(critique en écriture depuis mars 2017, postée le 27/04/18)


En dehors d'Hyrule Warriors, aucun Zelda n'est apparu sur console de salon depuis Skyward Sword fin 2011 : c'est le plus grand écart qu'on ait connu depuis la transition ALTTP/OOT. Depuis plus de 5 ans, le big boss de la série, Eiji Aonuma, nous a expliqué vouloir redéfinir les conventions de la licence, tout en revenant aux sources. Grand écart périlleux s'il en est.
L'attente aura été longue, mais nous voilà enfin face au Zelda nouveau. Acclamé par la critique (deuxième meilleure moyenne de tous les temps sur MetaCritic, après OOT himself) et responsable du lancement en fanfare de la Switch, Breath of the Wild signe aussi les adieux de Nintendo avec sa mal-aimée Wii U. Bref, beaucoup de pression pour un simple jeu. Maintenant, la question à 1000€ est : "Worth it?".



Un nouveau souffle



La réussite du jeu, c'est bien évidemment son open-world. Si la taille du monde a de quoi faire frémir (surtout quand on voit le triste vide des précédents hubs des Zelda, coucou TP), on se rend vite compte que celui-ci est bourré de choses à faire et qu'il est strictement impossible de faire 100m sans que l'envie de faire un détour n'apparaisse. Un sanctuaire, un campement ennemi, une forêt pleine de ressources ou une île paumée au milieu d'un lac sont autant de carottes qui poussent à l'exploration et qui encouragent le joueur à prendre connaissance du monde qui l'entoure.
Le plus beau, c'est de voir toute la cohérence que les développeurs ont mise dans ce jeu. Les ennemis interagissent entre eux quand Link n'est pas là, les PNJ réagissent à leur environnement (en marquant un temps d'arrêt quand un animal passe devant eux par exemple), la foudre s'abat sur vous si vous portez un objet métallique, vos vêtements pour survivre dans le désert ne vous protégeront pas du froid des montagnes, etc... Si ces éléments sont finalement assez banals de nos jours (les GTA gèrent les interactions entre PNJ depuis 2001), on ne peut que s'enthousiasmer en voyant que la fameuse série de Nintendo a enfin franchi le pas, et d'une bien belle manière qui plus est !
Et puis c'est beau putain ! La DA est globalement la même que dans Skyward Sword (aquarelles, jeu d'ombres discrets) et ça passe crème en HD.


Autre chose à mettre au crédit du jeu : les différentes énigmes. Si l'on fait face au Zelda avec le moins d'objets différents (5 en tout, dont 2 types de bombes), chaque objet est utilisé de bien belle façon dans les différents sanctuaires du jeu, qui proposent des énigmes parfois bien retorses pour tester votre connaissance et votre sens logique. C'est un peu dommage que les donjons exploitent peu les objets de votre inventaire et que plusieurs sanctuaires ne soient qu'un affrontement à 1vs1 contre un petit gardien ceci dit.
Les donjons d'ailleurs, ne sont plus qu'au nombre de 4, 5 en comptant le château d'Hyrule (contre 120 sanctuaires !). Grâce à leur forme animale, ils proposent chacun un mécanisme différent, contrôlable depuis le menu de pause (l'éléphant a une pompe à eau, l'oiseau peut s'incliner...). C'est à la fois amusant à utiliser et jamais vu dans un des précédents épisodes de la série. Toutefois, ils sont assez courts et peu difficiles (enfin moi j'ai bien galéré dans Vah'Ruta, mais c'est parce que je suis débile). Mais le plus triste pour moi c'est de voir que les décors de ces donjons sont tous semblables (des plaques de métal avec des motifs vaguement ésotériques), ça fait manquer d'identité à ces bêtes une fois qu'on est à l'intérieur, alors que chacune a une thématique bien précise (feu, eau, vent, électricité).


