Pensées ténébreuses

J'ai découvert cet opuscule un peu par hasard en parcourant une liste intitulée "Contre la vision journalistique du monde". Le moins qu'on puisse dire, c'est Léon Bloy est effectivement à contre-courant de ce que certaines appellerait "la bien-pensance" ou "la pensée unique", se posant en pourfendeur de la modernité. Il pointe du doigt les dérives d'une société obsédée par le progrès technique et aveuglée par le matérialisme, et propose quelques envolées intéressantes sur la spiritualité et la foi.

Pour le reste, ce bref pamphlet (inachevé, semblerait-il) est un ramassis de propos réactionnaires et idéologiques dignes du siècle dernier : ça tombe bien, il a justement été rédigé en 1917. Léon Bloy nous fait l'apologie de la souffrance, comme seul moyen d'obtenir la rédemption, avant de se lancer dans une pénible apologie de la guerre, art qui permettrait aux hommes de révéler leur esprit chevaleresque et leur héroïsme... Le tout exposé dans un style alambiqué et désuet, à la limite du mysticisme. L'omniprésence des références à la Bible et à la liturgie catholique donne un sacré coup de vieux au texte et rendent sa lecture particulièrement pénible.

Je comprends aisément qu'un tel brûlot satisfasse un lectorat catholique ou anti-moderne convaincu. Pour la grande majorité d'entre-nous, je n'y vois guère plus qu'une curiosité littéraire et philosophique. Dans la catégorie des essais d'inspiration catholique, on préférera Georges Bernanos et son ouvrage La France contre les robots, paru trente ans plus tard et d'une universalité bien plus criante.