Comment le pessimisme prend forme en littérature et sur écran

Après les récents dictionnaires du péplum et du cinéma italien, les éditions Vendémiaire renouent avec le septième art – mais pas que. Dans une indispensable Anthologie des dystopies, le journaliste et romancier Jean-Pierre Andrevon évoque « les mondes indésirables de la littérature et du cinéma ».


Avant de passer en revue les motifs récurrents de la dystopie, Jean-Pierre Andrevon nous octroie une entrée en matière d’une cinquantaine de pages portant sur les utopies et les dystopies les plus célèbres de la littérature et du cinéma. Parmi elles, quatre romans occupent une place de choix : les incontournables 1984 de George Orwell et Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, le précurseur et non moins passionnant Talon de fer de Jack London, mais aussi le plus confidentiel Nous de l’écrivain russe Ievgueni Zamiatine. Au programme : eugénisme, surveillance de masse, capitalisme exacerbé, déterminisme social, totalitarisme, planification absolue, refonte et exploitation du langage à des fins d’endoctrinement, etc. Tout est déjà là, conté en clerc, et le Metropolis de Fritz Lang, avec sa cité verticale et sa caste de travailleurs-esclaves, vient en outre s’immiscer en bonne place parmi ces chefs-d’œuvre intemporels.


L’ouvrage de Jean-Pierre Andrevon est ensuite découpé en chapitres thématiques. Ces derniers portent sur l’hyper-connexion, la censure, la société du spectacle, les robots, la dictature, les classes sociales, la manipulation des corps… Le lecteur se voit ainsi confronté à un panorama encyclopédique liant les œuvres, littéraires ou filmiques, les unes aux autres en fonction de parentés thétiques. Jean-Gaston Vandel, pseudonyme derrière lequel se cachent deux romanciers belges auteurs de dizaines de dystopies sur le totalitarisme, côtoie George Orwell, Chantal Montellier (la bande dessinée Shelter market) ou Stanley Kubrick (Orange mécanique). Don Chaffey (Jason et les Argonautes) fraie avec Isaac Asimov (les lois de la robotique) ou Alex Proyas (I, Robot). Dans un chapitre intitulé « On est trop nombreux » figurent un classique comme Soleil Vert, un titre mémorable comme Le Congrès, mais aussi un essai bien plus fragile comme Seven Sisters.


Sans prétendre à une exhaustivité qui ne saurait être qu’illusoire, Jean-Pierre Andrevon évide peu à peu le concept de la dystopie. Il en extrait les caractéristiques communes, les met en exergue et en parallèle, passe d’un médium à l’autre et montre comment les créations artistiques inscrivent à leur frontispice des préoccupations politiques et sociétales majeures. C’est ainsi que Blade Runner, en littérature comme sur écran, s’est intéressé aux intelligences artificielles. Ou que Mad Max s’est penché sur le problème des ressources naturelles. Et que dire de Black Mirror, Her, Alain Damasio, Andrew Niccol ou Harry Harrison ? La dystopie est un avertissement contre l’indésirable, une démonstration des mécaniques complexes qui régissent les sociétés, soit deux points que l’auteur de cette anthologie restitue avec talent.


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Cultural_Mind
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le 9 mars 2020

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