Anouilh est le meilleur dramaturge non pas de sa génération, ou de son siècle, mais de l’Histoire. C’est un fait indiscutable ; nul ne peut se mesurer à son Œuvre, pas même les grecs antiques, le surcoté Shakespeare, les classiques Racine ou Corneille, ou notre monument national Hugo. Antigone est sa pièce la plus connue (mais pas nécessairement sa meilleure, la palme revenante, à mon humble avis à La Sauvage).
Antigone est une relecture de la pièce de Sophocle Enfin, relecture ; c’est vite dit. Sophocle n’a pas inventé le destin d’Œdipe et de ses successeurs ; c’était une vieille légende qui a circulé et s’est développé dans la Grèce antique pendant une multitude de génération. Sophocle a juste repris ces personnages pour développer les thèmes qu’il avait envie de développer, tout comme Racine ou Corneille choisissaient des personnages ayant vécu durant l’antiquité pour mieux parler de leur monde.
Anouilh fait de même ; il prend Antigone, Créon, Ismène ect…, et les place dans un décor qui rappelle tantôt la Grèce antique, tantôt le monde contemporain (l’idée de faire boire du café aux personnages est aussi simple que géniale). Une fois que le contexte est posé, il suffit de voir les personnages évoluer librement dans leur univers. Et c’est là ou le théâtre d’Anouilh est magnifique ; il sait sublimer ses personnages. Personne, dans l’histoire, n’a su mieux décrire les protagonistes de son histoire. Il a parfaitement su capter l’essence même d’Antigone ; une jeune femme aussi fragile qu’un oisillon qui vient de naitre. Malgré sa haute naissance, c’est quelqu’un d’absolument banal, pas le genre de fille sur laquelle on écrirait, contrairement au noble Hémon, à la charmante Ismène, ou au puissant Créon. Pourtant, malgré sa faiblesse, Antigone a quelque chose que les autres n’ont pas ; des convictions inébranlables, une force mentale remarquable. Avec un simple sourire, elle réfute tous les arguments de ses amis, parents, amants, qui l’incitent à être « raisonnable ». Elle ne se bat pas pour sa vie, mais pour autre chose, qui est plus élevé ; et rien ne peut la stopper. En fait, l’Ubermensch n’est pas un puissant guerrier de 190 cm blond aux yeux bleu, mais une faible femme de 160cms pour 40kg, qu’un alizé pourrait terrasser.
Non seulement Anouilh maitrise parfaitement ses personnages, mais il maitrise parfaitement son médium, le théâtre. Sa plume n’est pas lyrique et chargée de milles métaphores ; elle est légère et épurée, comme la chantilly qui vient sur des pesantes, mais néanmoins délicieuses profiteroles ; malgré la lourdeur des thèmes traités, jamais Anouilh n’est indigeste ; ses pièces sont toujours rythmées et lisible. Des puristes (à la con) pourraient le railler, en comparant la pauvre prose simpliste d’Anouilh à la perfection mathématique des vers des classiques. Mais ils ont tord ; demandez à n’importe qui de lire une de ses pièce, et ensuite d’imaginer comment il la jouerait. Normalement, la réponse est aisée ; quand on lit du Anouilh, on sait déjà comment les acteurs devraient jouer. Peut être qu’il est moins sophistiqué que d’autres, mais ce n’est pas sur ça qu’il faut le juger, mais bien sur la précédente propriété.
Et malheuresement, aucune pièce de ce génie francophone n’est étudié en cours de français#triste.