Densité folle, émotions fortes, voyage aux confins des mondes qui nous ceignent, que nous traversons, créons à chacun de nos pas – ou sont-ce ceux-là même qui nous avancent ? Dis-moi, ma vie est un long poème dont on ne s'extirpe pas, qui colle au cœur et à la peau, un de ces textes qui touchent au sublime des projections de soi dont on ne sort qu'en l'assimilant, plus sage peut-être. Où le dialogue intime en mouvement, sous les élans écrasants du temps qui passe, annihile, vieillit, éloigne, chante



l'urgence de vivre.



C'est d'abord le dédoublement qui accroche, l'homme et sa vie, la vie et l'homme, du prédateur ou de la proie qui chasse l'autre ? Qui anime, qui meut ? Et l'équilibre précaire alors jamais totalement révélé nous entraîne aux éphémères de l'existence en un périple intense de paysages urbains, naturels, industriels encore, en une épopée d'émotions qui s'enchâssent, se dévorent en instants :


une grammaire en mouvement



Alors l'on se laisse emporter comme **Pierre Seghers** en ses quêtes et la poésie vit, vibre. S'impose en appréhension nécessaire à l'existence, cet éphémère d'années filé d'éphémères instantanés surannés déjà, clignements d'yeux. On y respire 


l'ancrage profond au sol,



la pesanteur terrestre qui nous promène en ses prairies, nous chahute de ses tempêtes et nous retient de ses roulis quand nos psychés toujours nous emmènent ailleurs, aux fils de nos imaginaires, à l'arpent de nos univers propres. Alors le poète nous dit combien nous sommes de toutes façons tous prisonniers de nos propres visions – de nos propres points de vue, de nos propres esprits.



Celui qui ne s'accepte pas

et voudrait sortir de lui-même vit dans
le grès et dans l'obscur, à l'intérieur d'un cube étroit sans portes,
sans issues



Et que le comprendre ce n'est pas abandonner, se résigner. Qu'au contraire, au fil des hasards qui essaiment sur nos chemins, qui tracent parfois nos voies loin des aspirations, des ambitions, des rêves, c'est bien cette voie là qui nous fabrique, qui nous crée – une forme d'existentialisme – et qu'il n'appartient qu'à chacun de l'accepter, d'y vivre et de s'y ancrer pour mieux en jouir :


 il était singulier de vivre nous côtoyant.



*Qui sommes-nous ?* clôt le recueil, composition de sept textes numérotés qui vient illuminer l'ensemble pour cette ode finale à l'éphémère encore, où la vanité des serpents qui se dévorent à signifier le cède à la félicité sage de l'acceptation de nos intangibilités profondes, dont la musique – nos sens, nos émotions – est la juste contrepartie. 


Où le présent est un cadeau.



Ne pas se fier à l'apparence courte du recueil, *Dis-moi, ma vie* est un pavé de positivité, de sagesse et de poésie pure dédié aux saveurs de l'éphémère, 


un livre aussi intense, aussi plein qu'une vie !


Créée

le 4 févr. 2021

Critique lue 61 fois

Critique lue 61 fois

Du même critique

Gervaise
Matthieu_Marsan-Bach
6

L'Assommée

Adapté de L’Assommoir d’Émile Zola, ce film de René Clément s’éloigne du sujet principal de l’œuvre, l’alcool et ses ravages sur le monde ouvrier, pour se consacrer au destin de Gervaise, miséreuse...

le 26 nov. 2015

6 j'aime

1