Verdun
6.3
Verdun

Jeu de BlackMill Games et M2H (2013PC)

La foire à la viande, une nouvelle boucherie !

Un FPS sur la Guerre 14, la Grande Guerre, la Der des Ders, des années que j'en rêve et que j'attends. Des années que je m'imagine monter à l'assaut sous la mitraille, armé d'un casse-tête ou d'une pelle affûtée et d'un chapelet de grenades, pour aller éventrer le mal rasé d'en face. Et v'la-t'y pas qu'enfin, en plein centenaire des hostilités, qu'il y en a un qui pointe le bout de sa baïonnette. Enfin deux pour dire la vérité, mais Verdun est le premier et c'est lui qui nous intéresse.


Il porte bien son nom ce jeu d'ailleurs, Verdun. Sacré boucherie c'te bataille, la viande a saigné comme il faut là-bas en 1916. La terre de la Meuse, bien labourée, a été graissée pour des générations. On a rarement fait mieux dans le genre. Le grand nettoyage de la jeunesse, l'épuration de masse par le métal et par le feu, l'apothéose du génie militaire. Bravo mon général !
Comme je le disais, il porte bien son nom ce jeu, il est un peu comme le célèbre carnage en définitif, une boucherie... Pourtant, putain que je voudrais l'aimer. Je voudrais me vautrer dedans et vider sans discontinuer mes clips de 8mm Mauser sur la gueule des chasseurs-alpins avec leur béret à la con. Ou coller un coup de Rosalie dans la bidoche du Pruscos d'en face en priant pour que son kamarad me plante pas son couteau de chasse dans le bas du dos.
Le tout ébranlé par des explosions venant de tout côté, les cris d'agonie de mes confrères dans la mort et le sifflement continue des balles et shrapnels qui cherchent sans relâche à me transpercer la couenne. Et avec ça monsieur, quelques kilos d'abats ? Pourquoi pas mon brave.


Mais non, c'est une petite boucherie, un jeu mal fini par des dévs indépendants, spécialisés dans le jeu casu web et mobile... Des dévs qui, à tout croire sans connaissance pour le genre, veulent pondre un FPS hardcore historique. Saluons l'effort !
Je pourrais m'étendre sur la pauvreté visuelle du jeu, tant sur la modélisation que sur les textures et shaders. Je ne parlerai même de l'interface imbitable, ni du matchmaking à la ramasse. Des points qui, somme toute, ne sont qu'esthétiques et ergonomiques et que j'aurai pardonné avec mansuétude si le gameplay et l'ambiance avaient été à l'avenant.


Or, disons-le de suite, ni le gameplay, ni l'ambiance ne relèvent la médiocrité de l'emballage.
Il a pourtant quelques atouts pour lui, faut que je sois honnête. Malgré le peu de maps, quelques unes sont de qualité, avec des positions variées, un maelström suffisant de barbelés, tranchées, avant-postes, trous d'obus et épaves pour se planquer, avancer à couvert et tenter de flanker l'ennemi.
Les fusils à verrou, armes principales du fantassin, ont un bon feeling. Ils sont puissants, précis et chaque flingue possède ses caractéristiques. Le Lebel offre le plus grand magasin, mais celui-ci est tubulaire. Il faut donc recharger ses huit balles une à une. Le G98 quant à lui gagne en rapidité de réapprovisionnement avec ses clips de cinq cartouches. Le petit mousqueton Berthier, malgré son petit clip de trois balles possède le réarmement de la culasse le plus rapide et nous permet de faire mouche trois fois de suite en un très court laps de temps. Ces quelques armes sont, à mon sens, le point le mieux réussi du jeu. Peut-être le seul.


