Un pays qui a produit Emanuel Kant, Klaus Kinski et le nazisme est à priori insensible à la dérision, peu porté sur la fantaisie et carrément allergique à l’humour noir. J’ai autrefois rencontré une Allemande francophile qui m’avait parlé du seul livre existant sur l’humour allemand : il fait une page recto-verso ! avait-elle ajouté.
Or, Auguste Bolte peut être lu comme un livre d’humour.
Une femme marche dans la rue et commence à suivre un groupe de dix personnes : on s’en tiendra à ce résumé, sans nier que son intérêt est quasiment nul. Ce qui importe dans ce récit, ce sont les digressions. Comme Kurt Schwitters est peintre et sculpteur avant d’être écrivain, son écriture est pleine de concepts. Ce n’est pas un hasard si le texte se clôt sur une de ces déclarations d’intention dont les avant-gardes ont toujours été friandes : « Le lecteur croit avoir le droit de l’apprendre, mais le lecteur n’a aucun droit, et en tout cas pas le droit d’apprendre quoi que ce soit dans une œuvre d’art » (p. 62 de la réédition Allia).
De fait, c’est sans doute aussi ma méconnaissance du dadaïsme – ou mettons d’un genre de péri-dadaïsme… – qui m’a empêché de goûter pleinement à Auguste Bolte. Car il semble y avoir ici quelque chose comme un cryptage, que les efforts valeureux de la traductrice Catherine Wermester ne peuvent pas rendre dans leur totalité. « Mlle Dr. Auguste se tenait maintenant là comme une sculpture décorative au milieu d’un espace vert », écrit Schwitters (p. 51), avant d’ajouter dans une note de bas de page « Comme un critique d’art dans une exposition. » Dire ça, c’est en dire trop ou pas assez.
Et au bout du compte, le tout sonne assez creux.

Alcofribas
4
Écrit par

Créée

le 3 nov. 2017

Critique lue 131 fois

1 j'aime

Alcofribas

Écrit par

Critique lue 131 fois

1

Du même critique

Propaganda
Alcofribas
7

Dans tous les sens

Pratiquant la sociologie du travail sauvage, je distingue boulots de merde et boulots de connard. J’ai tâché de mener ma jeunesse de façon à éviter les uns et les autres. J’applique l’expression...

le 1 oct. 2017

30 j'aime

8

Le Jeune Acteur, tome 1
Alcofribas
7

« Ce Vincent Lacoste »

Pour ceux qui ne se seraient pas encore dit que les films et les albums de Riad Sattouf déclinent une seule et même œuvre sous différentes formes, ce premier volume du Jeune Acteur fait le lien de...

le 11 nov. 2021

20 j'aime

Un roi sans divertissement
Alcofribas
9

Façon de parler

Ce livre a ruiné l’image que je me faisais de son auteur. Sur la foi des gionophiles – voire gionolâtres – que j’avais précédemment rencontrées, je m’attendais à lire une sorte d’ode à la terre de...

le 4 avr. 2018

20 j'aime