan de longue date de la série, il serait malhonnête de dire que je ne faisais pas partie des impatients ; mais avec une petite réserve tout de même sur l'open-world, autant attrayant qu'effrayant. Alors, après de nombreuses heures de jeu et après l'avoir enfin terminé, quel est le verdict ?

Premier constat en démarrant la partie : comme prévu, le jeu est beau ; même très beau. Et oui, je n'ai pas pu m'empêcher de verser ma petite larme lors de la séquence d'introduction, à la sortie du sanctuaire de la Renaissance. Un monde immense et verdoyant, aux couleurs changeantes selon l'heure de la journée ou la météo, offrant par endroits de magnifiques panoramas et de chatoyants couchers de soleil. Les graphismes restent relativement simples, parfois proches du cell-shading de The Wind Waker même, mais pour autant s'avèrent emprunts d'un certain réalisme. Les reflets sur la roche mouillée, les mouvements de l'herbe caressée par le vent, le détail et l'orientation des ombres, la crédibilité des architectures, autant de petits détails qui rendent le jeu visuellement très agréable.

Ce réalisme, on le retrouve dans plein d'autres détails, en dehors des graphismes. On sent une réelle ambition à ancrer davantage cet épisode dans le réel. Ainsi, on ne trouvera plus de cœurs en coupant des herbes ou dans des pots, mais il faudra ramasser des plantes, des pommes et autres fruits mais également chasser du gibier pour se nourrir et ainsi regagner de l'énergie. On pourra même combiner ces ingrédients en les cuisinant pour augmenter les effets sur l'énergie mais également d'autres statistiques (endurance, température, vitesse, discrétion, etc.). De même on ne trouvera plus non plus de flèches ou de bombes dans les herbes, fait également hautement irréaliste. Autre exemple, les monstres une fois vaincus ne réapparaissent pas systématiquement comme c'était le cas dans les opus précédents. Il faudra attendre la "lune de sang", phase lunaire de la nuit pendant laquelle les suppôts de Ganon reviennent à la vie, pour croiser à nouveau ses anciens ennemis. On peut ainsi relever une foultitude de détails rendant le jeu plus réaliste, certains ayant déjà été plus ou moins exploités auparavant dans la saga (endurance, sensibilité à la chaleur, armes qui cassent, limitation de l'inventaire…) et d'autres non (sensibilité au froid, difficulté accrue à escalader les parois sous la pluie…). Cet ancrage dans le réel peut clairement être perçu comme un bon point, mais certains peuvent à la longue agacer. On va ainsi rapidement se rendre compte que les armes cassent trop vite, que l'inventaire paraît trop limité, qu’il pleut trop souvent et souvent au mauvais moment, etc.

Le troisième constat, et bien-sûr le plus important, c'est bien-entendu ce fameux open-world. On ne nous a pas menti, la carte est immense et après une séquence tuto au début du jeu, il est véritablement possible d'aller à peu près partout. Un point qui enchante une grande majorité de joueurs, mais qui, comme je le disais en intro, me laisse plus mitigé. Il est vrai que l'exploration est, et a toujours été, une composante importante des jeux de la saga, et on comprend l'excitation que peut procurer un gameplay poussant cette composante encore plus loin. Cependant, outre le fait de se sentir parfois impuissant, pas assez "fort" et équipé, bref, pas au bon endroit au bon moment, la lourde contrepartie ici est que l'on perd l'une des principales mécaniques du jeu, presque une marque de fabrique même : le fait de progresser par interactions de l'inventaire avec l'environnement. Ainsi, dans la plupart des précédents opus, on doit trouver un objet spécifique ou réaliser une certaine action pour ouvrir une voie et progresser dans l'exploration. Cette mécanique intelligente fait partie des éléments qui m'avaient totalement charmé lorsque j'ai découvert la série avec Ocarina of Time. Or un monde directement ouvert annule de fait cette mécanique puisqu'il n'est plus nécessaire d'obtenir tel ou tel objet pour aller plus loin. Certains y voient une amélioration, trouvant l'ancienne mécanique trop linéaire. Personnellement, je trouve qu'il y a un juste milieu qui n'est ici pas forcément atteint.

