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2019, une année de cinématographe

Devant les belles listes annotées de certains membres du site, et ayant eu l'habitude d'annoter ce que je voyais sans pouvoir vraiment en garder trace, je me résous cette année à laisser trace - à raconter, à poser des mots rapides sur ce que je vois, pour moi, pour moi avant tout (c'est quand même ...

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76 films

créee il y a plus de 5 ans · modifiée il y a plus de 4 ans

Roma
7.1

Roma (2018)

2 h 15 min. Sortie : 14 décembre 2018. Drame

Film de Alfonso Cuarón

Rainure a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

1 janvier 2019
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Je ne m'attendais pas à voir quelque chose d'aussi beau de Cuarón : Roma est un film de grands espaces qui rend leur magnifique à ces espaces.
Il y a l'évidence bien sûr de la prise d'images - grands angles dans des extérieurs où les éléments se déchaînent- la trainée de feu qui craque, la saisissante scène à la mer et le remou des vagues - mais il y a aussi cette prise de son avec laquelle on joue ; une musique uniquement diégétique (intra ?), qui s'efface ou se précise selon là où se placera le point de vue ; on recule et timidement la musique disparaît, on se voit glissé dans l'intimité de la voiture et elle est nette et forte. Elle se voit masquée lors des fêtes par les voix et les bruits, elle masque à son tour à grands coups de fanfares tonitruantes.
D'autre part., il y a la simplicité avec laquelle Cuarón dessine les espaces intérieurs, une vue qui épouse tous les recoins des pièces, et qui quand elle recule sur un autre angle, garde des éléments en commun comme pour retracer un plan global - c'est notamment frappant dans la scène de la nouvelle année où on part des quartiers hauts, proprets des maîtres, et où en reculant on est d'abord les observateurs lointains de cette première fête, derrière les barreaux - puis on est en bas des escaliers en haut desquels on reconnait les barreaux, tandis que se dessine cette fois la fête des bonnes et serviteurs à laquelle cette fois on s'invite, au proche des mélodies simples et d'une joie sans affect.
Dans tout ça se dessineront alors les désamours et les déceptions terribles du film : l'abandon de Cléo enceinte, l'accouchement difficilement soutenable, après un passage en hôpital où se multiplient les hurlements, et le rachat de la mort de l'enfant par le sauvetage des autres - aussi les siens, d'une façon. Un geste, ou un regard, et tout est dit - la force s'y trouve, et Cuarón a su la rendre pleine.

L'Homme qui tua Liberty Valance
8

L'Homme qui tua Liberty Valance (1962)

The Man Who Shot Liberty Valance

2 h 03 min. Sortie : 3 octobre 1962 (France). Western

Film de John Ford

Rainure a mis 9/10.

Annotation :

3 janvier 2019
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Pour une première rencontre avec Ford, quelle rencontre - ici, les pistes de lectures se multiplient, et il y a tant à dire d'une réalisation aussi limpide.
En première impression (la plus évidente), il y a ce choc entre deux mondes et deux lois - le monde de l'Est, ses règles, ses pieds-tendres, la loi du tribunal, de l'avocat - le monde de l'Ouest, la loi de l'arme à feu, la force règne en maître, la crapule est crainte par l'arme et craint l'arme.
D'une scène tout change : tout à coup, Ransom Stoddard, qui jusque-là essayait coûte de coûte de s'accrocher à sa méthode, de rester fidèle à la loi du Code, sous l'effet de la colère, de ce qui fait craquer les hommes, attrape son arme pour combattre Liberty Valence.
C'est l'ironie de cette nécessité de recourir à cette violence qu'il refusait jusque là pour finalement asseoir son idée de loi ensuite, deux aspirations opposées qui s'incarnent en un homme, et qui n'aboutissent que par l'intervention d'un troisième, Tom Doniphon - qui fait consciemment le choix de tout perdre, fait le choix du sacrifice de sa personne, pour que les aspirations de Ransom aboutissent finalement (et même ses aspirations qu'il se cachait lui-même - les retrouvailles après le combat avec Hallie, les yeux illuminés par les larmes qui se croisent, et ce - j'arrive trop tard - tout est dit). Tom sort de l'ombre, retourne à l'ombre - c'est marqué plusieurs fois, même si la fois la plus marquante est sans doute cette porte à battants qui sépare l'ovation de la foule pour la légende et Tom, resté seul avec son secret. Quand il est dit qu'on ne retient que la légende - Ford retient les hommes et c'est le plus merveilleux.

Il y a aussi cette scène infiniment touchante, lorsque Ransom apprend que Peabody s'est fait tabasser par Valence et ses hommes : alors qu'il va affronter son destin, il s'arrête devant la vitre brisée, regarde qu'on s'occupe de soigner Peabody, et va seulement alors se battre ; comme un dernier repos avant l'inéluctable.

Vers sa destinée
7.7

Vers sa destinée (1939)

Young Mr. Lincoln

1 h 40 min. Sortie : 17 août 1939 (France). Biopic, Drame

Film de John Ford

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

4 janvier 2019
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Ou comment Ford épouse un héros américain - le rayonnement final du personnage de Lincoln, la statue majestueuse sur fond de "Glory Glory Hallelujah !" - et en rappelle l'homme, facétieux par instants (les concours), humble toujours, tour à tour verbeux et agitateur, parfois pourtant effacé et brillant par son effacement. Enfin touché simplement par la tendresse, l'égarement d'un émoi.

