Journal d'un cinéphile : année 2018

Coups de cœurs :

Janvier :
- Wake in Fright 8/10
- Ponyo sur la falaise 8/10 (revisionnage).

Février :
- Le Retour 8/10
- Jusqu'à la garde 8/10
- Adaptation 8/10

Mars :
- Birth 8/10
- Les Autres 8/10

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135 films

créee il y a plus de 6 ans · modifiée il y a 5 mois

Sweet Virginia
5.9

Sweet Virginia (2017)

1 h 33 min. Sortie : 6 septembre 2017 (France). Drame, Thriller

Film de Jamie M. Dagg

Marius Jouanny a mis 4/10.

Annotation :

2 janvier. Premier visionnage.

Pas l'idéal pour commencer l'année : un thriller plutôt bien fichue nous venant du festival de Deauville mais qui se révèle confondant de banalité. L'étalage de lieux communs devient navrant, et ce même si le désir d'installer une ambiance et une tension est bien là. Tout cela devient très formel et très oubliable.

Les Valseuses
7.1

Les Valseuses (1974)

1 h 57 min. Sortie : 20 mars 1974. Comédie dramatique, Road movie

Film de Bertrand Blier

Marius Jouanny a mis 4/10.

Annotation :

7 janvier. Premier visionnage.

Je n'irais pas remettre en cause certaines qualités du film, de l'interprétation des acteurs à la dénonciation pertinente d'une France obsédée par le lynchage de la "racaille" qui trouve une belle résonance jusqu'à Sarkozy et Manuel Valls, en passant par quelques passages drôles et d'autres dramatiques (la scène du meurtre de l'employé de prison est assez forte).

Je ne réduirais donc pas l'intérêt du film à son contexte historique (ça a dû en scandaliser plus d'un en 74) et à sa portée "générationnelle". Mais en faire une ode libertaire, se remémorer ce film comme on se remémore les années 70 me paraît franchement rance, tant sous certains aspects "Les Valseuses" peut évoquer "Orange Mécanique" par la violence phallocrate qu'il met en scène, mais sans le recul de Kubrick, ce qui est nettement plus gênant. Je pense qu'il est difficile de voir ce film aujourd'hui sans un certain recul critique qui manque à Blier lui-même. Franchement, vous trouvez ça normal qu'une fille dans un film puisse se faire traiter de pute, se faire loger une balle dans la jambe et abandonner par deux mecs au milieu d'une scène de cambriolage sans en tirer le moindre ressentiment envers eux par la suite ?

As Tears Go By
6.9

As Tears Go By (1988)

Wong gok ka moon

1 h 42 min. Sortie : 29 juin 2022 (France). Policier, Drame, Romance

Film de Wong Kar-Wai

Marius Jouanny a mis 7/10.

Annotation :

12 janvier. Premier visionnage.

Il est très plaisant de retrouver déjà dès son premier film ce qui fait la sève du cinéma de Wonk-Kar-Wai, aussi bien dans ses procédés formels que narratifs. Les scènes d'action sont très bien fichues, grâce notamment à la science du montage que le cinéaste déploie. L'intrigue aux élans tragiques caractéristiques de l'auteur est un peu dilué dans son approche du cinéma de genre plus classique (c'est après tout une histoire de famille et une histoire d'amour plutôt convenue) mais tout cela est très bien exécuté et interprété, souvent émouvant et surtout constamment inventif dans la mise en scène, où la bande-sonore joue déjà un rôle essentiel.

Le Poison
7.5

Le Poison (1945)

The Lost Weekend

1 h 41 min. Sortie : 14 février 1947 (France). Drame, Film noir

Film de Billy Wilder

Marius Jouanny a mis 8/10.

Annotation :

12 janvier. Premier visionnage. Vu au cinéma.

Wilder signe encore un fulgurant drame halluciné, en prenant cette fois-ci le sujet de l'alcoolisme. La forme se réinvente constamment, notamment pour signifier l'ivresse, de l'euphorie à la terreur, et le cercle vicieux qui compose le quotidien du personnage, tout en laissant l'essentiel de la place à une narration parfaitement huilée mise à part une ou deux longueurs. Le film est aussi une merveille d'écriture, abordant avec une pertinence rare la figure du couple et des représentations sociales sur l'alcoolisme. Le pessimisme du cinéaste se ressent à chaque instant, et ce même si la conclusion est plus optimiste qu'à l'accoutumée. Encore une fois, Wilder s'empare donc avec une grande lucidité d'un problème de la société américaine, une pointe d'humour et une grande empathie pour ses personnages.

