Dawn of War III s'annonçait comme un exercice difficile pour ses auteurs, en raison des partis pris sur les deux premiers opus de la franchise, chacun très différents. Ainsi, après un premier Dawn of War en forme de jeu de stratégie en temps réel très conventionnel, mais aussi très apprécié, Relic Entertainment avait changé complètement de direction sur le deuxième épisode, avec une campagne beaucoup plus tactique, sans construction, centrée sur quelques poignées de Space Marines, tandis que l'absence de construction avait été importée dans le mode multijoueur, centré sur le contrôle de points sur la carte. Autant dire qu'une suite à ces deux jeux complètement différents tenait de l'exercice d'équilibriste. Et plutôt que de prendre le parti d'une des deux directions ou d'explorer de toutes nouvelles idées, le studio a cherché à trouver cet équilibre.


Le premier résultat se voit dans la campagne solo, qui alterne entre phases de commandement d'un héros accompagné de quelques troupes et phases plus classiques de construction de base et d'unités pour vaincre l'adversaire. Ce mélange aurait pu fonctionner, mais malheureusement, la conception des missions rend le résultat très inégal. Ainsi, trop souvent, la première phase se limite à faire avancer son héros dans un chemin tracé et contraint en éliminant les ennemis sur son passage, activité quasiment sans intérêt, tandis que la seconde phase se caractérise par une attente souvent interminable.


Car le caractère extrêmement scripté du jeu le rend totalement imprévisible, et invite donc à prendre ses précautions. Le joueur attentif devine rapidement quelles actions déclenchent les scripts, observe qu'il peut se développer sans interférences tant qu'il ne les a pas déclenchés, et donc construit et améliore à fond une armée complète avant de prendre l'initiative, car échaudé par certaines missions, il se doute que c'est nécessaire. Or, tout cela se paye en exploitant des points de ressources en nombre limité qui produisent à un rythme maximal fixe. Et donc on se retrouve à attendre patiemment de voir les jauges monter pour déclencher la production ou les améliorations, au point parfois d'avoir besoin d'une autre distraction, ce qui est un comble pour un jeu grand public de ce type. A l'inverse, une fois les batailles lancées, leur rythme est très rapide et la combinaison des armes adverses peut mener à perdre toute une armée en quelques dizaines de secondes. C'est d'autant plus frustrant que Dawn of War III est riche en possibilités de microgestion, avec des unités variées disposant souvent d'une capacité spéciale, et surtout jusqu'à trois héros simultanément sur la carte. Mais à moins de jouer en ligne à un bon niveau à des jeux de ce type, on passera à coté de cela, faute de pouvoir gérer les unités assez vite.


La campagne a donc un rythme complètement improbable, allant du très correct avec des missions réellement intéressantes et bien conçues, au complètement pachydermique dans d'autres. Et parfois, on peut même avoir la mauvaise surprise de se rendre compte qu'on a passé une demi-heure à développer et améliorer une armée complète... pour rien. On note quelques éclairs de génie parfois mal communiqués au joueur, notamment dans certaines missions des Eldars qui impliquent de ruser avec le jeu pour atteindre ses objectifs malgré un rapport de force très défavorable. Cette campagne est donc une montagne russe émotionnelle, suscitant alternativement joie, ennui et frustration, mais malheureusement pas de manière délibérée.


Elle n'est pas sauvée par le scénario inintéressant, centré autour d'intrigues sans originalité ayant comme point focal un unique MacGuffin. On en vient à regretter l'histoire de Dawn of War II, où les personnages étaient certes caricaturaux, mais restaient attachants et étaient un peu développés. Ici, les trois protagonistes (Space Marine, Ork et Eldar) sont unidimensionnels et quelconques. Le choix de réaliser une unique campagne de 17 missions qui mène à alterner entre les factions n'y est probablement pas pour rien, ne permettant pas de développer de réels arcs narratifs ni d'intrigues intéressantes au sein de chacun des camps. Le joueur est ainsi placé dans une situation de quasi-omniscience qui empêche tout mystère ou réelle surprise.


De manière générale, les attentes qu'on pouvait avoir sont ici déçues : aucune nouvelle faction n'est introduite dans la campagne par rapport à Dawn of War II et au lieu de réaliser des campagnes bien distinctes selon les peuples, le studio a mélangé des missions dans une unique trame sans grand intérêt. Plutôt qu'une progression, cette suite apparait ainsi comme une régression.


Et c'est fort dommage parce que ce jeu est néanmoins plein de bonnes idées. Avec le retour de la construction de bases, chaque faction a été développée de manière différente avec de fortes spécificités qu'on retrouve en multijoueur. Ainsi, les Space Marines peuvent se déployer via des drop pods un peu partout sur la carte, les Orks peuvent tirer parti des déchets et carcasses pour construire des véhicules ou améliorer des unités, et les Eldars peuvent aisément déplacer leurs bâtiments. Les différences sont trop nombreuses pour être énumérées, mais les trois factions ont été clairement conçues pour être jouées différemment, malgré les analogies entre certaines de leurs unités.


Or ce potentiel qui aurait pu s'exprimer en multijoueur a été bridé à la sortie du jeu par le choix initial de proposer un unique mode, à cheval entre le MOBA et les jeux de stratégie plus classiques. Celui-ci est divertissant, certes, mais donne le sentiment que Relic a tenté de surfer sur une mode maladroitement, passant à coté de l'occasion de proposer une expérience de stratégie en temps réel plus classique, devenue trop rare depuis quelques années. Cette erreur a été prestement corrigée avec la sortie du mode Annihilation quelques mois après la sortie, mais bien trop tard, le jeu ayant depuis été largement déserté.


Le résultat donne le sentiment d'un gâchis. Le jeu est tout à fait correct, et on pourra même bien s'amuser avec des escarmouches contre des IA en mode Annihilation. Les graphismes sont dans l'ensemble réussis, malgré des cartes parfois un peu trop vides, mais vite peuplées par le déluge d'unités, d'explosions et d'effets magnifiques que suscite une bataille. Mais voilà, les développeurs ont tapé à coté, visiblement à cause d'un budget trop faible pour la campagne solo, probablement par manque d'imagination pour le jeu dans son ensemble et peut-être en ayant trop lorgné sur la concurrence pour leur choix de mode multijoueur à la sortie.

Artheval_Pe
6
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le 7 mai 2020

Critique lue 480 fois

Artheval_Pe

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