On retrouve (ou plutôt on retrouvera, dans Liberty Valence) cette volonté de faire intervenir la justice réglée du Code - la scène où Lincoln s'interpose pour empêcher la vindicte populaire de faire pendre des présumés coupables - ces mêmes règlements qu'il se plaît à dénoncer comme méchants, mauvais, quand ils sont utilisés pour forcer une mère éplorée à choisir lequel de ses fils doit mourir. La différence entre ce qui tient du droit et ce qui tient de la justice.
Il y a d'ailleurs ce moment touchant où Abe lui même cède un temps à demander à la mère la question abominable, insolente de manque de compassion du "Qui a tué ?" - et les yeux de la mère se troublent, brillent face à la caméra, alors qu'elle tourne le dos à Abe. Elle lâche faiblement un "I'm sorry, I just can't". Abe recule sur sa tentative, relâche le torse bombé et droit de l'avocat pour redevenir l'homme qui regarde dans le même sens que la mère, qui pose sa main sur l'épaule de la mère et "I reckon you can't"...

Les Deux Cavaliers
7

Les Deux Cavaliers (1961)

Two Rode Together

1 h 49 min. Sortie : 6 octobre 1961 (France). Western

Film de John Ford

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

5 janvier 2019
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Cette fois ce sont les côtés plus comiques de Ford qui ressortent - notamment au début du film, où les doubles-sens, moqueries, mots ironiques fusent. On présente un antihéros tout à fait détestable, vénal, profiteur, sans grand honneur - et on l'apprivoise petit à petit, on l'accepte comme tel et mieux, il sait être pour quelques gens une bonne personne, et c'est tout là le talent des personnages de Ford : tu pourras être salaud autant que tu veux, tu peux rester important, bon pour quelques autres.
Il y a aussi bien sûr tout le rapport aux Comanches qui se dessine dans le film - une confiance qui ne sera jamais là, des intérêts communs parfois (l'élimination d'un Comanche dont la présence est autant néfaste pour le reste des Comanches que les Yankees). Et surtout, l'impossible, le compliqué retour des prisonniers indiens restés si longtemps captifs qu'ils sont finalement plus proches des indiens, incapables d'épouser de nouveau les coutumes qui purent être les leurs, il y a si longtemps ! Si longtemps ! On dessine ça de toutes les façons : la femme qui refuse obstinément de même essayer de retourner à son autre vie, le jeune homme qui se méfie, n'y vient que par force, et la señorita qui s'y résout de bon coeur (et regrette devant l'horreur, le racisme des gens qui rejettent toute leur saleté sur elle).

Il y a concernant le jeune homme encore des scènes de foule magnifiques d'ailleurs, comme Ford sait montrer les scènes de foules, emportées, flamboyantes, massives et effrayantes par l'effet de groupe (une fois le convoi en route, rien ne l'arrête, il n'entendra plus raison). C'est d'abord la mise en prison - où tous viennent voir "le sauvage" les uns après les autres, bêtement, comme une attraction exotique... Puis c'est la scène du lynchage - soudaine, où en un rien on apprend que le jeune homme va mourir - qu'il doit mourir - et c'est à cet instant que dans l'agitation, dans le remue-ménage, une boîte à musique tombe : le jeune homme reconnaît la musique d'antan, se reconnaît enfin comme membre des "Blancs", et c'est alors qu'il s'est enfin reconnu qu'il meurt pendu - sa soeur, qui a compris, s'effondre éplorée de son impuissance.

Frontière chinoise
7.5

Frontière chinoise (1966)

7 Women

1 h 27 min. Sortie : 27 juillet 1966 (France). Drame

Film de John Ford

Rainure a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

6 janvier 2019
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Bouleversant : une mission en Chine - 6 femmes et un homme - qui voit son ordre bouleversé par l'arrivée d'une femme forte, Dr Cartwright, au caractère affirmé : adultère, fumeuse et pas croyante pour un sou, c'est une figure qui captive, obsède, autant comme un modèle rayonnant à suivre - pour la plus jeune femme de la mission - qu'une supposée incarnation du démon pour celle qui a fondé la mission. Ford signe un film athée, critiquant sans vergogne la religion quand celle-ci fait fourvoyer par une ferveur absurde, fait voir le mal là où il n'y a qu'un puits d'abnégation et de bonté, tout en restant profondément attaché à Dieu - les croyantes, quand elles ne se reposent pas juste absurdement sur l'intervention divine, ne sont pas regardés comme moins, mais comme des femmes, simplement. Qui doutent aussi, souffrent aussi - tant de beaux moments dans ce film, mais il y a ces confidences au pied d'un arbre où une des missionnaires accepte sa faiblesse, et dit ne pas réussir à remplir sa vie juste avec Dieu.
Plus que ça, la caméra se fait plus volatile que jamais, pour mieux cerner un visage derrière des barreaux, pour épouser un geste, un groupe, ou se reculer et laisser une intimité. La scène finale illustre parfaitement ceci, dans une des plus belles fins de l'histoire du cinéma - la caméra recule lentement et l'ombre dévore le personnage, tout en dévoilant l'autre personnage rompu, à terre.
Plus que jamais ici, les nerfs craquent, le film se veut terrassant, montrant le mal dans une forme absolument pure, terrifiante de cruauté, et y oppose ces femmes démunies, dont le sacrifice de l'une d'elle, la meilleure de toute (même si pas comprise comme ça pour chacune) seul pourra vaincre ce mal.
Il y aurait aussi énormément à dire dans tout ce que les petits gestes du film traduisent - un regard qui se détourne, agacé ; une main qui serre l'autre, ou encore un silence après une affirmation qui ne nous concerne pas - toute un langage du corps qui affirme autant, si ce n'est plus que les mots.