La loi de la banane
7.3

La loi de la banane

54 min.

Documentaire TV de Mathilde Damoisel

Marius Jouanny a mis 6/10.

Annotation :

13 janvier. Premier visionnage.

J'ai pas l'habitude de regarder les docs Arte mais celui-ci m'a été chaudement recommandé, et ça valait le coup. En moins d'une heure la documentariste fait le portrait à charge d'une des premières multi-nationales la "United Fruit Company", qui, pour exploiter des bananes en Amérique centrale, est allée jusqu'à monter une campagne de désinformation sur le dirigeant du Guatemala et provoquer cinquante ans de guerre civile et un génocide. On en vient à se demander quel bilan pourrait-on faire de cent ans de colonisation économique du capitalisme, sachant que le nombre de victime est probablement incalculable. Le documentaire parvient bien à démontrer en quoi l'exemple pris est significatif du système capitaliste, avec une réalisation bien rythmée entre voix-off et images d'archive. J'aurais aimé cependant qu'il s'engage plus dans ses propos, verse plus dans l'analyse historique en ne se cantonnant pas à la simple description et qu'il fasse plus de rapports avec notre époque actuelle. Mais c'est peut-être un peu chercher la bête, tant l'efficacité du montage est souvent remarquable.

Tom à la ferme
6.4

Tom à la ferme (2013)

1 h 42 min. Sortie : 16 avril 2014 (France). Drame, Thriller

Film de Xavier Dolan

Marius Jouanny a mis 4/10.

Annotation :

16 janvier. Premier visionnage.

Décidément Dolan et moi c'est une fois sur deux. Ce qui implique logiquement que je risque de ne pas aimer Les Amours imaginaires et d'apprécier son prochain qui sort cette année. Bref. En campant un thriller psychologique qui confronte personnage urbain gay et personnage rural violent, Dolan pouvait faire quelque chose de plutôt éclatant. Mais il s'approprie très maladroitement le cinéma de genre, et la dimension hitchcockienne de la psychologie des personnages perd rapidement toute crédibilité. Comment peut-on instaurer de l'ambiguïté là où il ne peut y en avoir raisonnablement aucune ? Autrement dit, comment un jeune gay peut-il avoir une quelconque empathie pour le dernier des abrutis qui n'arrête pas de le frapper à tout bout de champ. Les prétextes avancés sont à mon sens insuffisant. Reste une figure maternelle très réussie, et quelques belles scènes, portées par une bande-son et une réalisation qui pose une ambiance âpre et angoissante. Pour le reste, c'est très poussif et l'opposition décrite est mille fois plus pertinente dans "Délivrance" ou "Chiens de paille".

The Square
6.6

The Square (2017)

2 h 22 min. Sortie : 18 octobre 2017 (France). Comédie dramatique

Film de Ruben Östlund

Marius Jouanny a mis 6/10.

Annotation :

17 janvier. Vu au cinéma.

Finalement, « The Square » est assez loin des préjugés que je pouvais me faire sur son pseudo-intellectualisme, tant il s'avère avant tout une comédie grinçante très efficace sur le milieu artistique et bourgeois de Suède. De très nombreuses situations narratives tournent en ridicule leurs codes sociaux avec un humour parfois proche du burlesque, qui prend parfois une tournure plus glaçante et dramatique (comme pour la scène qui donne sa couverture au film, très mal insérée au reste du métrage par ailleurs). Les médias, le milieu artistique et les réseaux sociaux en prennent sacrément pour leur grade. Le souci relatif, c'est que le personnage principal est profondément antipathique pendant la majeure partie du film, tellement il se complaît dans sa médiocrité. Le métrage se rattrape néanmoins dans la dernière partie en montrant que la maladresse du personnage ne l'empêche d'exercer une certaine auto-critique. Ce retournement de registre est représentatif de la vision de l'art contemporain transmise par le film, qui dénonce sa marchandisation tout en ne discréditant pas totalement les créations (finalement, l'aperçu qu'on a de l'exposition The Square donne plutôt envie de s'y rendre). L'opposition entre bourgeoisie faussement altruiste et pauvreté extrême d'une partie de la population, si elle est un peu trop systématiquement assénée, trouve elle aussi son revers salvateur avec la relation pathétique entre notre conservateur de musée et un garçon de banlieue révolté.

