Ça ressemble à peu près à du Lauzier, mais sous le pendant féminin. Elle prend à partie le lecteur comme dans ces films des années 70, où une voix off fait de l'ironie sur la situation des personnages, ça fait un peu BD. Ça se lit tout seul, un peu comme du Beigbeder, agréablement et sans trop d'effort. Easy-reading [dirais-je, si je n'étais pas autant assommée par cette manie de s'auto-coloniser par l'anglais, et d'en faire un concours permanent.]
Le thème, c'est les Desesperate housewives des années 90, féministes ex-soixante-huitardes, secouées par les affres de la crise de la quarantaine, sauf qu'elles glandent au boulot et pas à la maison (au passage, ça ne dépend pas le travail dans un Journal comme très besogneux). Elles veulent un enfant, avec ou sans père on s'en fout, comme une crème de jour: pour ne pas se sentir vieilles, et cherchent des solutions pour obtenir des arrêts-maladie à l’œil, et des amants pour aider à payer les extras, les sorties et les impôts. C'est un bon résumé de la vie de Claude Sarraute, avec la désinvolture qui la caractérise. Je suis bien contente de n'avoir pas eu 20 ans en 68, c'est sinistre, mais le livre se laisse lire.
J'espère également que les féministes de 68 ne feront jamais un changement de sexe, parce que remplacez un peu pour voir "homme" par "femme" dans ce qui suit:
Ça manque terriblement d'homme par ici! Par ici, j'entends en Europe ou aux États-Unis,
parce que en Afrique et en Asie, au moins de ce côté-là, y pas pénurie. (...)
On ne parle que de ça. De la crise de l'amant.
Pour en dénicher un en bon état, qui ne nécessite pas d'énormes travaux de ravalement,
faut vraiment se lever de bonne heure. (...)
Y a plus rien de libre. Alors, à défaut d'être propriétaire,
comment faire pour se procurer un mec? Le louer. (...)
Accepter d'avoir une histoire avec un homme marié.
Y a un autre truc bizarre dans ce livre, ce sont les blagues sur l'inceste, OK, c'est un bouquin d'humour, mais je trouvais que ça revenait quand même beaucoup, alors, après lecture de ce livre, ça m'a mis la puce à l'oreille, et j'ai cherché à propos de Claude Sarraute, si elle n'avait pas elle-même connu des attouchements, et tenté de dédramatisé par des vannes (parce que ça tourne quand même beaucoup autour de cela)
Voilà ce qu'elle dit:
[Elle explique qu'à sa majorité, elle voulait se barrer de chez elle le plus vite possible] (...) J'avais > un gros problème, c'est que mon mar... mon père pardon, me caressait dans tous les sens.
J'ai failli être violée par un de ses meilleurs amis, qui avait le même goût pour les petites filles.
Maintenant je comprends mieux pourquoi ce genre de passages m'ont choquée. Ça prend un tout autre éclairage.
Écoute maman, je t'en prie épargne-moi les détails de ta vie intime.
-(...) Qu'est-ce que tu peux être devenu pudibond! Il n'y a pas si longtemps, quand je me promenais toute nue devant toi, tu appréciais drôlement.
Je me rappelle même qu'une fois tu m'as dit: Montre.
T'as regardé et t'as ajouté, l'air pénétré: On dirait le hérisson qui sert
à enlever la boue des chaussures (...) Je peux toucher?