En bref, un Ford sombre, amer, et une fin de carrière extraordinaire. - Toutes les meilleures fin de carrières seraient-elles des sacrifices ?

Dans le noir du temps
7.9

Dans le noir du temps (2001)

10 min. Sortie : 2001 (France). Drame

Court-métrage de Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

6 janvier 2019 (Regardé bien et bien des fois en vérité)
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"- Pourquoi fait-il noir la nuit monsieur Viki ?

-Peut être qu'autrefois l'univers avait encore votre âge et que le ciel resplendissait de lumière et puis que le monde à vieilli, il s'éloigne... et quand je regarde le ciel entre les étoiles je ne peux donc voir que ce qui a disparu ."

Comme un dernier grand geste à tout ce qui est sur le point de disparaître - une flamme qui vivote et qui vivote encore. Des images qui s'oxydent, se superposent, brûlent, se floutent et perdent leurs couleurs premières - des impressions et des collages. Un témoignage, dans ce mouvement - grande réunion de ce qui fait le fracas, la peur, les angoisses. Et ce Spiegel im Spiegel...

L'Homme tranquille
7.4

L'Homme tranquille (1952)

The Quiet Man

2 h 09 min. Sortie : 7 novembre 1952 (France). Comédie dramatique, Romance

Film de John Ford

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

10 janvier 2019
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L'un des Ford les plus drôles que j'ai vu jusque maintenant - les contre-indications, l'alcool comme source éternelle de divertissement (et l'on reprend toujours de la bouteille), le "Impetuous ! Homeric !" lâché dans la chambre en bazar, et la douceur avec laquelle on traverse cette Irlande rêvée par John, ses personnages qui vivent à grand coup de Porter, de connivences, de paris, et soutiennent tout d'un rire venu des yeux, ou tonitruant au choix. La force des traditions, mise à mal par l'amour farouche. Une scène de boxe qui survient d'un coup et détonne. Des bruitages comme des coups de fusils, et des farces à n'en plus finir. Sans oublier, tous ces chants irlandais, ces cornemuses - des bourdons emplis de joie, de choses qui vibrent encore.
Tout ce vert, ce vert qui déborde et qui permet aux quelques autres couleurs - le bleu profond, le rouge sanguin de la tenue de Mary Kate - de resplendir encore davantage.
Qu'elle était donc verte, ma vallée !

Les Raisins de la colère
7.9

Les Raisins de la colère (1940)

The Grapes of Wrath

2 h 09 min. Sortie : 31 décembre 1947 (France). Drame, Historique, Road movie

Film de John Ford

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

23 janvier 2019
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Ford et l'humain, ce sont des yeux qui brillent au fond du noir, des yeux où l'on retrouve encore de l'espoir malgré tout, malgré les tracteurs inarrêtables - à ce titre, l'une des premières séquences du film est sans doute l'une des plus marquantes, en transparence, une chenille de tracteur noie l'entièreté de l'image tandis qu'on discerne derrière plusieurs plans apposés de terres battues, brisée sans ménagement par la ferraille.
Ce sont des bras que l'on baisse, des nerfs qui ploient, des désespoirs qu'on cache au reste de la famille, et toute une dégringolade de la misère où percent des bribes d'humain.
Les coups pleuvent - tant qu'il y a du profit à faire... - et le fantôme de Tom Joad reste partout. Dans cette curieuse arche de Noé, il apparaît, il mène le tout un peu, il se retire pour protéger encore le tout, c'est le geste du sacrifice pour celui qui a compris. La transmission du savoir, la lumière qu'il faut garder vive.

"Partout où un flic tabasse un mec
Partout où un nouveau-né hurle de faim
Partout où l'homme se conduit comme une bête
Partout où quelqu'un se bat je serai là
Partout où quelqu'un cherche un endroit pour vivre
Un boulot normal ou juste un coup de main
Partout où quelqu'un cherche à être libre
Regarde ses yeux et tu verras les miens."

Et j'espère le soir du soulèvement...
https://www.youtube.com/watch?v=uBCSKocmqGY

Hors jeu
7.4

Hors jeu (2006)

Offside

1 h 28 min. Sortie : 6 décembre 2006 (France). Comédie dramatique

Film de Jafar Panahi

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

5 février 2019
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Le Hors-Jeu : non seulement celui du football, bien entendu, mais aussi celui des personnages, de la caméra : tour à tour les femmes attrapées par la caméra, bloquées derrière les barrières, ou au visage caché par une casquette, par un poster (la scène hilarante du départ aux toilettes). Film/réalité, la clameur qui se fait incessante, les durées qui sont quasiment celles du match, sans trop d'ellipses, du début du match et l'arrêt des filles à la fête générale de fin de match, et les femmes qui s'abandonnent à la ferveur de la rue. Un rien, l'imagination enflamme tout : les beaux discours des femmes tentant de convaincre les gardiens (émouvant gardien qui pense à ses bêtes et à sa ferme), le gardien jouant le rôle de commentateur pour faire s'extasier l'enclos, l'enclos redessiné pour en faire un terrain. Les personnages tour à tour acteurs (le théâtre formé par les "murs" de la caméra, de la voiture à la fin) et spectateurs (les spectacles de la foule, le bruit, l'impossibilité d'échapper aux gardes). Des rires et des rires, un peu d'humanité autour du jeu et du spectacle.