J'ai également trouvé la mécanique des armes cassables assez sympa : elle force à varier les approches et à prévoir tout type de situations (garder une lance sur soi pour atteindre des ennemis avec une grosse portée par exemple). En revanche, pourquoi les armes des Prodiges (décrites comme quasi-divines) peuvent-elles également se casser ? Ca aurait quand même pas été du luxe de pouvoir conserver une arme incassable de chaque type (épée, lance, marteau, arc, bouclier), non ? Même la Master Sword, bien qu'incassable, a des restrictions qui empêchent de s'en servir contre tout et n'importe quoi !
Le système de combat est moins complet que dans Twilight Princess, mais la gestion des stats et surtout le bullet time viennent apporter un peu de fraîcheur à tout ça. Globalement, si les combats sont assez durs en début de jeu (le temps de s'habituer à ces nouvelles mécaniques et de dégoter de bonnes armes), leur mécanisme est bien huilée et on ne s'ennuie pas lorsqu'on doit affronter un groupe d'ennemis avec juste sa teub et son couteau.



A bout de souffle



Ce qui est assez frustrant avec ce 19ème épisode de la saga, c'est de voir une foultitude de petits défauts venir assombrir un jeu proche de la perfection. C'est encore plus rageant quand certains d'entre eux n'existaient pas (ou avaient déjà été résolus) dans les précédents épisodes.


Déjà, il s'agit à ma connaissance du seul jeu Zelda qui subisse des lags. En effet, dés que Link rentre dans une zone boisée, citadine ou aqueuse, les FPS sont réduits de moitié. Je ne suis pas spécialement sensible à ce genre de choses (eh, j'ai même fini Hyrule Warriors Legends sur Old 3DS), mais là ça fait vraiment mal aux yeux. On sent que la Wii U crache ses tripes et pourrait difficilement faire mieux, mais merde, 5 ans pour ça ?


Grosse nouveauté dans la saga : pour la toute première fois dans un épisode canon, des personnages sont doublés par des acteurs pour les besoins du scénario. Cerise sur le gâteau, Nintendo a décidé de réaliser un doublage différent dans chaque langue. Caca sur la cerise, le doublage en VF est d'une pauvreté affligeante : Zelda et Mipha lisent leur texte sans y mettre aucune émotion, le Roi a une voix nasillarde toute droit sortie d'un dessin animé des années 80 et Revali est doublé par Hervé Grull, aka Chris de Sonic X (!). Fort heureusement, une mise à jour est arrivée (2 mois après la sortie du jeu tout de même...) et permet de choisir la langue qu'on veut pour le doublage. Je vous recommande l'espagnol (sud-américain), une pépite pour les oreilles !


Cela dit, même un bon doublage ne parvient pas à gommer le principal problème dans tout ça : le scénario dans son ensemble est d'une pauvreté assez affligeante. Dommage car les trailers mettaient bien la hype, mais on se retrouve au final avec une trame à peine plus évoluée que celle de Zelda 1. On a bien quelques personnages avec une personnalité intéressante (Urbosa et Mipha en tête), mais ceux-ci n'apparaissent que quelques minutes à l'écran (je rappelle que le jeu a une durée de vie de facilement 100h).
Le parti-pris de ne pas proposer une narration trop envahissante est voulu (et carrément saluable quand on voit le désastre qu'était Skyward Sword à ce niveau), et l'idée de tout faire se dérouler via des flashbacks est pas mal du tout. Mais à quel moment je suis censé ressentir de l'empathie et de la tristesse quand on me dit "Daruk est mort" alors que le mec a littéralement aucune personnalité ?