Panique à Needle Park
7.2

Panique à Needle Park (1971)

The Panic in Needle Park

1 h 45 min. Sortie : 1 juin 1971 (France). Drame, Policier, Romance

Film de Jerry Schatzberg

Marius Jouanny a mis 8/10.

Annotation :

18 janvier. Premier visionnage.

Schatzberg réalise une introspection dans le milieu des drogués de Needle Park à New York dans les années 70, s'abordant comme le pendant dramatique du point de vue des victimes de la drogue de "French Connection" sorti la même année, tant les deux partagent la même réalisation proche du documentaire. Certes, le rythme et l'écriture ne sont pas aussi aboutis que dans "L'épouvantail", mais le cinéaste a le mérite de se focaliser sur une réalité sociale toute particulière, tout en humanisant ses personnages avec une direction d'acteur exceptionnelle. Pacino et Winn crèvent l'écran, déchire les entrailles du spectateur, et comparé à un "Requiem for a dream" tout cela se fait sans effets de manche. Le cercle vicieux de l'addiction, les gros plans sur les aiguilles qui transpercent la peau, la descente aux enfers du couple qui perd toute dignité pour quelques dollars, rien ne nous est épargné et tout est juste. Avec une fin là encore très abrupte et d'autant plus marquante, Schatzberg montre qu'il ne se complaît pas dans cette réalité sordide, mais veut simplement la décrire et laisser du lest à ses personnages. Je crois que je pourrais écrire des pages entières rien que sur la manière dont "Panique à Needle Park" et "L'épouvantail" se terminent, tellement, c'est paradoxal et passionnant d'un point de vue narratif. Voilà en tout cas du grand cinéma social, synthétisant toute l'hystérie et la détresse des récits du Nouvel Hollywood.

3 Billboards - Les Panneaux de la vengeance
7.6

3 Billboards - Les Panneaux de la vengeance (2017)

Three Billboards Outside Ebbing, Missouri

1 h 56 min. Sortie : 17 janvier 2018 (France). Comédie, Policier, Drame

Film de Martin McDonagh

Marius Jouanny a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

20 janvier. Vu au cinéma.

Voir critique (en cours).

Réveil dans la terreur
7.6

Réveil dans la terreur (1971)

Wake in Fright

1 h 54 min. Sortie : 21 juillet 1971. Drame, Thriller

Film de Ted Kotcheff

Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

23 janvier. Premier visionnage.

Ted Kotcheff explore la confrontation classique entre le civilisé et son altérité radicale, la figure du rural brutale et infréquentable, que tant de films ont déjà abordés, de "Délivrance" à "Massacre à la Tronçonneuse" en passant par "Les Chiens de Paille". Ce qui fait l'originalité de celui-là, c'est d'abord un contexte taillé pour la situation : l'Australie et ses villes isolées par des déserts arides. Elle trouve aussi sa spécificité dans la figure de l'instituteur qui, après un point de fracture qui l'éclabousse, vit une déchéance morale dont il est le premier responsable. Le fait qu'il prenne part aux événements autant qu'il les subit amène à de grands et effroyables moments de cinéma, comme la chasse au kangourou. Ce consentement est corrélatif d'un rapport aux péquenots alcooliques du coin plutôt ambigu, tant la recontre entre les deux mondes produit une violence plus sourde que débridée. Notamment la figure du médecin érudit et sans morale fonctionne très bien tant elle se révèle l'alter-ego pertinent du personnage principal. Tant par sa réalisation envoûtante, de sa bande-son à sa lumière blanche qui baigne les séquences, que par son récit finement rythmé et toujours très crédible, "Wake in Fright" est une pépite pour cinéphile bien heureusement sortie de l'ombre par sa restauration il y a quelques années. Il y a là la liberté de ton et le pessimisme du Nouvel Hollywood, mais aussi le charme du folklore australien détourné avec un sens de l'ironie incomparable.

Zombie - Le Crépuscule des morts-vivants
7.5

Zombie - Le Crépuscule des morts-vivants (1978)

Dawn of the Dead

1 h 59 min. Sortie : 11 mai 1983 (France). Action, Épouvante-Horreur

Film de George A. Romero

Marius Jouanny a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

24 janvier. Premier visionnage.