L'effet pervers de tout cela est aussi que l'on perd bien souvent le fil rouge de l’histoire ; pris par l’exploration, on peut d’ailleurs se trouver dans une situation de dilemme, à savoir : explorer ou avancer, ce qui s’avère assez difficile à bien doser tellement l’exploration prend une part importante du temps de jeu. On peut alors parfois très vite se sentir un peu frustré de ne pas avancer assez vite qu’on le voudrait dans la quête principale. Mais de surcroît, on en vient également à perdre même tout l'enjeu de l'exploration. Que ce soit pour la progression dans la quête principale ou pour les quêtes annexes, il fallait donc auparavant, comme on l’a dit précédemment, attendre d’avoir l’item adéquat pour avancer, ce qui le moment venu rendait la découverte de l’inconnu d’autant plus excitante ; enfin on parvenait à ouvrir ce passage qui nous intriguait depuis un moment ! Ce n’est plus vraiment le cas ici puisque tout ou presque est déjà accessible. Le sentiment de liberté est certes total : il est inédit dans un Zelda de pouvoir par exemple grimper partout, sur chaque maison, chaque arbre, chaque montagne, mais en contrepartie, il faut accepter que l’on ne trouvera pas forcément une récompense de l'autre côté. Bien sûr, le monde est loin d'être vide, et on trouvera notamment des coffres en abondance ainsi que de nombreuses quêtes annexes, mais on constatera d’une part qu'il est facile d'en rater, tant il est difficile d’être certain d'avoir exploré tous les recoins de ce monde immense, et d’autre part que ceux-ci tendent à se banaliser par leur nombre et les récompenses qu’ils offrent. Celles-ci n’en valent en effet pas toujours la chandelle et doivent même parfois être laissées derrière soi, faute de place dans l’inventaire. Ainsi, l'excitation de trouver un trésor ou de sortir victorieux d’une quête annexe s'estompe totalement, pouvant même aller parfois jusqu'à la frustration.

Une autre mécanique spécifique à la saga, c’est bien-sûr la traversée de donjons de plus en plus longs et retors. Encore une fois, il faut habituellement faire interagir les objets de l’équipement (souvent un objet particulier au donjon d’ailleurs) avec l’environnement pour résoudre des énigmes et progresser de salles en salles jusqu’au boss. Ce dernier a habituellement un point faible qu’il faut déterminer, et peut être vaincu en suivant une certaine mécanique, souvent là encore en utilisant l’objet spécifique du donjon. Dans Breath of the Wild, les choses se présentent à nouveau différemment, et on perd encore une fois en partie ces mécaniques intelligentes. Les donjons étant tous accessibles en même temps, ils ne croissent pas en difficulté et ne nécessitent pas d’objets spécifiques. Heureusement, ce système n’est pas complètement perdu, et il faudra bien souvent utiliser les pouvoirs offerts dès le début du jeu par les modules de la tablette Sheikah pour avancer. Cependant, ces donjons sont très peu nombreux (au nombre de quatre), et ce faible nombre n’est guère compensé par leur longueur puisqu’on constatera également qu’ils sont plutôt courts. Quant aux boss, s’il existe probablement des techniques pour les terrasser plus facilement, il n’y a pas pour autant de mécanique spécifique à suivre et il suffira de bien bourriner pour en venir à bout ; dommage. Heureusement, pour compenser le faible nombre et la courte durée de ces donjons, de nombreux sanctuaires sont disséminés dans Hyrule, dont beaucoup fonctionnent comme de véritables mini-donjons avec des énigmes à résoudre. Cela est un point plutôt appréciable, même si l’on pourra regretter l’absence d’ambiances différentes dans ces sanctuaires et donjons, comme nous y avait habitué la saga.

Finalement, en dépit de tous ces constats qui sont autant de petites déceptions, il serait malhonnête de dire que Breath of the Wild est un mauvais jeu. Celui-ci, en plus de briller par la qualité esthétique de ses graphismes, recèle tout de même quelques bonnes surprises, ces petits moments inattendus qui parviennent à impressionner, mêmes s'ils se révèlent plutôt rares. En bref, il peut paraître quelque peu décevant pour un Zelda, l’esprit de la saga si chère à mes yeux étant un peu en berne sur un certain nombre de points, mais n’en reste pas moins un très bon jeu. Quelque part, de nombreux éléments m’ont davantage évoqué Xenoblade Chronicles que Zelda : le monde ouvert immense, les nombreuses quêtes annexes proposées par les PNJ, etc... Ce qui n’est guère étonnant lorsque l’on sait que le jeu a bénéficié de l’aide de la part de l’équipe de développement de Xenoblade. Mais il faut tout de même admettre que Breath of the Wild possède un petit quelque chose en plus, une petite étincelle de magie qui fait que j'ai eu envie de le creuser et de le terminer (alors que je n'ai jamais terminé Xenoblade premier du nom). Mais cela est-il suffisant ? Si le jeu est, force est de le constater, hautement addictif sur le moment, peut-être grâce aux bons points sus-cités, que restera-t-il de cet opus des années après ? Il restera certes un opus qui aura marqué l'histoire de la série par ce virage de l'open world, mais aura-t-il sur le long terme cette même aura mystique qu'un Ocarina of Time a su conserver des décennies après ? Marquera-t-il autant les esprits ? Rien n'est moins sûr en ce qui me concerne. L'avenir nous le dira…

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EDIT du 13/01/2022 :

Après avoir rejoué à Skyward Sword grâce à sa réédition sur Switch (et redécouvert les plaisirs de la progression linéaire poussée à son paroxysme), je voulais revenir sur un point assez spécifique du jeu et de cette critique.