Conte d'été
7.2

Conte d'été (1996)

1 h 53 min. Sortie : 5 juin 1996. Comédie dramatique, Romance

Film de Éric Rohmer

Rainure a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

10 février 2019
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Des petites choses qui se disent, tout en masquant de grands sentiments. Toute une panoplie du doute, de l'amourette, du choix, de la joie. C'est un film si sensible dans son propos, si doux et bienveillant envers toutes ces choses de l'humain, toutes nos coquilles, nos méprises, nos chances qu'on en sort avec un sourire fou, avec l'envie de mordre cette vie à grandes bouchées.
Ça peut paraître parfois maladroit, rempli de dialogues niais, d'ambitions niaises : il y a un peu de ça, mais c'est peut-être en ça que c'est merveilleux. On épouse toutes ces choses pas grandioses, pas rien, simplement là. Comme une façon de rappeler l'existence à soi, le temps de belles semaines de l'été, de retrouver une innocence.

Un conte, comme il disait. Un de ceux qui me redonnent le sourire jusqu'aux oreilles, qui m'illumine tout entier. Rohmer faisait des films pour moi, et je n'en savais rien.

"Que c'est beau d'être amoureux."

Conte de printemps
6.6

Conte de printemps (1990)

1 h 48 min. Sortie : 4 avril 1990. Comédie, Drame, Romance

Film de Éric Rohmer

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

11 février 2019
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Il y a quelque chose que je n'avais qu'entraperçu sans vraiment m'en rendre compte dans Conte d'été, et qui au printemps n'apparaît que plus facilement : c'est la dynamique simple et pourtant sans cesse vacillante des dialogues de Rohmer : là c'est le carré de personnages qui assure un équilibre (Jeanne / Igor / Natacha / Eve), et si l'un des quatre vient à manquer, le triangle reformé change radicalement la dynamique : on s'invective, on se prend à parti quand tout était tempéré alors avant.

C'est passionnant de voir comment Rohmer dissèque les microcosmes : les cercles d'amis, la famille proche, redessine des dynamiques, trace les contours des amours passés (les piliers absurdes de la cuisine), vient placer au loin, hors champ les amours actuels, et ramène au proche les possibilités d'un amour échappé (l'appel à Eve, où Igor ment devant Jeanne ; Jeanne rompt toute possibilité alors perdue de quelques mots : "Vous avez dit que je n'étais pas là. Eh bien je ne serai plus là. Je pars.") - deuxième recours du téléphone comme élément perturbateur dans ces contes d'ailleurs, un parallèle amusant à faire entre l'été et le printemps.

Puis... Toute la discrétion innée de Jeanne, qui écoute prudemment Natacha, la domine de toute son expérience et s'émerveille de toute cette jeunesse (s'effraie de la voir être avec bien plus vieux qu'elle), cette fougue. Grande soeur jamais connue avant, Jeanne se voit confier les secrets de Natacha (le collier, l'Amazonie qui finalement ne surgit pas), entre improvisations de tendresses non feintes et petites joies partagées.

Conte d'hiver
6.8

Conte d'hiver (1992)

1 h 54 min. Sortie : 29 janvier 1992 (France). Drame

Film de Éric Rohmer

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

17 février 2019
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L'évidence, la simplicité. Le blanc de neige qui entoure l'immense majorité des plans, le titre emprunté directement à la pièce du même nom de Shakespeare qui est jouée même dans le film, et dont on retrouve les éléments de la trame. La foi immense et aveugle de l'intuition, croire en la richesse du monde, aux bouleversements. C'est une genre de confiance muette de Félicie, une confiance à l'état pur, confiance en le monde, sans souvenir et sans projet, qui place tout en la spiritualité de l'âme soeur.

Tout est admirablement simple : filmé sans affect, sans effort peut-être, les dialogues simplement beaux des petites choses humaines, de celles qui veulent espérer ("Vivre avec l'espoir, c'est une vie qui en vaut bien d'autre" - relecture traduite naturellement de Pascal, par Félicie), de ce qui sait encore la beauté (le portrait du père en photo). Les balancements où l'on n'a qu'un mot à dire, qu'une vérité à essayer de tirer.
Conte d'hiver, conte de Noël et des imprévus, des cadeaux de chacune des journées - un grand geste du bras qui accueille tout contre soi.

La Parole
8.1

La Parole (1955)

Ordet

2 h 06 min. Sortie : 28 décembre 1955 (France). Drame

Film de Carl Theodor Dreyer

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

05 mars 2019
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Tous les doutes de la foi : une foi protéiforme, qui semble pourtant partout perdue, dans la rigueur comme dans l'aller-vivre, où les non-voyants deviennent les voyants, les aveugles reçoivent le don de dieu. Seule l’innocence, l'enfant, perçoit une forme plus ou moins proche de la vérité, de l'abandon total surtout. L'acceptation de ce qui doit arriver. Et c'est l'Amour, l'Amour répandu sur le monde entier, dans sa bénédiction qui épousera la vie comme la mort.