Il est fascinant de constater à quel point avec un simple film Romero (bien que son premier "La nuit des morts vivants" a déjà apporté certains éléments 10 ans auparavant) a posé les grandes bases du genre zombie, dans ses principes narratifs (le huis-clos, la méthode pour sécuriser un endroit, la confrontation avec les pillards, etc) comme dans son regard critique sur la société. Ici, le consumérisme en prend pour son grade à chaque instant, tant l'on peut associer les zombies aux consommateurs de grands magasins. Les médias en prennent aussi pour leur grade dès la scène d'ouverture. Le truc, c'est qu'en terme de réalisation c'est jamais étonnant et bourré de petits défauts dans le rythme, l'interprétation des acteurs, la dramaturgie, tant et si bien qu'on s'attache assez peu aux personnages. C'est nettement moins ennuyant que dans "La nuit des morts vivants", mais c'est encore dommageable et un peu frustrant, tant on aimerait voir la forme mieux travaillée.

Ponyo sur la falaise
7.4

Ponyo sur la falaise (2008)

Gake no ue no Ponyo

1 h 41 min. Sortie : 8 avril 2009 (France). Animation, Aventure, Fantastique

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki

Marius Jouanny a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

27 janvier. Énième visionnage. Voir critique écrite en 2015.

Pentagon Papers
6.7

Pentagon Papers (2017)

The Post

1 h 56 min. Sortie : 24 janvier 2018 (France). Biopic, Drame, Historique

Film de Steven Spielberg

Marius Jouanny a mis 7/10 et a écrit une critique.

Annotation :

30 janvier. Vu au cinéma.

Voir critique.

À propos de Nice
7.3

À propos de Nice (1930)

23 min. Sortie : 28 mars 1930 (France). Muet

film de Jean Vigo et Boris Kaufman

Marius Jouanny a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

3 février. Premier visionnage.

Si je trouve les "Zéro de conduite" et "L'Atalante" de Vigo largement surestimés, son premier film, documentaire expérimental d'une vingtaine de minutes sur la ville de Nice, est un morceau de choix. Outre les qualités formelles assez fulgurantes pour l'époque, tant le montage et les mouvements de caméras sont audacieux, le cinéaste parvient à donner un ton lancinant, faussement nonchalant à son film rien qu'avec une succession d'images. L'exercice ludique de passer en revue des endroits différents de la ville tourne vite à l'introspection rugueuse et fascinante, où les terrasses de restaurants bourgeois sont suivis par des images terribles des quartiers populaires de la même ville. Sans tomber dans la démonstration didactique, Vigo tient ainsi à parasiter à ce qui pourrait ressembler à un film publicitaire sur le tourisme de la ville. La réalité est toujours montrée à double-tranchant, jusqu'à rendre un défilé de carnaval morbide et paradoxal. Cette entreprise de déréalisation, bien que trop courte pour être véritablement aboutie et ne pas laisser sur sa faim, est donc une expérience étonnante et radicale.

Zéro de conduite
7

Zéro de conduite (1933)

49 min. Sortie : 7 avril 1933. Comédie dramatique

Moyen-métrage de Jean Vigo

Marius Jouanny a mis 5/10.

Annotation :

6 février. Premier visionnage.

Certes, le film réussit plutôt bien son éloge libertaire à l'enfance, l'insouciance et l'esprit anti-autoritaire de cette classe en internat remontée contre le directeur de leur école. Mais finalement la narration de ces quarante minutes de films est assez brouillonne, à l'image de ces dialogues mal enregistrés en post-synchro qui nuisent sensiblement à l'expérience filmique. Les scènes se succèdent avec un montage tranché et un peu maladroit, les acteurs surjouent en permanence, et il est frustrant que le film s'emmêle souvent dans de simples tours de prestidigitateur à la Méliès ou dans un pastiche de Chaplin, là où il aurait pu aller beaucoup plus loin dans sa proposition narrative, celle d'un groupe d'enfants qui se réapproprie leur lieu d'éducation scolaire à coup de polochon.

Snow Therapy
6.5

Snow Therapy (2014)

Turist

2 h. Sortie : 28 janvier 2015 (France). Comédie dramatique

Film de Ruben Östlund

Marius Jouanny a mis 6/10.

Annotation :

6 février. Premier visionnage.

