Drood
6.5
Drood

livre de Dan Simmons ()

Dan simmons est un auteur protéiforme, il veut toucher à tout, aborder des styles différents, et gagner ses lettres de noblesses à chaque fois là où on l'attend le moins. Drood est donc l'œuvre gargantuesque d'un écrivain qui veut qu'on le remarque, et met les moyens pour attirer l'attention.

Après un "Terreur" (moyen) qui mélait horreur et fiction documentaire à propos de l'expédition perdue de Franklin au milieu du XIXème, Simmons se lance à corps et à cris dans une double biographie fictive/romancée de L'écrivain anglais le plus connu au monde : Charles Dickens, et de son acolyte du moment Wilkie Collins - "couple" d'écrivains de l'époque victorienne qui avait écrit et créé une oeuvre de fiction retentissante (à l'époque) autour de cette même expédition Franklin(Profondeurs glacées). On pense tout de suite que cette anecdote littéraire du couple créateur formé par les plus grands écrivains anglais de l'époque a dû donné à Simmons l'envie d'en faire son nouveau roman. Donc acte.

On sent immédiatement l'esprit documentaire et d'inspiration qui va animer la conception et la rédaction de Drood. De partir de la génèse supposée du dernier roman inachevé de Dickens(Le mystère d'Edwin Drood) pour aborder en vrac un assemblage boursouflé de thèmes : de la biographie des 5 dernières années de vie de Dickens, de Collins, de la création littéraire, de l'imagerie fantastique de l'époque Victorienne faite de cultes égyptiens, de ville dans les égouts, de cimetières visités, de rêves opiacés... Car roman fantastique, roman policier, biographie, documentaire social, étude fantasmée de la création littéraire, journal intime d'un écrivain "looser" vont se téléscoper le long de 800 pages brillantes parfois, besogneuses le plus souvent -

car Simmons s'enflamme, aborde tout, empile, entasse, et tantôt semble coller dans un réalisme historique, pour deux pages plus loin prêter à des personnages des conceptions complètement fantasmagoriques qui pourront faire rire, ou simplement user. Il fera de Collins un opiomane acre, creusé de jalousie, cynique, de Dickens un monstre génial antipathique, et du tout un binôme bancal mélange d'admiration de soumission, de respect et de haine -

alors, l'ouvrage est lourd à ingérer, il est trop long, il aurait mérité plus d'attention de la part de son auteur, plus de concision - après un démarrage qui semble être piqué "des mains d'orlac" de Maurice Renard, narrant l'accident de train dont Dickens est sorti indemne, l'ouvrage va s'épaissir petit à petit et se composer par d'étranges répétions de schémas narratifs qui vous usent à la lecture(les dialogues Dickens-Collins), d'étranges scènes (plutôt brillantes) ou le livre s'emballe en devenant onirique, fantasmagorique(les expéditions sous la ville), suivi hélas souvent de rien... comme si Simmons passait subitement à autre chose, et ne continuait pas ce qu'il amorçait. Au final il finira par créer un sentiment d'antipathie général pas vraiment heureux, surtout si l'on apprécie ces deux auteurs - la prétention de Simmons d'écrire à la place d'un auteur brillant (Collins) de saborder ses créations (la dame en blanc, Pierre de Lune) et de lui faire commettre un assassinat fictif est un peu, voir beaucoup capilotracté et par moment trop à charge - ça en devient parfois agaçant.

Mais l'ensemble se tient pour un bon documentaire, et un bon faux-roman "Victorien" avec pas mal de choses intéressantes, méconnues, pour nous lecteur Français sur Dickens et Wilkie Collins, essentiellement sur leur vie privée et conjugales. Les descriptions des Lecture publiques de Dickens valent leur pesant d'or, par exemple.

Donc féru d'ambiances victorienne, lecteur de Dickens ou Collins, ça vaut peut être le coup de s'y lancer - au risque peut être d'en subir une indigestion. A contrario, l'ouvrage et son côté mammouth ne donnera peut être pas vraiment envie de découvrir ces auteurs-ci si l'on ne les connait pas déjà... dommage.
Zbah
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le 27 janv. 2014

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Zbah

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