(et ces rotations de caméra, et l'espace de la maison réinventé sans cesse (où seule l'horloge, le temps en repère, le temps stoppé à la mort, reste), un premier goût des larmes amères de Fassbinder, dans une autre forme)

Puis soudain, les grandes collines danoises surplombées d'herbe, on s'y noie.

Princesse Mononoké
8.4

Princesse Mononoké (1997)

Mononoke-hime

2 h 14 min. Sortie : 12 janvier 2000 (France). Animation, Aventure, Fantasy

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki

Rainure a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

06 mars 2019 (revu)
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La renaissance dans un monde en ruine. Il y a beaucoup de lectures à faire d'un des plus beaux films de Miyazaki, mais ce qui m'aura frappé en le revoyant, c'est surtout l'omniprésence de la déchéance, la ruine, comme si le monde vivait après une catastrophe plutôt qu'un âge féodal justement, presque post-apocalyptique : le désastre de la nature. C'est là que les esprits fulminent, que tout le monde est mis à la même enseigne : l'égalité des rôles féminins et masculins, le fardeau complet est à porter par tous.
C'est dans un monde au bord du précipice qu'il faut un choc immense pour le remettre dans un chemin d'où on dégringolera moins : c'est durement l'escalade vers la violence exacerbée où pour advenir à ses fins, il n'y a plus aucun honneur, les hommes sont utilisés comme appâts, comme proies, comme pièges. Et il faudra la mort d'un dieu pour enfin faire ployer les envies, les désirs et se tourner pleinement vers la vie et non la mort : l'équilibre véritable, et pas le pillage des ressources, l'armement mis au rebut pour privilégier les cultures.

Et puis... Il y a tous ces portraits humains qui, mis dans de telles conditions, pourraient juste se laisser aller, dépérir et crever, mais non, et c'est là peut-être la plus grande beauté du film, ces humains acceptent comme un état de fait la dureté de leur vie, et espèrent, et croient en la vie tant qu'elle est encore là (les blessés récupérés et défendus, les lépreux qui tiennent à vivre). Plus beau : acceptent que la mort arrivera, mais vont en avant de cette mort pour accomplir leur rôle, et aimant leur rôle là-bas sur terre, aussi "petit" qu'on pourrait le croire.

Conte d'automne
6.8

Conte d'automne (1998)

1 h 52 min. Sortie : 23 septembre 1998 (France). Comédie dramatique, Romance

Film de Éric Rohmer

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

11 mars 2019
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Moui, le conte que j'apprécierai le moins finalement : il y a pourtant tous ces paysages des côtes du Rhône, cet amour partagé du vin, et toutes les manigances et les planifications, ces doutes qui naissent d'un rien, mais ça ne prend pas pour moi.
Notons tout de même, encore, les acteurs qu'on a l'impression qu'ils apprennent peu à peu à jouer à mesure que le film se déroule (ou bien on ne prend plus gare au côté très récité, peut-être, de certains mots) ; puis aussi, les dynamiques qui bougent quand changent les duos : Gerald, insupportable dans un premier temps, lors des rencontres de l'annonce, et puis soudain attachant quand il rencontre Magali, les choses qui tiennent, les humeurs non plus feintes, même quelques émois.

Vivre sa vie
7.4

Vivre sa vie (1962)

1 h 20 min. Sortie : 20 septembre 1962. Drame

Film de Jean-Luc Godard

Rainure a mis 9/10.

Annotation :

18 mars 2019
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Noir c'est noir (il n'y a plus d'espoir). Sans concession, on réinvente à chaque tableau une façon d'essayer de vivre comme une nouvelle façon de filmer est réinventée ; le bonheur n'est pas gai, et pourtant Nana essaie bien de sourire, de trouver à rire un peu ou à danser, de petits instants de vie qu'il faut sauver. La vie comme apprendre à vivre sans cesse, dans les dialogues où la philosophie reparaît, où les petits riens font surface, où l'on sait bien qu'en partie c'est de sa faute quand même de traîner là le mal de vivre. On n'est ni plus ni moins sale par nos tentatives de vivre : on cherche juste le mieux, pour nous, on suit des instincts qui parfois se trompent et c'est bien tout. Ah, et les plus belles larmes au cinéma, le plus beau miroir de larmes, Anna, Jeanne.