Le ton cynique et grinçant de Ostlund qui fait la réussite de "The Square" était déjà présent dans "Snow Therapy", s'intéressant à la cellule familiale en vacances à la neige. La médiocrité des personnages est truculente, et la dynamique fonctionne très bien dans la première partie du film, rythmée par un morceau de musique classique, quelques effets de mise en scène bien placés et un sens du comique de situation qui produit un rire gênée, voir de la gêne tout court. Ce n'est clairement pas très subtile mais la mécanique fonctionne à merveille. Seulement, ça s'enraye quelque peu dans la seconde partie qui répète les mêmes situations narratives, rendant l'enchaînement dramatique un peu lourdingue, jusqu'à la scène où le personnage principal craque dans un déluge de cris qui entame encore plus la crédibilité du film. La trame est donc nettement plus maîtrisée dans "The Square", mais au fond tout es déjà là, le temps de quelques plans fixes où l'harmonie familiale se fissure peu à peu sous mes yeux je dois dire assez horrifiés.

Le Retour
7.8

Le Retour (2003)

Vozvrashcheniye

1 h 46 min. Sortie : 26 novembre 2003 (France). Drame

Film de Andreï Zviaguintsev

Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

9 février. Premier visionnage.

Ce premier long-métrage de Zvyagintsev est magistral. Evidemment, la parenté avec Tarkovski est flagrante, du choix des décors à la longueur des plans, mais le réalisateur trouve son propre credo avec une narration moins distanciée, sans pour autant perdre en subtilité dans le développement des personnages. La famille, thème central de son cinéma, est ici vue par le prisme de deux enfants dont le père revenu après douze ans d'absence les emmène en vacances. Le besoin d'amour de l'un comme de l'autre, exprimé différemment, fait se dérouler le récit dans une ambivalence douce-amère, jusqu'aux dernières séquences dans cette île qui parachève les intentions du film avec un certain génie, tant le sentiment d'incompréhension et d'irrésolution dans les agissements du père laisse un sentiment profond et diffus de mélancolie. L'irruption du symbolisme se fait alors avec une certaine subtilité, malgré la brutalité du retournement scénaristique.Tant de maîtrise dans la mise en scène et dans la narration dès la première réalisation, tout cela annonçe une filmographie riche et précieuse. Ce qui est brillant, c'est que le film se veut tout autant une expérience de cinéma visuellement très riche et un portrait très intimiste d'une famille dont l'entente est basée sur le non-dit pour le meilleur comme pour le pire.

Faute d'amour
7.2

Faute d'amour (2017)

Nelyubov

2 h 07 min. Sortie : 20 septembre 2017 (France). Drame

Film de Andreï Zviaguintsev

Marius Jouanny a mis 8/10.

Annotation :

12 février. Premier visionnage. Vu au cinéma.

Ce dernier film de Zvyaguinstev dresse un portrait critique de la société moderne ultra-connecté et ultra-individualiste sans tomber dans le procès à charge bête et méchant. Comment s'y prend-il ? En détournant cette problématique par la fugue d'un enfant mal-aimé, dont les parents se préoccupent trop peu. En se focalisant sur le point de vue des parents, le cinéaste prend le risque de perdre en empathie. Mais il reste suffisamment ambivalent sur ce point pour ne pas rendre ses personnages complètement détestable. La scène à la morgue, comme acmé dramatique, achève ainsi un processus douloureux de délitement du couple qui touche juste. Surtout, le film est encadré par quelques scènes de décors extérieurs absolument sublimes, qui viennent alimenter la mélancolie du film, partagée entre quelques moments d'intimité authentiques et émouvants et une réalité désaturée, asphyxiante et accablée d'artifices. Ce genre de contraste n'est certes pas bien original, mais la mise en scène du cinéaste vient donner du relief à la narration pour rendre le drame captivant et déchirant.

Phantom Thread
7.2

Phantom Thread (2017)

2 h 10 min. Sortie : 14 février 2018 (France). Drame

Film de Paul Thomas Anderson

Marius Jouanny a mis 8/10.

Annotation :

15 février. Vu au cinéma.

