Avant de commencer, il est nécessaire de s'entendre sur quelques termes :



  • Le travail désigne une activité salariée ou non.

  • L'emploi est une relation contractuelle entre un employeur et un ou
    des employés.

  • Le métier est une compétence acquise par une formation, le plus
    souvent validée par un diplôme.

  • Le boulot est un travail dégradé ou dégradant. Il peut être utile ou
    nuisible.


Un boulot nuisible peut être bon s'il est bien rémunéré ou socialement valorisé. Être Jacques Attali, David Pujadas, Bernard-Henri Lévy ou trader entre dans cette catégorie. Ça rapporte bien, on est invité à donner son avis dans les médias mais on ne produit que pour soi ou pour une minorité et l'on est nuisible à la collectivité.


Un métier utile peut parfois être un bon boulot. Je pense, par exemple à la profession de chirurgien qui réussit à être socialement utile et, à ce titre, valorisée mais également stimulante et passionnante, bien que lourde de responsabilités.


Une infirmière, par contre, est typiquement le genre de métier utile mais qui rentre dans ce que les auteurs qualifient de "boulots de merde", non pas intrinsèquement mais, et c'est là l'objet de leur ouvrage, parce que l'idéologie de la société contemporaine tend à merdifier impitoyablement les conditions de travail, à coup de Lean Management, de Toyotisme.


Prenons l'exemple de la police (ou de l'armée), c'est un métier, c'est utile (bien que contestable et contesté sur certains aspects du travail) mais pour l'idéologie managériale, c'est cher et improductif, il faut donc rationaliser le boulot et le merdifier à coup de statistiques à respecter, puis dégraisser les effectifs et confier le bébé au privé, comme c'est déjà le cas sur la Côte Normande où les sociétés de sécurité et de gardiennage ont pris le relais de la Police des Frontières et des Douanes afin de gérer l'incurie, née des accords Franco-Britanniques, concernant les Ports de Calais ou Dunkerque où affluent les migrants désirant rejoindre la, de moins en moins, verte et riante Albion.


Le secteur de la publicité doit être incontestablement rangé dans la case des nuisibles, leur activité consistant principalement à maquiller et parfumer la merde hors de prix pour tenter de nous convaincre de remplacer celle de l'an dernier, dont nous n'avions déjà pas besoin, par la nouvelle, que rendra obsolète celle de l'an prochain. Cette profession procure des emplois mixtes.



  • D'un côté, des jobs médiatiquement valorisés et sollicitant (en un
    combat douteux) l'inventivité de créatifs chimiquement assistés.

  • De l'autre, des boulots de merde pour distribuer des prospectus (qui
    vont infailliblement encombrer les boites aux lettres et rejoindre
    impitoyablement les poubelles), emplois soumis à la préquantification
    des heures de travail (en gros, le patron estime, dans le monde
    virtuel, que ça te prend 1 heure, payée 1 heure, pour faire ce qui,
    dans le monde réel, prend 2 heures de préparation et 2 heures de
    distribution (sans compter les frais d'essence et d'entretien du
    véhicule nécessaire).


La merdification de l'emploi, s'étend également, Uber est là pour le confirmer, à des secteurs déjà pénibles comme la conduite des taxis mais aussi à la maintenance dans les usines, où les ouvriers sont de plus en plus contraints de se reconvertir en auto-entrepreneurs et de prendre (à tarifs compétitifs) à leur charge les cotisations, naguère supportées par leur ex-employeur, désormais donneur d'ordre.


L'ouvrage que je commente fait le constat de cette merdification en recensant différents secteurs précarisés et en interrogeant les différents acteurs concernés sur leur pratique, leur vécu et leurs impressions et commentaires.


La Loi El-Khomri qui rentre en application ce mois-çi, Merci MM. Valls, Macron vise à étendre cette merdification à l'ensemble du monde (de moins en moins) salarial dont l'horizon (envisagé du point de vue du MEDEF) semble se rapprocher inexorablement des conditions du Bangladesh…

JackySouli
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le 8 janv. 2017

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Jacky Soulié

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