Seulement voilà, deux ou trois cartes et trois fusils ne suffisent pas à offrir une expérience digne de ce nom. Rien que pour les cartes, sur le peu de serveurs dispo, je ne tombe que sur les deux mêmes 90% du temps... Et pas forcément les mieux pensées. C'est le syndrome de_dust2 quelque part.
Les fusils à verrou sont chouettes, il est vrai. Il n'en va pas de même pour le reste de l'arsenal.
Une mitrailleuse Maxim chez les prussiens, un fusil mitrailleur Chauchat pour les français, les grenades et la baïonnette en dotation pour chaque camp et c'est marre. Ça va pas péter loin pour le moment mais, je ne l'ai pas encore mentionné, le jeu est en bêta. Dommage tout de même, l'impasse a été faite sur le corps et à corps et l'arsenal digne du moyen-âge qui était en cours à l'époque. Sans parler de l'artillerie de tranchée, des lance-flammes et des attaques au gaz.
Le Chauchat est une vraie merde, mais il l'était en vrai aussi au vu des témoignages de l'époque. Soyons sympa et disons que ça colle à la véracité historique. La Maxim s'en sort un peu mieux même si ils l'ont affublé d'une cadence d'asthmatique. Où est la machine à coudre qui a décimé par milliers les pauvres français en pantalon garance en Août 14 ?
Mais alors, les grenades et les baïonnettes sont une plaie. La faute à une lourdeur et à une rigidité du personnage qui ne devraient plus avoir lieu d'être en 2014. Sans déc, on se ballade avec un balais dans le cul et une latence dans l'animation qui font que le lancé de patates et l'embrochage de poilu sont assez aléatoires.


Ce qui est un peu con, parce que, à bien y penser, les grenadiers c'étaient un peu le fer de lance lors de l'assaut. Ceux qui nettoyaient les tranchées et nids de mitrailleuses adverses pour permettre aux copains de continuer d'avancer en se prenant (un peu) moins de plomb dans les gencives.
Seulement voilà, la maniabilité de tétraplégique fait que la classe grenadier est bien souvent non utilisée. Parce que ouais, parlons un peu du système de classes et d'escouades.


Pour rejoindre une partie, on se rend dans le matchmaking du jeu et on ne choisit non pas son serveur mais une escouade. Ces escouades sont composées de quatre classes : un caporal (toujours) puis, au choix, un tireur de précision, un mitrailleur, un fusilier, un observateur et un grenadier. Selon le corps d'armée que l'on rejoint (infanterie ou chasseur alpin pour chaque belligérant) la composition de l'escouade change.
Donc pour rejoindre une partie, on a un petit browser qui liste lesdites escouades existantes dans lesquelles nous pouvons choisir la classe voulue.
Les classes sont prévues pour être complémentaires et pour jouer en coopération. La caporal ne dispose que d'un pistolet et d'une paire de jumelles lui permettant d'appeler un tir de mortier ou une reconnaissance aérienne du terrain et d'indiquer un point d'attaque. Le mortier et la reco ayant un délai d'attente pour se recharger.
Ensuite les soldats doivent compter sur les compétences d'appuis ou d'assauts des uns et des autres pour renverser l'ennemi. En pratique l'idée est bonne sans être novatrice et les joueurs peuvent créer eux-mêmes les escouades pour pouvoir jouer avec des amis.


Sauf que, dans les fait, certaines classes sont peu jouées. Il arrivent de tomber sur des serveurs ou personne ne prend le rôle de caporal ou de grenadier, privant ainsi les équipes des quelques maigres options tactiques qui leur sont offertes.
De même, le matchmaking fait qu'on rejoint un serveur seulement parce que seul celui-ci permettait de jouer la classe que l'on désirait ou seulement parce qu'il était le seul à avoir encore un slot de libre dans une squad. Ce qui est bien dommage, puisqu'à l'avance on ne sait pas quel sera le ping du serv, ni combien de joueurs tentent de s'entre-tuer gaiement dessus. Il arrive de fait d'arriver sur des parties désertes ou accusant un lag monumental.


