C'est d'accord, de Gaulle, pas d'armistice
"Modifier le passé," a dit Jorge Luis Borges, "n'est pas modifier un seul fait: c'est annuler ses conséquences qui tendent à être infinies." Jacques Sapir, Frank Stora et Loïc Mahé se sont donc demandé quelles auraient été les conséquences d'un incident a priori fortuit: la mort prématurée d'Hélène de Portes, maîtresse de Paul Reynaud, le 6 juin 1940.
L'exercice qui consiste à altérer un événement historique pour imaginer quelles en auraient été les effets s'appelle l'uchronie, et il a ses lettres de noblesse. Dans le cas présent, les auteurs partent de l'hypothèse que, sans l'influence défaitiste de sa maîtresse, Paul Reynaud est plus sensible aux arguments de Charles de Gaulle, et accepte sa proposition de poursuivre le combat contre l'Allemagne et l'Italie en opérant un repli massif des forces françaises en Afrique du Nord. La France refuse donc tout armistice et reste dans la guerre, privant l'Axe d'une victoire rapide.
L'ouvrage est écrit comme un vrai-faux livre d'histoire, à ceci près qu'on le lit sans savoir ce qui va arriver puisque ce n'est plus l'histoire réelle. La recherche sur laquelle les auteurs s'appuient, résultat d'un travail collectif de plusieurs années mené grâce à un forum internet, est irréprochable, et la plausibilité des événements décrits jamais prise en faute. On ne peut guère reprocher à ce livre que de s'achever à la fin de l'année 1940, alors qu'on aurait aimé voir le récit mené jusqu'au terme de la guerre voire au-delà. A quand la suite?