Et puis cette scène... Anna tour à tour triste, mystérieuse, curieuse...
https://www.youtube.com/watch?v=2n_r_5RXobM

Night Is Short, Walk on Girl
7.6

Night Is Short, Walk on Girl (2017)

Yoru wa Mijikashi Aruke yo Otome

1 h 33 min. Sortie : 7 avril 2017 (Japon). Animation, Comédie romantique

Long-métrage d'animation de Masaaki Yuasa

Rainure a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

20 mars 2019
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Incroyablement drôle et beau ; encore, la même énergie et la même folie dans l'animation que pour Tatami Galaxy, on reconnaît les traits, les personnages reviennent, mus par des objectifs similaires mais des façons différentes. Il y a tous les hasards des rencontres, les coïncidences forcées, les "ce qu'on croit être l'amour" naissant de rien, et la folie, la folie des verres jusqu'au bout de la nuit. Il y a la chanson de l'Ikiru de Kurosawa qui est reprise, il y a une danse folle de l'anguille parlant des sophistes, il y a des pommes et des carpes qui tombent et rendent amoureux les gens, il y a tout ce qui se déplace, tout ce qui se bat pour vivre et savoir vivre, ce qui se questionne, ce qui fait la beauté de toute chose : une explosion de couleurs, un feu d'artifice grotesque, farfelu et tellement intense de couleurs, de rencontres, d'ivresses et de joies, de liens, de lectures. J'en sors à peine, mais j'ai déjà envie de revoir tout ça pour y relire et y relire encore plein de choses. L'absurdité des réseaux surveillant tout, les complots fomentés, fantasmés, ou même rien que se laisser captiver par une animation parfaitement abandonnée aux émotions, à la liberté, au symbolisme outrancier ou discret.

Et puis... "Notre relation est une nécessité scénaristique." ou "J'étais amoureux, il fallait que je réengage la conversation. Mais nous n'avions en commun qu'une pluie de pommes." - des relations très Emile Ajar, au fond.

Harry Potter et l'ordre du phénix
6.3

Harry Potter et l'ordre du phénix (2007)

Harry Potter and the Order of the Phoenix

2 h 18 min. Sortie : 11 juillet 2007 (France). Aventure, Fantastique

Film de David Yates

Rainure a mis 5/10.

Annotation :

23 mars 2019 (revu)
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Pas aussi mauvais que dans mes souvenirs, juste médiocre finalement, mais ça se regarde bien ; des jeux de couleur galvaudés pour annoncer largement qui sont les méchants, les gentils, sans trop de finesse, des personnages un peu expédiés, mais bon des traces d'humour, de colères sourdes, des gros effets en veux-tu en voilà qui te bouffent toute l'image, des violons qui suintent un peu, c'est du spectacle ni plus ni moins.

Le Silence
7.5

Le Silence (1963)

Tystnaden

1 h 36 min. Sortie : 11 mars 1964 (France). Drame

Film de Ingmar Bergman

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

30 mars 2019
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Un des Bergman les plus étranges, chaotiques, que j'ai pu voir : l'incompréhension partagée des êtres, l'hôtel où tous les gens nous sont terriblement étrangers - sauf peut-être à l'innocent enfant. Les soeurs qui s'en veulent, l'une qui se sent piégée par l'autre, l'autre terriblement humiliée, jalouse, et abandonnée. Et puis la solitude, la terrible solitude qu'on ne parvient plus vraiment à tromper : on hurle, on demande de l'aide partout autour de soi sans en recevoir une once, les prières qui n'atteignent pas leur but. Film heurté, film brisé, film qui se reconstruit sans cesse autour de ce son de la montre à gousset qui ne s'arrêtera jamais, jamais, jamais une trêve n'aura lieu, jamais plus, jamais plus une respiration agréable : pour tout avenir, l'étouffement.

Dead Man
7.5

Dead Man (1995)

2 h 01 min. Sortie : 3 janvier 1996 (France). Aventure, Drame, Fantastique

Film de Jim Jarmusch

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

20 avril 2019
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Film qui boîte, ne cesse de s'effondrer sur lui-même, dans ses toutes bizarreries, sa mort omniprésente et annoncée, son noir et blanc qui noie tout. Atmosphère d'enfer bien entendu, et un peu de Beckett même, on n'attend rien et rien ne se produit vraiment. Tout semble assez vain, William Blake n'a pour toute poésie que ses meurtres et l'homonymie étrange, les personnes meurent pour rien, sans vraie motivation, tout le monde est doublé, seul l'indien (seul Personne) semble détaché de tout, plongé dans son monde qui n'est pas celui que voient le reste des personnes, jusqu'à la perte des lunettes qui permettent d'y voir. Chroniques de morts annoncés, où on ne fait que se traîner sans vraiment rien saisir (Oh comment certains vivent !), sans comprendre, et sans objectif, avant la mort - la nature resplendit au-dessus de tout ça, comme la chose qui a le plus de réalité ici, de vie finalement.

"Some are born to sweet delight,
Some are born to endless night."

Vive l'amour
7.5

Vive l'amour (1994)

Aiqing wansui

1 h 58 min. Sortie : 5 avril 1995 (France). Comédie dramatique

Film de Tsai Ming-Liang

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

23 avril
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Incommunicabilité, êtres qui ne se trouveront jamais, isolement et désespérance ; il n'y a pas vraiment de secours, il n'y a qu'une errance. Toutes les portes se ferment sur l'être, les vitres, les choses, et rien ne vient nous dégager vraiment de là, on est écrasé, réduit à plus grand chose devant la foule, la ville immense et tous ses crissements, ses klaxons, ses coups de freins et sirènes, ses téléphones qui sonnent pour d'autres que nous, mais trop fort. Je repense à une phrase du Gros Câlin d'Emile Ajar (Romain Gary) avec ce film, finalement, le "On est entouré de millions d'êtres, c'est la solitude." et c'est une des choses qui m'aura retenu le plus dans cette dureté de film.