Ne connaissant pas beaucoup le cinéma de P-T Anderson à part son ennuyant "Inherent Vice" (une sacrée lacune, j'en ai conscience) je n'ai pas beaucoup à dire sur ce film très classique dans sa forme comme dans son fond, typiquement anglais et romantique. Du James Ivory croisé avec du Visconti en somme, à la mise en scène très léchée qui parvient à transcender sa froideur par une progression assez envoûtante. On se retrouve plongé dans la même torpeur amoureuse que le personnage principal, avec le même lâcher-prise laborieux mais effectif tant la narration est monocorde mais trouve finalement une consistance dans sa dernière partie. P-T Anderson en dit finalement long sur le couple dans cette dramatisation où la relation se révèle très ambivalente sans tomber dans le désespoir d'un "Gone Girl". Ici justement, c'est bien plus anglais et donc la légèreté vient à point nommé nous rappeler que l'amour se fonde sur des ambivalences, des paradoxes et des contradictions, et que ce n'est finalement pas plus mal. La douceur qui se dégage d'une telle conclusion emporte ainsi avec elle les quelques réticences que je pouvais avoir par ailleurs, et consomme l'intention du réalisateur de reprendre la formule du classicisme romantique pour mieux l'éroder, un peu comme Visconti a pu le faire avec "Mort à Venise".

Adaptation.
7.1

Adaptation. (2002)

1 h 54 min. Sortie : 26 mars 2003 (France). Comédie, Drame

Film de Spike Jonze

Marius Jouanny a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

19 février. Premier visionnage.

"Adaptation" a exactement le même défaut que "Dans la peau de John Malkovich" qui le rend tout autant sous-estimé : sa narration foisonnante et foutraque rend les situations narratives difficile à accepter et un peu bancale sur le plan rythmique. Pour le reste, quel trésor d'inventivité ! Kaufman et Jonze proposent l'une des mise en abyme parmi les plus radicales et drôles du cinéma, dont tous les rejetons grand publics actuels ne sont que l'ersatz. Scénario impossible à résumer, cet "Adaptation" pousse très loin l'autodérision autofictionnelle de Kaufman qui s'imagine en scénariste trentenaire frustré et incapable d'amorcer la moindre relation sociale. Que dire si ce n'est qu'on a affaire à l'un des rôles les plus délirants de Nicolas Cage (et ce n'est pas peu dire !) et à une réflexion dialectique sur la création esthétique (et son idéal) qui ne manque pas d'être désamorcée par l'humour (la fin, notamment) pour que le film ne reste pas trop théorique. C'est bancal sur beaucoup d'aspect, mais la fraîcheur emporte le reste sur son passage, tant le métrage redouble à chaque instant d'idées d'écriture et de mise en scène.

Captain Fantastic
7.5

Captain Fantastic (2016)

1 h 58 min. Sortie : 12 octobre 2016 (France). Drame, Comédie, Romance

Film de Matt Ross

Marius Jouanny a mis 6/10.

Annotation :

19 février. Premier visionnage.

La fin trop idyllique, le statut embryonnaire de beaucoup d'idées (au niveau des oppositions idéologiques notamment) nuisent clairement à l'appréciation de ce film indépendant américain typique. Il est clair que dans la mise en scène (caméra à l'épaule) et l'architecture narrative, on a pas grand-chose de bien nouveau à se mettre sous la dent. Reste que l'utopie narrative proposée (un père élève ses enfants dans une autarcie complète et avec une rigueur spartiate pour leur apporter l'autonomie de pensée) et ses limites est plutôt bien développée, et les touches d'humour et de décalage s'y rapportant lorsqu'il s'agit de se confronter à la vie en société sont bien amenés. Tout est assez prévisible, mais la folie de certains passages reste assez jouissive (le Noam Chomsky-day notamment) l'interprétation des uns comme des autres est au top et la dimension dramatique et intimiste sur le deuil aussi bien traitée. Peut-être qu'il aurait fallu que le film restreigne quelques-unes de ses propositions narratives et qu'il colle moins au cliché du "feel-good" movie indépendant américain pour emporter ma complète adhésion, mais en l'état je reste très satisfait.

Les flics ne dorment pas la nuit
7.6

Les flics ne dorment pas la nuit (1972)

The New Centurions

1 h 43 min. Sortie : 11 janvier 1973 (France). Policier

Film de Richard Fleischer

Marius Jouanny a mis 8/10.

Annotation :

21 février. Premier visionnage. Vu au cinéma.

Fleischer signe un film de flic d'anthologie : alors qu'on prêtait déjà à "French Connection" des allures de documentaires, celui-ci, par le milieu qu'il décrit (les flics dans les quartiers pauvres de LA) et par son ambiance très réaliste, va encore plus loin dans cette démarche, avec au passage quelques scènes surréalistes (celle du tunnel notamment) de très bon acabit. Il n'y a certes pas de mise en scène révolutionnaire ou de propos particulièrement étonnant, mais l'humanité qui ressort de chaque personnage et la noirceur du ton générale font de "Les flics ne dorment pas la nuit" un morceau de choix du Nouvel Hollywood.

