Mort de la compétition, acte 114

Dans le jeu "indé" - ou plutôt à petit et moyen budget -, les jeux pour casus peuvent s'épanouir en toute liberté, loin des considérations gros-kikiesques des hardcore gamers, ou plutôt de ceux qui s'en revendiquent. Du coup, de très bonnes surprises arrivent. Un peu faisandée, la surprise, certes, puisqu'il ne s'agit que d'un produit dérivé d'une grosse franchise, un de plus. Mais c'est ce qu'il contient qui fait le sel.
De l'émotion. Pure. Par la bande-son, les musiques extradiégétiques, les expressions faciales, les joutes verbales, mais surtout par la lenteur et le cadrage dirigiste, qui en font une sorte de film interactif, une histoire dont vous êtes le héros, tant les prises de décision dans l'urgence (réponses multiples, actions multiples) peuvent parfois être cornéliennes. Et comme dirait la poule qui chante, on s'attache, chose rare dans le jeu vidéo. Faut peut-être pas, mais on s'attache. À la gamine, qu'on va tout le temps voir même si elle n'a rien à nous dire de plus ; à la journaliste, qu'on trouve mignonne, frêle, et qu'on a envie de mieux connaître et de rassurer.

Le jeu est dans l'esprit des point'n'click à l'ancienne, où il faut interagir avec le décor pour débloquer les situations ; mais aussi dans l'esprit d'un rail shooter, où il n'y a souvent pas 36 000 chemins ; et même de l'infiltration, quand on doit se frayer un chemin en évitant de se faire repérer...
Il faut donc oublier le TPS ou le FPS, le contrôle total et standardisé du personnage, pour accepter une certaine linéarité, au profit de la "maturité". Tout ça permet de mieux recentrer le joueur sur l'histoire, qui pour une fois se sent pleinement impliqué dedans. Sûrement parce qu'il en a déjà eu vent par le comics + la série, qui ne font que renforcer le background et poser des points de comparaison. Mais à l'inverse de ce qui se fait habituellement, y'a pas à mégoter en se disant ici que l'histoire ne sert qu'à appuyer un gameplay tonitruant ou à aérer les phases de jeu, car le gameplay en lui-même ne vaut pas grand-chose. Le scénario a été conçu comme la clé de voute, et ça se sent.

Alors c'est vrai, dans le fond, ce n'est pas bien original, le cel-shading un peu scintillant (sur PS3) fait un peu mal aux yeux sur un écran HD, mais le jeu est suffisamment bien rythmé pour faire alterner phase d'attachement par la narration de l'histoire des personnages et phase de stress pour la survie de ces mêmes personnages. C'est cette tension élastique qui fait toute la saveur du jeu. Dans la culture geek mainstream, il faut croire que la course à la plus grosse peut aussi laisser la place à la prise de recul sur le minimalisme de la condition humaine. On peut donc dire que de ce côté là c'est plutôt fidèle au comics.