Barberousse
8.5

Barberousse (1965)

Akahige

3 h 05 min. Sortie : 4 janvier 1978 (France). Drame

Film de Akira Kurosawa

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

29 avril
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A vrai dire je m'attendais à être plus bouleversé que ça vu tous les retours extrêmement positifs que j'en avais eu, mais les 3h n'aident pas à éviter de rendre un peu inégal le tout je trouve, même si ça tend souvent vers le sublime et l'atteint quelquefois

Il y a dans le film comme une manière d'avouer qu'il n'y a pas nécessairement du bonheur partout, dans la misère, comme les bienheureux et les chanceux voudraient croire, mais qu'il y a toujours l'espoir de le faire pousser, cependant, ce bonheur. Le tout noyé dans les plus beaux noirs et blancs de Kurosawa, les ombres qui accompagnent les hommes, les séparations par le bois, refondant l'espace d'un changement de caméra, et les crispations et les peurs.
Il y a cette scène où quelqu'un raconte la vie de sa femme de son prisme, et depuis ce prisme, on s'enfonce encore d'une couche et la femme raconte sa vie à l'intérieur même du souvenir de l'homme, le tout noyé dans la poussière, la brume, et la lumière, à ce moment on atteignait le miracle.
Et puis, et puis l'impression que tout le monde porte la vie comme un coupable, qu'on s'efforce de passer une vie à se pardonner, et pardonner les failles, l'humanité toute entière... Traitement social magnifique, film bouleversant dans son angle de traitement des soins, qui s'étale parfois peut-être mais enfin, Kurosawa, tu m'as eu, tu m'as décroché un sourire (non pas un sourire, un bien-être plutôt), tu m'as allégé par la beauté qui existe, la grâce qui peut survivre.

Les Ailes du désir
7.6

Les Ailes du désir (1987)

Der Himmel über Berlin

2 h 10 min. Sortie : 23 septembre 1987. Drame, Romance, Fantastique

Film de Wim Wenders

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

5 mai 2019
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Film irréel - superposition par transparence des images, vitres et reflets incessants, jeux expérimentaux à l'image parfois, danses des ombres et des corps ; accumulation des pistes sonores, dialogues, sons de rue, musique, concert de Nick Cave, chanté et pensé. Le tout de manière fourbie, chaotique, presque "truc", film de bidouillages, où on essaie de percer à jour les façons d'exister dans ce flou, dans cette vitesse de la vie et du temps. C'est d'autant plus frustrant de passer autant de temps dans une dernière partie de film bien moins motivante finalement que le reste, toutes les réponses ont déjà été données, et on n'a que de l'explication textuelle ensuite de ce qu'on pensait deviner, surprendre, dans l'irréel. Beaucoup de beauté formelle dans ces flottements de caméra explorant Berlin, tout de même, et ce noir et blanc propre, l'attente sur les gens qui se posent des questions.

Passe montagne
6.7

Passe montagne (1978)

1 h 51 min. Sortie : 8 novembre 1978. Comédie dramatique

Film de Jean-François Stévenin

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

6 mai 2019
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D'abord on nous prévient, dès le générique, continuité : John Cassavetes. On sait où on va. Puis il y a l'indien. Cette figure énigmatique - tiens, il me rappelle le Lucien Lacombe de Malle qui aurait vieilli ! - qui allume le feu. Sauve l'écran d'un noir total. C'est la naissance des tâches à l'écran : de nombreuses fois, alors que la tâche d'encre, le jais ronge la pellicule, des néons, des lampes, des phares : de la peinture à l'huile imbibant la toile de l'écran, les sursauts des couleurs. Et puis même, il y a toutes ces nuits bleutées de nuages et de neiges, à l'impression ténue, que je n'arrivais pas à décrire vraiment hier soir, quelque chose de frêle : la moindre lueur fait basculer les nuances. Au sombre des déambulations de la nuit, on est presque dans le noir et blanc : on n'y est pas, on n'est même pas dans le noir, il y a ce gris pas vraiment gris qui laisse deviner des traces. Des silhouettes. Même pas, juste des variations de l'ombre.
Et puis il y a l'apprivoisement. A coup de phrases en suspensions, non récupérées par l'oreille, mais entendues pourtant ; des "eh bah, alors si...", des étonnements légers et tout de suite baissant les bras. Un Jacques Villeret dans son réduit, lisant (oh, l'ironie) un livre : "Sacrée soirée" ou un autre titre autant sarcastique, je ne sais plus. Les faces qui se rapprochent, la caméra qui voltige lors des fêtes, la caméra de Cassavetes donc, attrapant les patois jurassiens, les gueules cassées qui rigolent. Et puis ces gens ont quelque chose qui brille au fond, il y a des secrets, des dessins et un plus bel arbre, caché quelque part sur les cadastres, les cartes IGN. On vient le chercher, avance, viens, on nous invite quelque part dans ce petit monde étrange, aux motivations floues. C'est ainsi qu'on vit, aussi.