Jusqu'à la garde
7.5

Jusqu'à la garde (2018)

1 h 33 min. Sortie : 7 février 2018. Drame

Film de Xavier Legrand

Marius Jouanny a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

22 février. Vu au cinéma.

Xavier Legrand, pour son premier long métrage, s'impose avec grandiose dans le paysage du cinéma français. Il prend à revers tous les automatismes de mise en scène dramatique que les cinéastes français ont tendance à rabâcher depuis un certain temps, et ce avec le sujet très galvaudé du divorce et des violences conjugales. A mi-chemin entre le réalisme sobre et le thriller intimiste, il emprunte un chemin cinématographique fertile, se reposant principalement sur l'interprétation exceptionnelle de ses acteurs et sur quelques effets de mise en scène discrets (sur la profondeur de champ, notamment) qui viennent renforcer la tension dramatique jusque dans une acmé comme il est rare d'en voir au cinéma. Le cinéaste embrasse l'ambivalence à tous points de vue, jusque dans son écriture où le père violent, bien qu'acteur de la violence masculine, est aussi un monstre de désespoir parfaitement incarné. En contrechamp, son fils inquiet d'assister à de nouveaux coups portés à sa mère est aussi incroyable de justesse. Entre pudeur intimiste (les derniers instants dans la baignoire après la tempête sont les plus intenses du film) et tension psychologique, "Jusqu'à la garde" étonne et réjouit tant il s'écarte avec pertinence des productions dramatiques habituelles.

La Forme de l'eau
6.8

La Forme de l'eau (2017)

The Shape of Water

2 h 03 min. Sortie : 21 février 2018 (France). Drame, Fantastique, Romance

Film de Guillermo del Toro

Marius Jouanny a mis 7/10.

Annotation :

25 février. Vu au cinéma.

J'ai parfaitement conscience des reproches que l'on peut faire à ce film et au cinéma de Del Toro en général, tant ce dernier ne s'extirpe pas d'un certain manichéisme archétypal, et tant l'enchaînement narratif de ses films manque parfois de cohérence et de subtilité (en l'occurrence, le début de la relation entre la muette et le monstre est quelque peu artificielle, manque de contradictions). Mais lorsqu'on peut dépasser ces quelques grésillements propre à son cinéma, surtout pour celui-ci qui se révèle être le meilleur depuis "Le Labyrinthe de Pan", quel déluge émotionnel ! Son éloge de la différence, des marginaux rejetés de la société fait mouche à tous les étages. Le registre du conte permet un lyrisme tournant à plein régime, qui déconstruit un à un les limites habituellement imposées au genre (notamment sur le plan de l'érotisme) à travers une mise en scène de Del Toro aussi riche, bouillonnante d'inventivité et foisonnante de beauté qu'à son habitude. La bande-originale porte d'ailleurs le tout avec brio. Il est à chaque instant jubilatoire de voir la figure du mâle américain brutal et matérialiste déchanter face à un amour miraculeux qui anéantit chacun de ses obstacles.

Killer Joe
7

Killer Joe (2011)

1 h 42 min. Sortie : 5 septembre 2012 (France). Policier, Drame, Thriller

Film de William Friedkin

Marius Jouanny a mis 5/10.

Annotation :

3 mars. Premier visionnage.

Me voilà pris au dépourvu devant ce Friedkin qui ne ressemble pas du tout à un Friedkin, tant les personnages manquent d'épaisseur et la violence du film en roue libre se perd dans une complaisance stérile. Il y a certes un indéniable talent de réalisation (le montage parvient très bien à faire monter la tension) et d'interprétation (Matthew McConaughey est impressionnant) mais on se demande vraiment où veut en venir la narration tellement elle enchaîne les grossièretés sans vraiment s'en dépêtrer.

Paranoid Park
6.7

Paranoid Park (2007)

1 h 25 min. Sortie : 24 octobre 2007 (France). Drame

Film de Gus Van Sant

Marius Jouanny a mis 8/10.

Annotation :

5 mars. Premier visionnage.