Malgré tout ça, on est finalement dans une partie, allons s'étriper en chœurs. Une fois sa classe choisie, si l'on désire changer, ce sera au bon vouloir de son camarade de squad. Il est possible de lui demander d'intervertir mais rien ne l'oblige. Si vous commencez Capo et que vous en avez marre de jouer avec un Lüger et que votre coéquipier vous renvoie chier pour vous donner son Mauser, faut changer de serveur.


Mais là c'est cool, j'ai un Lebel, je vais pouvoir monter à l'assaut en criant Vive Pétain ! Je m'élance pour grimper le parapet de la tranchée et fondre vers l'ennemi ! Ah non... Mon fantassin saccade contre l'échelle en bois accolée au remblais. Bordel j'ai la polio à croire, je peux pas grimper ce maudit truc. Bon je vais sauter les sacs de sable de la position de tir qui est à côté. Ah mais vérole ! Là non plus j'y arrive pas. Salaud de soldat aux genoux ankylosés. Qu'entends-je ? Les genoux de mon soldat vont bien. J'en suis heureux très cher. Ce seraient les dévs qui ne savent pas faire de collisions ? Effectivement, tout à leur maîtrise d'un moteur temps réel, ils ont passé le décor complet en collider. Du coup mon perso s'accroche à chaque barreau de l'échelle et à chaque polygone des sacs de sable. Joie et allégresse...


Tiens, c'est bon, j'ai sauté le parapet après avoir bien forcé !


C'est fait, je cours maintenant droit devant moi. Un trou d'obus, je saute dedans et évite ainsi une grêle de balles sortant de la Maxim située sur le flanc droit.
Dans son élan, le mitrailleur adverse fait une belle couture dans la panse du grenadier qui était à mes côtés. J'en profite, je me redresse, m'agenouille, épaule mon nougat et loge une bastos en plein front du servant. Crénom, ce fusil tire droit ! Le danger momentanément écarté je continue ma course. On les aura !
Pas encore me dit le jeu. Un compte à rebours a commencé on m'ordonne la retraite. Comment ça demi-tour ? Je venais de poser le pied dans la tranchée boche en poinçonnant au passage un Alpenkorp avec Rosalie.
Avosord'mona'judent, retour à la tranchée de départ, j'ai trente secondes pour revenir. Je cours de nouveau, j'avise le képi de l'officemard de mon escouade, j'arrive caporal de mes amours, tu n'es qu'à dix mètres de moi. Pim, désolé, je meure et m'effondre dans la bouillasse. Fusillé pour désertion. A ça les salauds ! Ils ont demandé à Nivelle de coder le jeu !


Que s'est-il passé ?
C'est le mode de jeu qui vaut ça. Le seul véritable (le second étant un FFA fusils only) qui impose à tour de rôle des périodes d'assaut et de défense.
Tu as pris pied avec un pote dans la tranchée adverse mais il ne reste que deux secondes au chrono pour la période assaut ? C'est bien, mais tu dois faire demi tour chez toi pour défendre. Si tu es pas rentré à temps tu meures. Bien sûr, tu as à peine le temps de demi-tourer si tu es arrivé dans le camp adverse...
C'est très rigide comme mode de jeu, mais ça donne par contre un sentiment de ligne de front ininterrompu. Tu te dis alors que quand tu prends une tranchée adverse, comme en 16, tu continues la percée pour aller prendre les secondes voir troisièmes lignes de l'ennemi. Que non, une fois le boyau prit, même si il reste plusieurs minutes au compteur il faut défendre et c'est la contre-attaque adverse. Figeons l'élan mes braves et mourrons sur place !
Il arrive souvent que des parties se résument à jouer sur les premières lignes de chaque camp sans jamais exploiter le reste de la map et sans qu'aucune équipe ne prenne le dessus.