L'État des choses
7

L'État des choses (1982)

Der Stand der Dinge

2 h 10 min. Sortie : 20 octobre 1982. Drame

Film de Wim Wenders

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

8 mai 2019
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Il y a ces 10 premières minutes sans mots, ou presque, dix minutes étranges où l'on marche et où l'on ne comprend rien, jusqu'à l'arrivée finalement à l'hôtel, cadre de bien la moitié du film. A partir d'ici, c'est les errements qui se multiplient : au désœuvrement succède l'ennui, les doutes, les questionnements cryptiques, les relations qui s'énervent, et même la folie qui s'installe. Il ne se passe rien puisqu'il n'y a qu'à attendre, et que l'attente semble ne mener à rien. Wenders en profite pour quelques traces d'humour, toujours caustique, et surtout pour donner vie aux personnages. On lit "The Searchers", qu'on retrouvera d'ailleurs plus tard comme un clin d'oeil programmé à Los Angeles, et ça juste avant de s'arrêter sur la dalle de Fritz Lang. On défend la place du noir et blanc, de la liberté d'écrire les films qu'on veut, mais toujours la pression de la réception, de la production pèse. Wenders ne cause pas trop, laisse vivre les gens, et c'est ce qu'il fait de mieux.

Les Nuits de la pleine lune
7.2

Les Nuits de la pleine lune (1984)

1 h 41 min. Sortie : 29 août 1984 (France). Comédie dramatique, Romance

Film de Éric Rohmer

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

13 mai 2019
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Octave, tu n'es pas un séducteur, tu n'es pas un ami, tu es un pervers manipulateur.

Très beau film autrement, et la musique d'Eli et Jacno m'est toujours aussi douce. Brèves sur l'Amour libre, sur la libération, la prise de pouvoir, l'indépendance, la non-maîtrise des effets aussi, un peu, je crois. Un côté "Une chambre à soi", et la façon merveilleuse dont Louise s'approprie l'image à Paris, à se déplacer, attraper des bricoles, la caméra qui redéfinit l'espace (d'une manière voisine je repensais aux Larmes amères de Petra Von Kant). C'est finalement assez douloureux comme film, assez amer, qui me rappellerait Jean-Luc le Ténia : "L'amour libre ne le reste jamais très longtemps, l'amour libre a fait beaucoup pleurer les garçons" (et les filles, donc).

La Caméra de Claire
6.3

La Caméra de Claire (2018)

Keulleeoui Kamera

1 h 09 min. Sortie : 7 mars 2018. Comédie dramatique

Film de Hong Sang-Soo

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

19 mai 2019
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Ennui léger ; malgré le beau cadre de Cannes et les sentiments par à-coups, arrondis, ça me laisse un peu de côté. Jeu des langues qui s'intercalent, servent de refuge, jeu des photos, de la poésie retrouvable partout, et au final, c'est peut-être trop léger, aussitôt venu, aussitôt envolé, disparu.

Mademoiselle
7.9

Mademoiselle (2016)

Agasshi

2 h 24 min. Sortie : 1 novembre 2016 (France). Drame, Thriller, Romance

Film de Park Chan-Wook

Rainure a mis 5/10.

Annotation :

26 mai 2019
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On a une première partie qui fait un peu imitation cheapos de Persona, avec une caméra qui ne sait jamais prendre de temps, ne dit rien à part lécher ses cadrages, et des dialogues évidents et faux, toute mon impression. Puis Park Chan-Wook aligne ensuite ses mauvaises habitudes, twists, perversions, violences gratuites, c'est d'autant plus dommage qu'il a des très beaux cadres pour filmer, des acteurs plutôt doués, et que le sujet différemment traité pourrait me passionner ; là, c'est mou, même agaçant, c'est fade et gratuitement cruel par moments. Recomposition délibérée d'une toile volontairement cachée pour donner une complexité illusoire à quelque chose de très simple et un amour qui pourrait sinon être très beau, à des trahisons finalement très naturelles et pourquoi pas déchirantes.

La Prisonnière du désert
7.6

La Prisonnière du désert (1956)

The Searchers

1 h 59 min. Sortie : 8 août 1956 (France). Western, Aventure, Drame

Film de John Ford

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

31 mai 2019
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La folie de la vengeance, et la cruauté de l'expédition punitive, de la séparation. Ford qui monte une tension monstre, fiévreuse, qui prend finalement juste les personnages qui partent, qui n'ont de cesse de poursuivre les comanches - les personnes restantes ont pour tous malheurs les personnes parties. Ethan dressé en personnage ambigu, prêt au pire pour des questions d'honneur, sans aucune volonté de remise en question, et cet humour caustique, ce visage pas causant qui au désespoir oppose la hargne et l'occlusion des sentiments. Et puis, ces plans incroyables de déserts ou de neiges, de rivières, de monticules et canyons, et les feux qui jaillissent, et la vie qui n'a de cesse de revenir comme interlude à une poursuite sans fin et désespérée (le mariage, la musique, les bars, les danses).

Remorques
7.3

Remorques (1941)

1 h 31 min. Sortie : 27 novembre 1941. Action, Drame, Romance

Film de Jean Grémillon

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

01 juin 2019
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La chaleur de samedi n'aidant pas - je me serai assoupi en partie pendant les 20 premières minutes... Du reste, le film m'a presque complètement laissé sur la touche, ni affecté par les choix de cadre, de composition, ni par les relations des personnages (enfin si, peut-être cette destinée tragique qui a quelque chose quand même enfin...). J'en garde surtout les très drôles dialogues de Jacques Prévert ("Les malheureux se reconnaissent entre-eux), et c'est tout.

Rainure

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