Et pour finir la catégorie "je râle mais j'achète", c'est quoi le délire des développeurs avec la pluie ? Le jeu est basé sur l'escalade de murs (ce qui est GENIAL), mais on ne peut plus escalader aucune paroi dés qu'il pleut 2 gouttes ! On ne peut pas non plus faire un feu (qui permet de passer le temps à sa guise), et il n'existe aucun équipement permettant l'escalade par temps de pluie.
Je vous jure que la flotte, c'est vraiment un tue-l'amour dans ce jeu, d'autant qu'il pleut très souvent dans certaines zones du monde. C'est plus Breath of the Wild qu'il fallait l'appeler, mais Breizh of the Wild !
(blague approuvée par un comité d'experts, présidé par Kev Adams et Michel Leeb)



Le vent souffle



Une composante majeure des Zelda, c'est bien entendu la musique. On se rappelle bien sûr tous du Main Theme de Zelda 1, mais aussi de l'inquiétante mais entraînante mélodie du Monde des Ténèbres, du rythme enflammé de la Vallée Gerudo ou de la détresse qui émanait des Lamentations de Midona. Même les épisodes mineurs comportent leur lot de purs morceaux de bravoure.
Tout le monde attendait impatiemment de voir ce qui allait surgir du chapeau du compositeur de BotW. Un tel open-world ne pouvait qu'amener son lot de thèmes épiques !


...


C'est... Décevant ?
Les responsables de la musique du jeu ont décidé de mettre surtout des mélodies discrètes, dites "d'ambiance", pour ne pas gâcher le travail fait par les sound-designers sur les bruits d'herbe ou d'animaux par exemple.
Bon, ça se comprend, et les compositions sont loin d'être mauvaises, mais ça laisse une fâcheuse sensation de vide quoi.


Alors on croise par-ci par-là quelques remixes d'anciens thèmes qui réussissent à vous décrocher un sourire nostalgique, mais franchement je ne garderai pas un souvenir impérissable des musiques originales de BotW. L'accordéon d'Asarim, à la limite...
C'est d'autant plus dommage qu'aux rares endroits où les musiciens se sont lâchés, on a des musiques vraiment marquantes et qui accompagnent magnifiquement bien l'ambiance du lieu. Le thème du Château d'Hyrule est un cas d'école, et de loin la meilleure musique du jeu !


Il y avait aussi de chouettes musiques dans les deux trailers, mais la première est inutilisée (à ma connaissance) et la seconde n'est présente que dans les crédits de fin. On est à deux doigts de la publicité mensongère là, non ?
Donc ouais, c'est quand même une occasion manquée à mon sens. En tout cas, je souhaite bien du courage aux musiciens du prochain Smash Bros qui vont devoir s'arracher les cheveux pour faire des remixes qui colleront à l'ambiance d'un jeu de combat. Ce sera comme essayer de rendre épique la musique d'attente du téléphone de Pôle Emploi.



Le soufflé retombe



Si encore je n'ai aucun problème à relativiser les défauts cités dans les paragraphes précédents, j'ai quand même un gros reproche à faire au jeu. Ou plutôt, aux têtes pensantes de Nintendo, qui ont sabordé la sortie de ce Zelda sur sa console d'origine, la Wii U.
Déjà, on sait que le jeu était quasiment fini en avril 2016, lorsqu'il a été repoussé de presque 1 an pour coïncider avec le lancement de la Switch. L'objectif de Kimishima, président depuis un peu moins d'un an à l'époque, était à l'évidence de garder une grosse cartouche pour que la nouvelle console fasse un carton (parce que c'est clair que c'était pas 1-2-Switch qui serait la killer-app de la console). Et le respect pour ceux qui ont acheté une Wii U et qui attendaient impatiemment ce jeu depuis 4 ans ? Pouf, aux oubliettes !