Gus Van Sant continue sa radiographie intimiste de l'adolescence après "Elephant" et bien que celui-ci marque moins, on retrouve une partie de cette authenticité miraculeuse qu'il arrive à capter avec la lenteur contemplative et la bande-son si étrange qu'il met en place. La chronologie du récit est toujours pertinemment éclatée, donnant une impression de flou et qui déréalise la perception du personnage principal avec une grande subtilité. Certes, les passages filmés en vidéo, la répétition parfois injustifiée de certaines scènes, certains effets de bande-son se rajoutent artificiellement au tout de manière assez malvenue, alors que l'épure du reste du film est toujours bienvenue. Exceptée pour la scène de rupture, accompagnée d'une musique qui contraste et enrichit l'expressivité du plan-séquence avec brio. Bref, je crois qu'en attendant de retrouver la même claque qu'avec "Elephant" je n'ai pas regardé le film dans les meilleures conditions, mais quelle sensibilité tout de même !

Roar
6.2

Roar (1981)

1 h 35 min. Sortie : 12 novembre 1981 (États-Unis). Thriller, Aventure

Film de Noel Marshall

Marius Jouanny a mis 5/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

11 mars. Premier visionnage. Vu au cinéma.

Roar est un film blindé de défauts, entre interprétation des acteurs pas au top, enlisement narratif dans des répétitions et des détours à n'en plus finir et franchement dispensables... Mais c'est aussi une performance fascinante, qui au-delà de l'ironie de la conclusion mise en perspective avec le désastre du tournage (70 personnes blessées) met en question notre rapport à l'animal. Certes, tout ceci n'est pas bien subtil mais pointe tout de même la force de nos préjugés et de notre incapacité initiale à adapter notre manière de voir et d'agir à une altérité aussi radicale que des prédateurs de la savane africaine. La spontanéité de nombreuses scènes, qui se reposent beaucoup sur le comportement des animaux, est une source d'étonnement permanente. La radicalité de la proposition rend le film bancal dès le début, mais n'en fait pas moins un objet cinématographique hors-norme et au passage un film militant plutôt efficace.

Birth
6.8

Birth (2004)

1 h 40 min. Sortie : 3 novembre 2004 (France). Drame, Romance, Thriller

Film de Jonathan Glazer

Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

14 mars. Premier visionnage.

Voilà encore un film purement sensoriel dont je ne pourrais pas dire grand-chose de pertinent. Je suis insurgé qu'il soit autant méconnu et sous-estimé, bien que je comprenne pourquoi, tant le pacte avec le spectateur sort des sentiers battus, tant aussi bien du rythme du film que de l'ambiguïté des personnages. Mais cette radicalité fait que, lorsqu'on y plonge à corps perdu, on en sort pas indemne.

La Cité des enfants perdus
7.1

La Cité des enfants perdus (1995)

1 h 52 min. Sortie : 17 mai 1995 (France). Aventure, Fantastique, Science-fiction

Film de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet

Marius Jouanny a mis 8/10.

Annotation :

15 mars. Premier visionnage.

L'expo Caro/Jeunet à Paris m'a donné furieusement envie de découvrir ce film, qui m'a finalement bien plus conquis que "Delicatessen". L'explication est simple : avec cette relation filiale entre Ron Perlman et une petite fille, les cinéastes introduisent du cœur au milieu de l'étrangeté, ce qui manquait au film précédemment cité. Certes, le déroulement est inégal, le film souffre de quelques passages à vide, mais c'est le prix à payer pour une ambiance poisseuse et passant d'un instant à l'autre du glauque au sublime. Et puis surtout, l'inventivité visuelle et le ludisme sont plus écrasants que jamais, tant le film regorge de détails étonnants et insolites. Voilà un credo du cinéma français qui manque cruellement aujourd'hui.

High School
7.7

High School (1968)

1 h 15 min. Sortie : 13 novembre 1968 (États-Unis). Société

Documentaire de Frederick Wiseman

Marius Jouanny a mis 7/10.

Annotation :

16 mars. Premier visionnage.

Wiseman pose sa caméra dans un lycée américain, et démontre par un savant jeu de montage comment le personnel enseignant transmet une certaine idéologie à travers la hiérarchie scolaire et les cours. C'est fin, très bien ciselé même si je trouve le dispositif trop systématique pour ne pas avoir quelques passages à vide. Reste que son regard est singulièrement tranchant, surtout pour un documentaire qui se contente de l'image pour développer son propos, sans la moindre voix-off.

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