En effet, à l'époque de la Wii, j'avais quelque peu dénigré Skyward Sword, à cause notamment de sa carte du ciel vide et ennuyeuse servant de hub vers des zones terrestres non liées entre-elles autrement, mais aussi à cause de ces zones terrestres en elles-mêmes, que je percevais un peu comme des donjons à ciel ouvert, trop hostiles et sans respirations. Ce qui faisait penser à des donjons, c'était aussi le level design de ces zones, qui forçait une progression linéaire avec de nombreuses interactions physiques avec l'environnement, comme de petites énigmes pour progresser dans les salles d'un donjon. Et je dois bien admettre qu'après Breath of the Wild, retrouver ce type de mécanique poussé à l'extrême, hors donjon et dans les donjons, m'a fait diablement plaisir !

Mais là je m'égare… Ce que j'ai surtout retenu de cette redécouverte de Skyward Sword, c'est deux vraies bonnes idées, qui n'ont malheureusement pas été reprises dans Breath of the Wild : la possibilité d'améliorer ses armes et objets, et l'existence d'une consigne pour déposer ce qui ne rentre pas dans l'inventaire. Et c'est vraiment dommage, car combinées, ces deux idées auraient réellement pu améliorer l'expérience de jeu sur Breath of the Wild, notamment au regard des armes qui se cassent. Car lorsque l'on trouve une bonne arme avec de bonnes stats, le jeu conduit dans tous les cas à une forme de frustration. Frustration de la voir voler en éclat lorsque l'on l'utilise, ou bien frustration de ne pas l'utiliser dans l'objectif de la conserver pour d'autres occasions… qui n'arrivent jamais vraiment. Ce qui à terme sature inutilement l'inventaire de "bonnes" armes que l'on veut conserver et oblige finalement à les utiliser contre de simples Bokoblins. Bref, ça ne va pas, et ça souligne encore, s'il le fallait, que ce système d'armes n'est peut-être pas des plus au point. Alors que si le jeu avait donné la possibilité de mettre cette arme de côté (en consigne) et de l'améliorer jusqu'à la rendre incassable (à l'image des boucliers dans Skyward Sword), cela aurait pu être beaucoup plus satisfaisant. Et si d'aventure vous retrouvez une arme du même type avec de meilleures stats encore, vous la substituez à la première et vous vendez cette dernière, tout simplement. En bref, un système de gestion des armes permettant de chercher les meilleures d'entre-elles pour les améliorer et les conserver.

Alors évidemment, il ne s'agit pas forcément de rendre incassable une branche d'arbre ou d'améliorer une simple épée de voyageur : certaines armes peu intéressantes pourraient être plutôt considérées comme des consommables, à l'image du bâton Mojo de Ocarina of Time. Et pour fonctionner, il faudrait sans doute un nombre moins élevé d'armes différentes dans le jeu. Mais cela serait intéressant avec les meilleures armes telles que celles de la panoplie royale, de la garde royale, les armes de Lynels, mais aussi et surtout les armes ancestrales données par des personnages importants, les armes des amiibo, ou encore le bouclier Hylien, dont la non-durabilité est limite une aberration. Quant à la consigne, elle permettrait de faciliter cette gestion dans le cas d'un inventaire limité et d'éviter l'usage d'une arme que l'on souhaiterait garder. Il y a bien la maison de Link qui peut en quelque sorte servir de consigne, mais d'une part c'est très limité (j'ai même cru longtemps pendant ma partie qu'on en aurait une autre à Euzéro mais il n'en est rien, autre déception), et d'autre part cela ne sert pas à grand chose à part à en faire un musée, s'il n'y a pas à côté la possibilité d'améliorer les armes et de les rendre incassables.

Pourquoi tirer des plans sur la comète pour une fonctionnalité absente du jeu me direz-vous ? Pour montrer que le système d'armes actuel du jeu, qu'on l'approuve ou non, pourrait largement être perfectible. Et peut-être aussi pour soumettre un petit espoir d'amélioration de ce type pour BOTW 2… On peut rêver non ?

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le 27 févr. 2023

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Evanizblurk

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