Derrière cette couverture et ce titre qui ne paient pas de mine se cache une œuvre fascinante et obsédante. Esprit d’hiver débute comme une histoire banale : une journée de Noël, des cadeaux sous le sapin et un repas de famille. À partir de cette trame ténue, Laura Kasischke tisse une toile habilement ficelée. Car ce matin-là, Holly se réveille tard, beaucoup trop tard, et sent que quelque chose a changé, que quelque chose du passé est revenu jusqu’à eux en ce jour de fête. Retenus par le blizzard, les invités ne viendront pas et son mari est auprès de ses parents. Là voilà seule avec sa fille dont le comportement est étrange, mais de nombreux détails clochent autour d’elle. Si la narration, très condensée, dure moins d’une journée, le temps se dilate à l’extrême ; on navigue avec souplesse entre les époques et les lieux, révélant combien Laura Kasischke maîtrise son art.

Très vite, on est subjugué par la narration qui se focalise entièrement sur les pensées de Holly. Par toutes petites touches, on entre dans son intimité, dans ses angoisses de mère, dans son passé douloureux. Mais Holly nous fait l’énumération, à sa façon un peu obsédante et litanique, de tout ce qui a changé depuis qu’elle s’est levée ce matin, depuis le jour où Tatiana est entrée dans leur vie.

Holly, une femme tout entière dévouée à sa famille et à sa maison, une femme d’intérieur américaine comme on l’entend dans les clichés, dévoile peu à peu ses faiblesses, ses souffrances, ses travers. Elle nous interpelle, nous lecteurs, et souvent directement, sur les thèmes de la folie, de l’âme, du sens de la vie et, au-dessus de tout cela : sur nos origines, sur l’endroit où nous naissons qui forge notre identité et auquel on ne peut se soustraire.

Esprit d’hiver est un bijou de la littérature contemporaine. Avec son écriture schizophrénique et angoissante et sa narration fournie, pleine de détails répétés inlassablement par Holly, Laura Kasischke nous tient captifs, nous faisant guetter le moindre élément pour savoir, enfin savoir, quelle est cette chose qui les a suivi depuis la Russie.

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Lybertaire
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le 16 sept. 2013

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