Et si je peux supporter un report, je suis déjà moins jouasse quand des fonctionnalités complètes sont amputées pour ne pas handicaper la "nouvelle version". Vous vous rappelez de la vidéo de gameplay de Noël 2014 où on voyait la carte en permanence sur le Gamepad et où on pouvait placer des balises en appuyant simplement dessus ? Et ben pouf, envolée !
Selon Aonuma, ça a été supprimé parce que "c'était trop compliqué pour les joueurs de passer d'un écran à l'autre". Oui, et mon cul, c'est de la cocotte ?
Autant j'admets que dans un jeu d'action à la StarFox Zero qui t'oblige constamment à passer d'un écran à l'autre c'est relou, mais vous aviez déjà résolu le problème dans Zelda ! Les remakes de TWW et TP permettaient de gérer son inventaire et la carte sur le Gamepad, et tout le monde a acclamé cette feature parce que c'était plus rapide et intuitif que d'avoir à faire Pause. Quitte à employer des méthodes de mafieux pour vendre votre console trop chère pour ce qu'elle est, assumez au moins jusqu'au bout !
Du coup, à quoi sert le Gamepad ? A rien. Le toucher ne sert qu'à afficher l'écran du jeu dessus afin de libérer la télé (chose déjà possible dans les remakes, soit-dit en passant). On attend 5 ans un jeu sur une console qui bide, et on se sent récompensés...


Bon, et le coup des DLC annoncés avant la sortie du jeu, y'a 5 ans tout le monde aurait gueulé, aujourd'hui c'est une pratique normale. Drôle d'époque.
Tiens d'ailleurs, vous avez remarqué que la première fois que vous finissez le jeu, l'option sélectionnée par défaut sur l'écran du menu c'est "Acheter l'Expansion Pass" ?



Souffler sur les braises



Breath of the Wild est un grand jeu. Malgré tous ses petits détails qui tapent à côté et la politique dégueulasse de Nintendo, je pense sincèrement que n'importe qui pourra prendre du plaisir en parcourant les plaines de ce Hyrule dévasté et en recomposant le puzzle du passé de Link. Seulement voilà, il n'est pas parfait, et l'accumulation de petites merdouilles m'empêchent de lui mettre la note maximale.
Quoiqu'il en soit, beaucoup de quêtes et de secrets vous attendent, et vous aurez bien besoin des 5 prochaines années pour tout découvrir !


(critique du DLC à venir)

Sonicvic
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs jeux Zelda, Les meilleurs jeux de la Wii U, Les meilleurs jeux vidéo de 2017 et Une année, un jeu

Créée

le 21 mars 2017

Critique lue 358 fois

1 j'aime

1 commentaire

Sonicvic

Écrit par

Critique lue 358 fois

1
1

D'autres avis sur The Legend of Zelda: Breath of the Wild

The Legend of Zelda: Breath of the Wild
Moizi
9

Le plein de super

Dès les premières secondes où l'on a le contrôle de Link, c'est la claque. Je n'étais pas sûr de prendre la Switch quelques jours encore avant sa sortie, mais j'apprécie les licences Nintendo,...

le 14 mars 2017

78 j'aime

8

The Legend of Zelda: Breath of the Wild
Cronos
10

Rubis sur canapé

Il est difficile de débuter une critique de Zelda : BOTW tant le jeu est gargantuesque. De la même manière que Link se réveillant au début de l’aventure après un sommeil de 100 ans, le joueur doit...

le 10 avr. 2017

58 j'aime

4

Du même critique

Pokémon
Sonicvic
5

Dilemme, depuis 1997

Pokémon est une série qu'il est très complexe de juger. 5 arcs différents, 6 régions, 19 saisons au compteur et plus de 700 épisodes en font un des animés les plus longs de l'histoire (voire LE plus...

le 13 oct. 2016

22 j'aime

7

Pokémon : Détective Pikachu
Sonicvic
5

Détective Piklichés

5 avril 2000. Une génération entière de jeunes enfants au cerveau formaté par TF1 regarde dans la même direction, celle de l'écran de cinéma de leur quartier. Devant leurs yeux, leur héros Sacha...

le 5 mai 2019

14 j'aime

Sonic Forces
Sonicvic
4

"Sonic is gone, Amy."

S'il est un jeu qui pourra se vanter de m'avoir fait passer un roller-coaster d'émotions entre son annonce et sa sortie, c'est bien ce Sonic Forces. Initialement sceptique à cause du retour de...

le 1 janv. 2018

13 j'aime

3