Héritier fortuné de la source de Vichy Saint-Yorre, et malade dès l’enfance, Valery Larbaud (1881–1957) passa une grande partie de sa vie, à demi-vécue, entre les quatre murs de sa propriété, et souvent dans des chambres d’hôtel.

La condition de l’auteur, tel un nomade sédentaire dans sa chambre d’hôtel – à condition que ce ne soit pas un hôtel de deuxième ordre -, ce lieu intermédiaire entre maison et hôpital, cet espace de détachement où l’écrivain observe, tandis que «le monde avance sous ses yeux comme un fleuve qui coule», est subtilement décrite dans ce récit, mais aussi dans la belle et courte préface d’Alberto Manguel à ce petit texte de 1927.

«L’hôtel que choisit Larbaud, ou qui a choisi Larbaud, dans lequel il a écrit «200 chambres 200 salles de bains», est le centre du monde pour l’écrivain. Il dit l’aimer plus que sa maison natale, plus qu’aucune des maisons où son enfance a passé », comme on aime davantage, avec plus de passion, l’inconnue croisée par hasard dans une gare ferroviaire que les fidèles membres de sa famille qu’on ne connaît que trop. Pour aimer pleinement, nous avons besoin de savoir qu’il y a chez l’être aimé de dangereuses étendues de «terra incognita».»

Valery Larbaud écrivit ce texte dans la chambre d’un palace portugais, non loin de Coimbra, dont on peut aisément se représenter, avec les gravures de Jean-Émile Laboureur, les salons, les jardins et l’atmosphère de langueur qui y étreignit le convalescent.

J’apprécie cet état de suspension, de retrait que permet le séjour dans une chambre d’hôtel.
Ainsi, tout en regrettant la minceur du récit et sa conclusion abrupte qu’on dirait interrompue par une recrudescence de la maladie, j’ai aimé la finesse des observations de Valery Larbaud, et en particulier le portrait de la comtesse X…, cliente du palace, qui creuse ses dettes et mène la grande vie et qui, tout en redistribuant cadeaux et jouets autour d’elle, marche droit devant elle vers le précipice.
MarianneL
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le 12 févr. 2014

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