Je continue un peu ma partie. On se bat beaucoup de loin finalement.
Je défends à présent et je vois à 150 mètres les allemands sortir de leur tranchée creusée en haut d'une crête. Bien, j'en aligne une brochette facilement. Les armes sont létales, le Lebel tue quasiment à chaque balle. Pour le mousqueton, à distance, il en faut parfois deux.
Une accalmie, les mecs d'en face en ont marre de se prendre des pruneaux et campent sur leur position. C'est très intéressant. On échange quelques coups de fusil d'ici de là et c'est tout. J'en profite pour mater mes compagnons de tranchée.
Sont pas beaux à voir. Outre leur modélisation, leurs animations sont plus que désuètes. On dirait du CS 1.6. Par contre, je ne comprend pas, on est à Verdun en 1916 et une partie des mecs ont la tenue d'Août 14 ; alors que d'autres portent bien la capote et le casque Adrian.
Il y a un système de leveling pour son soldat, j'imagine que la tenue est due à son niveau. Ah non, le mec à ma droite est level 25 et il est en pantalon rouge tandis que le caporal à ma gauche est niveau 6, et lui, il a une gueule de poilu de 1916.
Je capte, en fait, le soldat grimpe de niveau mais les escouades aussi. Plus une escouade monte, plus les uniformes des soldats évoluent. De même, des perks d'escouades se débloquent, permettant par exemple de tuer sûr en un coup, d'être plus endurant ou indétectable par l'ennemi.
Le jeu oblige donc à jouer dans la même squad et dans la durée pour gagner des bonus. Enfin sur le papier parce qu'in-game je ne vois pas trop de différences.
Les armes tuent majoritairement en un coup, à conditions de viser torse et tête. Les cartes sont symétriques et il n'y a pas vraiment de matériel ou de position qui favorisent l'un des deux camps. La reconnaissance je ne vois pas trop à quoi elle sert, donc je me fous un peu de mon « invisibilité » sur la minimap. A vrai dire, sans aucune doc dans le menu du jeu, je ne sais pas trop ce que je peux débloquer pour ma pomme et pour mon escouade.


Dommage, ce n'est pas ça qui me fera passer des centaines d'heures sur le jeu. Il y avait un potentiel, gâché en grande partie par une inexpérience des deux petits studios qui ont développé le jeu et un manque de moyens certain. Je n'ai pas relevé non plus le fait de crever éventré si on passe trop près d'un barbelé ni que chaque patch (journalier en ce moment) rajoute un lag phénoménale sur les parties.
Je salue tout de même l'effort d'offrir un FPS sur une période délaissée et qui me rappelle parfois dans son gameplay les longues heures passées sur COD 2 en rifle only.


EDIT : Depuis l'écriture de cette critique le jeu a évolué. De nouvelles maps ont fait leur apparition et son assez intéressantes. Le plus gros du changement vient ensuite au niveau du contenu, avec l'arrivée de nouvelles factions (du côté de l'Axe, mais aussi des britanniques et des canadiens) et d'un arsenal plus varié.


On se rapproche déjà beaucoup plus de la réalité du conflit. Les casses-têtes sont de la partie, ainsi que les gaz et les masques qui vont avec. Il faut tester, c'est tout de même marrant de se retrouver perdu dans une tranchée pleine de gaz, sans visibilité et avec le groin et ses deux moreaux de verre cerclés qui n'arrange rien du tout.


Les escouades ont elles aussi été un peu remaniées, avec l'ajout de classes de nettoyeur de tranchée. Armée d'une arme de poing et d'une arme blanche, à vous de tenter de franchir le No man's land sous la mitraille afin de vider vos barillets de Webley Mk IV dans de la bidoche teutonne.


Malheureusement, les gros défauts de maniabilité et d'ergonomie pointés plus haut sont toujours d'actualité. Il est toujours pénible de progresser dans la map avec un soldat si peu souple dans un décor aussi rigide.


Un jeu qui cumule trop de défauts pour y jouer intensément à mon sens, mais qui reste sympathique pour se défouler lors de courtes sessions.

kentin
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le 9 févr. 2014

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kentin

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