Contexte au moment de l'écriture de cette critique :
J'ai fait ce jeu pour la première à sa sortie en 2000 alors que j'avais 10 ans. Je l'ai refait au moins 4 fois depuis.
The Legend of Zelda Majora's Mask a pendant longtemps été le Zelda que j'aimais le moins. En effet, faire ce jeu à 10 ans n'est peut-être pas la meilleure idée. Car il est extrêmement déstabilisant. J'avais fait tous les autres Zelda sortis à ce moment-là et hormis la réutilisation des assets d'Ocarina of Time, il n'a rien à voir avec les autres. C'est un Zelda différent en tout point des autres.
Mais alors en quoi ses différences en font un des tous meilleurs jeux de la saga ?
Tout d'abord commençons par le plus évident : Le temps qui passe et ce compte à rebours permanent de 3 jours. Rajouter une dimension temporelle au jeu était pour moi une source de stress permanente quand j'étais enfant. Mais plus je refaisais le jeu plus je me rendais compte à quel point cet ajout apportait tout le charme et la grandeur du jeu : un monde très vivant et plus réaliste, la possibilité d'avoir des quêtes secondaires plus élaborées, une angoisse permanente qui va bien avec l'histoire et un enrichissement du gameplay. Le tout sans que finalement ce soit trop contraignant (il suffit de jouer le chant du temps inversé ou encore de remonter à l'aube du premier jour avant de faire un donjon et normalement il ne devrait y avoir aucun souci).
Ensuite, les quêtes secondaires : elles sont absolument omniprésentes dans le jeu et relativement indispensables pour bien comprendre l'univers (et aussi ne pas être trop "sous-levellé"). En effet, l'intérêt du jeu repose en grande partie sur la découverte de Termina et de ce que font ses habitants pendant les 3 jours avant la fin du monde (dont ils n'ont pas conscience pour la plupart notamment le 1er jour). Le jeu n'ayant que 4 donjons, il y a donc 52 quarts de coeur à trouver (ce qui est énorme). Sans faire quelques secondaires vous pouvez très vite vous retrouver à faire le 3ème donjon qui est l'un des plus difficile avec 7 coeurs (c'était mon cas à 10 ans). Ces quêtes sont pour certaines extrêmement bien construite (la fameuse quête des amoureux), d'autres sont beaucoup plus simples mais elles apportent toutes au "lore" et à l'univers.
Autre différence, qui est pour moi la plus importante du jeu : L'ambiance. On a déjà tous évoqué le fait que c'était le Zelda le plus sombre et ce n'est pas pour rien. Le jeu a beau être très coloré, son ambiance est très différente. La mélancolie est présente toujours en fond, l'angoisse également ce qui est d'ailleurs magistralement retranscrite dans le thème de bourg clocher qui change légèrement chaque jour pour montrer l'humeur des habitants. Le premier jour la musique y est plutôt joyeuse, le second jour, la musique devient plus inquiétante alors que le troisième jour, elle transcrit une certaine panique à l'approche de la fin du monde. Les environnements sont également moins chaleureux qu'habituellement dans la saga (marais empoisonné, montagne enneigé austère, vaste océan et un canyon plein d'esprits. Mais surtout ce qui rend le jeu si sombre, c'est l'omniprésence de la mort qui est absolument partout dans le jeu. De manière évidente avec la fin du monde qui approche mais également de manière plus "crue" pendant l'histoire. Il y a même un personnage qui meurt sous nos yeux sans que l'on puisse y faire quoique ce soit, nos masques principaux sont des masques de personnages mort, et la dernière zone du jeu est littéralement un royaume des morts entre les squelettes, les momies et les esprits qui sont partout et qui n'arrivent pas à quitter ce monde.
Enfin l'histoire et les thèmes abordés (on y voit clairement la patte de Koizumi dans le développement) : ici pas de Hyrule, de Zelda ou de Ganondorf. Place au monde de Termina (dont le nom est évocateur) et à un antagoniste qui est un masque au pouvoir malfaisant (dis comme ça, cela peut paraitre un peu ridicule mais c'est au contraire très bien fait). Le symbolisme utilisé dans le jeu et la lecture entre les lignes qu'il est plus évident de comprendre une fois adulte nous permettent de voir que ce Zelda est un jeu sur la perte au sens générale du terme. Perte d'un être cher par sa mort mais pas seulement, on voit également la perte d'une amitié via la prise d'un chemin différent etc. Les parallèles sont nombreux dans le jeu : celui entre les 5 zones du jeu et les 5 étapes du deuil théorisées Kübler-Ross est très troublant (déni, colère, marchandage, dépression, acceptation) et encore le 4ème donjon avec le paradis et l'enfer. Tout cela pour dire que la lecture entre les lignes du jeu, rend son histoire d'une richesse jamais atteinte encore à l'heure actuelle dans un Zelda et il est d'ailleurs assez intéressant de voir que le jeu, malgré son côté sombre tout au long de l'aventure se termine avec l'une des plus grandes notes d'espoir et un message bienveillant sur la perte "Quand il y a une rencontre, il y a forcément une séparation, mais une séparation ne dure pas éternellement... C'est le grand cycle de la vie... Elle peut être courte ou longue... C'est à toi de voir...".
Alors bien sûr, ce Zelda n'est pas exempt de tous défauts et je me dois de les évoquer pour compléter ma critique :
- Seulement 4 donjons dû aux contraintes de temps de développement. Je ne les aime pas tous mais il faut reconnaître qu'ils ont tous un level design assez dingue, et surtout le 4ème est encore pour moi le meilleur donjon de tous les Zelda.
- Un équilibrage de la difficulté pas toujours très bien géré (le dernier boss très facile par exemple)
- Quelques passages assez oubliables comme le puit à Ikana
- Beaucoup de masques à récupérer ont un intérêt très limité (globalement avoir un quart de coeur)
Ce Zelda est le plus différent de la saga. Ces différences en font en réalité l'un des Zelda les moins accessibles à un nouveau venu ou même à un jeune enfant qui n'aura probablement pas toutes les clés pour profiter de l'aventure au maximum. Pour en profiter pleinement je dirais qu'il faut un minimum de maturité et avoir fait précédemment Ocarina of Time pour avoir le contexte initial et avoir déjà assimiler le gameplay de Link qui est peu expliqué dans ce jeu.
Mais avec ces prérequis ce jeu devient bien plus qu'un simple jeu-vidéo. C'est une merveille. Une véritable leçon de vie.