L’histoire ? En 1999, vingt-cinq enfants d’une chorale de retour d’une tournée dans le massif de la Grande Chartreuse disparaissent lors d’une panne d’autocar. La forme ? Un texte de théâtre pour trois acteurs et une dizaine de personnages. Les premiers interprètent-ils les seconds, ou bien jouent-ils leur propre rôle d’enquêteurs ? Un peu des deux, ce qui me semble faire partie du charme du texte. En tant que spectacle, cette pièce qui malmène les conventions théâtrales sans les briser n’est pas ce qu’il y a de plus évident
La raison de la disparition des enfants, moins brutale que dans Sauvagerie de Ballard, se dessinera petit à petit.
Sous-titrée « l’Assemblée des clairières », la pièce pourrait tout aussi bien s’intituler « la Social-démocratie participative à l’usage des écoles ». Ce trait est clairement ce qu’il y a de plus niais dans cette « commande d’écriture » – l’expression figure dans le « dossier pédagogique » de Comme si nous… C’est Djamila, une choriste de onze ans, qui dit : « Il faut qu’on crée les conditions de la parole, de la parole de chacun » (p. 43), mais ça pourrait être n’importe quel connard sévissant dans la communication d’entreprise, les ressources humaines ou l’éducation civique (1).
Ceci étant posé, il faut rendre justice à la pièce : elle n’est pas – coucou, F. Bégaudeau ! coucou B. Lambert ! – une leçon de morale ressassant une bonne parole à laquelle chacun serait prié de croire aussi indiscutablement qu’elle est creuse. Quand le même personnage affirme, quelques pages plus tôt : « Chacun essaye de dire ce qu’il a au fond de son cœur et on verra bien ce que ça donne. Déjà ça, c’est pas vraiment facile » (p. 31) ou un peu plus tard : « Quand on écrit, il y a que les grands qui écrivent ou bien les petits genre les premiers de la classe. Quand on parle, c’est pire : il y a même plus tous les grands qui osent » (p. 50), on peut déplorer la langue infantilisante, mais on doit admettre qu’on se détache d’une optique de Bisounours ou de Barbie.
Parce qu’il y a l’aventure. Un personnage lit – aux autres ? – une robinsonnade, intitulée les Naufragés secrets. La disparition – mais pour quel endroit ? – des enfants est traitée comme une enquête policière. La cheffe de la chorale s’appelle Mme Hamelin, et même le chœur des comédiens remarque que « C’est pas un nom banal dans une histoire de disparition d’enfants, Hamelin… » (p. 54). Évidemment, comme dans tout récit d’aventure mettant en scène des enfants, les adultes – ici Mme Hamelin, le chauffeur du car et un gendarme –, aussi bien intentionnés soient-ils, ne comprennent pas l’essentiel.
Et puis il y a la langue, d’une simplicité qui n’est pas du simplisme. Prise indépendamment des autres, aucune réplique n’est véritablement marquante. Seulement, on s’aperçoit petit à petit que des formulations, des passages reviennent. D’entrée (p. 12), « Peut-être que certains éléments de l’enquête sont plus importants que ce que les gendarmes ont pu croire ». Quelques répliques plus tard, « Dans cette histoire, les paysages sont très importants ». Encore un peu plus loin (p. 16), « Dans cette histoire, les chansons d’enfants sont très importantes » (2). Dans le même ordre d’idées, il y a tout ce qu’« il faudrait pouvoir imaginer » ou « réussir à raconter ». Comme si nous… laisse des creux.
Pièce pour enfants, peut-être. Mais pas exclusivement, et qui ne prend pas les enfants pour des demeurés.


(1) L’idée que personne ne souffrirait si tout le monde pouvait s’exprimer est peut-être une des plus stupides et des plus pernicieuses de toutes celles que la culture politique / civique actuelle a tirées de l’authentique humanisme.
(2) Au final, « Dans cette histoire, les paysages », « les chansons d’enfants », « les pensées » deux fois, « même les idées bizarres », « les histoires », « les coïncidences » et « les indices sont importants ».

Alcofribas
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le 26 août 2020

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