Thomas Was Alone ne paie vraiment pas de mine. Voyez plutôt : un énième jeu de plateforme, au style poussant le minimalisme tellement loin qu'il fait d'angles droits des décors, et de simples rectangles de véritables personnages. DES. REC. TANGLES. Pourquoi diable devrions-nous laisser sa chance à une telle absence de créativité, digne d'une game jam codée à l'arrache et sans âme ?


Et pourtant.


En premier lieu, rappelons que naître dans une Game Jam n'est pas une fatalité en soi (des perles telles que Celeste ou SuperHot ont vu leurs premiers pixels apparaître ainsi). Bon, je ne dis pas que TWA est né dans une game jam (c'est faux) mais notons tout de même qu'il fut à l'origine un jeu pour navigateur, ce qui n'est franchement pas beaucoup plus reluisant à mes yeux.


Et pourtant.


Une idée n'a-t-elle que faire de son lieu de naissance ? Une idée n'a-t-elle que faire de la technique ? De la DA ? Du RTX et des teraflops ? Baba is You vous salue bien bas.


Bref toujours est-il que pour une raison que j'ignore, j'ai un jour lancé ce jeu. Etait-ce à cause de ce titre mystérieux ? Ou bien des copains que je voyais y jouer ? Après tout, c'était un petit jeu, je ne risquais pas grand chose à le lancer.
Et effectivement, ayant bouclé le 100% en 5 heures, le peux le dire : le jeu est en effet relativement court. D'autant plus qu'au delà de sa durée de vie limitée, il est surtout court car on ne voit pas le temps passer. Eh oui. L'on découvre vite que le visuel épuré, en plus d'être plus stylé que prévu, fait office en réalité (et c'est assez rare pour être souligné) de véritable terreau visant à faire germer et stimuler l'imagination du joueur. Accueilli par un narrateur fort investi dans son rôle, nous découvrons ainsi que le rectangle que nous incarnons est le fameux Thomas. Et qu'il était seul.


Apparu de rien, voguant vers un but aussi obscur qu'inconnu (en a-t-il seulement un ?), il ne nous est guère laissé plus de choix que d'avancer et, histoire de tromper la solitude, de prêter l'oreille à ce fameux narrateur, véritable personnage à part entière s'inscrivant dans cette mouvance des narrateurs forts, à la fois héritier de son homologue de Bastion et précurseur du mémorable conteur de The Stanley Parable qui verra le jour un an plus tard. Je veux dire, il faut quand même être doté d'un talent certain d'orateur pour réussir le tour de force de rendre intrigant puis passionnant le récit d'un petit rectangle qui se balade sur un fond noir.


Comme le laisse présager le titre (chaque mot est important, dans un titre), Thomas ETAIT seul. Entendez par là qu'il se fera bientôt rejoindre par Chris le petit carré, John le long rectangle, Claire le gros carré, Laura le rectangle horizontal et j'en passe.


Ayant le bon goût de mêler intimement jouabilité et scénario, la première partie du jeu nous propose de faire la connaissance tant de cette fine équipe que des commandes de base. Ainsi se rend-on compte que chacun est développé, tant dans sa psychologie que dans son gameplay, intrinsèquement liés.
Thomas le normal, en tant que jeune éveillé, se révèle être jovial et curieux.
Chris est petit, il fait donc des petits sauts. Surement frustré par ses limitations, il en deviendra jaloux, colérique et cynique. Il veut bien aider ses camarades d'infortune en passant par les petits trous, mais c'est bien parce qu'il ne peut faire autrement s'il ne veut pas rester bêtement bloqué dans une zone.
John est grand, saute super haut et s'avachit donc dans sa frime et sa condescendance.
Claire la baraquée qui flotte, voit en ce pouvoir unique la preuve qui fait d'elle une super héroïne.
Laura la plate qui sert de trampoline, manquera donc hélas de confiance en elle, à force de se faire piétiner toute la journée par autrui...
Et ainsi de suite.


Bref tout un microcosme qui, non content de se trouver un but dans une seconde partie (la Fontaine de Sagesse !), verra se tisser en son sein un copieux réseau relationnel, pétri de songes et de mensonges, d'histoires de coeurs et de rancoeurs, de liens d'amitiés et d'animosités...
Quant à la quête de ce joyeux groupe, elle n'est pas en reste avec ses moult mystères, révélations, coups de théâtre et même ses sacrifices ! Qu'est-ce donc que cette étiquette d'IA que collent les autres à Thomas ? Quelle est la nature de ce nuage menaçant qui suit Laura partout ? Pardon ? Un antivi-quoi ? Du coup, Laura est-elle le problème ? Faut-il s'en méfier ? Et cette fameuse Fontaine de Sagesse alors, pourquoi des voix sorties d'on ne sait où l'appellent autrement ? Inter-quoi ? Quant à cette mystique 3e dimension qui semble tant obséder Sarah, est-ce une réalité à prendre en compte ou une simple lubie issue d'un esprit dérangé ?


Et c'est ainsi que nos petites formes géométriques nous questionnent sur des sujets aussi vastes que la conscience, la perception de notre monde, la réflexion des origines, le tout porté par des références aussi variées que peuvent l'être Star Wars, Portal ou Matrix. Le tout saupoudré d'un petit aspect méta des plus savoureux.


Ce second acte aura la chic idée de faire une fois de plus évoluer son gamelay en parallèle de son histoire et de ses nouveaux protagonistes (inversion de gravité, conversions, jetpacks...), pour un résultat riche et prenant.


Un résultat riche et prenant. Pour un jeu de plateforme basique et minimaliste. Comment diable en est-on arrivé là ?


Vous l'aurez compris, TWA fut une chouette surprise. Allez j'en ai peut-être fait des caisses, le jeu ne va certainement pas changer votre vie, mais sa jouabilité élégante et sa narration travaillée parviendront sans aucun doute à vous faire passer un dimanche après-midi pluvieux de la plus belle des manières, du haut de ses 4 à 5h nécessaires pour boucler l'histoire et obtenir le 100%.


Et surtout n'oubliez jamais : grâce à vous, Thomas ne sera plus jamais seul.

Kaiser-Panda
7
Écrit par

Créée

le 2 janv. 2022

Critique lue 10 fois

Kaiser-Panda

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