Le désir dépend t-il toujours de celui d'autrui ?

Lorsqu'on observe attentivement une liste de cadeaux adressée directement au père Noël et écrite par un enfant en période de fêtes, on remarque une grande similitude entre les articles de sa lettre et ceux de ses amis. En effet, pour peu qu'un ou plusieurs de ses camarades désire la nouvelle console de jeux à la mode, il est fort possible que notre sujet se mette lui aussi à la désirer et ce, même si il n'avait jusqu'à présent manifesté aucune envie particulière pour cet objet. Ce genre d'exemples ne se limite pas au cadre de l'enfance. Il est très humain de désirer ce que l'autre désire, quelque soit l'âge, la catégorie sociale ou la personnalité du sujet. On peut donc se demander en quoi le désir d'autrui influence t-il notre propre désir et si il est possible de s'en défaire. Pour le savoir, nous étudierons d'abord pourquoi l'être humain calque inconsciemment ses envies sur celles des autres, avant de voir si il nous est possible d'ignorer le désir d'autrui.


Tous d'abord, selon Rousseau, le désir est une chose primordiale pour tous êtres humains. En effet, au-delà de nos besoins naturels (se nourrir, boire, dormir, ect...), l'homme a besoin d'une raison de vivre, d'un but à atteindre, pour exister et se sentir pleinement vivant. Tant qu'il est dans sa quête pour obtenir l'objet de son désir, il peut se passer d'être heureux, car il sait qu'à l'arriver, la satisfaction de son envie lui apportera un bonheur immense. Idéalisant excessivement la joie que lui procurera l'objet convoité, l'homme est même bien plus heureux en poursuivant sa quête, qu'en la menant à terme. Car au final, le bonheur ne dure qu'un temps, passer le plaisir de la satisfaction, l'homme se met en quête de nouveaux désirs à atteindre. L'être humain a besoin de désirer pour être et celui qui ne désire rien sombre inévitablement dans la dépression, car il n'a plus de raison pour se lever le matin, pour exister et donc n'a plus le goût de vivre. C'est pour cette raison que les multimilliardaires qui peuvent tous se permettre grâce à leur fortune, ne sont pas nécessairement les plus heureux de ce monde, puisque lorsque nous avons la possibilité de tous avoir, l'objet désiré prend une autre saveur et nous paraît de ce fait plus fade. Dans tous les cas de désir, il y a essentiellement, un sujet, un objet convoité par le sujet, mais aussi un rival. Selon le philosophe René Girard, ce dernier est un élément extrêmement important dans le désir humain. En effet, si l'homme a besoin de désirer pour être, il ne sait pas toujours vers quoi axer son désir et prend donc naturellement exemple sur un modèle de son choix afin de décider quel sera l'objet de sa prochaine quête de plaisir. Il voit dans le rival, un homme qui désire, qui a un but à atteindre et qui fait tous pour parvenir à l'objet qu'il convoite, ce qui en fait par conséquent un homme bien plus vivant que lui, qui est sans désir. Recherchant plus que tous à être, il a ainsi l'impression que l'objet convoité par autrui pourra lui apporter une plénitude de l'être absolue et se met donc en tête de l'obtenir lui aussi. Voici pourquoi nous calquons bien souvent nos envies sur celles des autres, inconsciemment ou non. Cette théorie philosophique de Girard, est belle est bien véridique et peut s'illustrer de différentes manières et dans moult situations. En milieu scolaire, où certains élèves désireux de suivre une option facultative, influencerons peut-être certains de leurs amis dans leur désir d’apprentissage. Dans les grandes entreprises, où chacun se sent obligé d'exceller, afin d'avoir une promotion ou un meilleur poste, par peur de se faire devancer par les autres employés désireux de s'élever haut dans leur milieu professionnel. Ou dans un cadre purement intime, aux hasards de conversations entre amis qui parlerons de leurs dernières envies et qui susciteront ainsi le même désir chez leurs interlocuteurs. La publicité est parfaitement consciente de l'importance du mimétisme dans le développement de nos désirs et essaye de l'exploiter en mettant en scène dans leurs spots, des personnages ordinaires, dans lesquelles chaque personne est susceptible de se reconnaître et de s'identifier. En voyant ces derniers désirer des produits de consommation, les publicitaires espèrent susciter en nous l'envie d'acheter à notre tour ces mêmes produits, ce qui d'après les statistiques, continuent d'être efficace encore aujourd'hui. Que le désir d'autrui influence celui du sujet c'est un fait, toute la question est de savoir maintenant si ceci est une fatalité inévitable ou si l'on peut faire abstraction de ce que désire l'autre.
Toujours selon René Girad, le désir ne serait qu'essentiellement mimétique, que le sujet en est conscience ou pas. D'après lui, tout être humain calque ses envies sur celles des autres mais ne l'assume pas forcément. Dans notre société actuelle, où tout le monde cherche à être original et à surpasser les autres, nous ne pouvons admettre que nos désirs ne soient pas personnels mais calqués sur ceux d'autrui. Par conséquent, l'homme va en quelque sorte refouler son mimétisme, n'hésitant pas à se placer comme un modèle dominant par rapport aux autres, croyant que c'est lui qui influence les envies des autres pour cacher son propre mimétisme. Là encore, la théorie de Girard est véridique. On peut prendre pour exemple, certains adolescents qui vers l'âge de 15 ans se mettent à consommer de l'alcool, du tabac et autres substances illicites, afin d'adopter une attitude contestataire et provocatrice vis à vis de leurs parents et du moule de bonne conduite dans lequel il tentent de les maintenir. Cependant, on se rends vite compte que tous ne portent pas cette envie de rébellion en eux depuis toujours et l'ont surtout adoptés car d'autres de leurs amis font de même, suivant ainsi le mouvement. Sous couvert de rébellion, tous ce que font ces jeunes, c'est se détourner de leur modèle parental pour en choisir un autre, mais leurs nouvelles envies sont elles aussi calquées sur celles d'autrui. Cependant, il ne faut pas tous généraliser, le désir de l'autre ne va pas forcément devenir celui du sujet. Tous dépend de la personnalité et des attirances de ce dernier, chaque personne est différente et mettre tous le monde dans la même case n'est pas la chose la plus constructive à faire. Si le modèle désire se faire une tartine de Nutella pour le goûter mais que le sujet est allergique aux noisettes, forcément que ce dernier ne va pas éprouver le moindre désir pour quelque chose qui risque de le tuer. Autre exemple, si lors d'un repas de famille, un enfant parle du dernier film qu'il a envie de voir au cinéma, il ne va pas nécessairement donner envie à toute sa famille d'aller voir l’œuvre en question. Tous va dépendre de l'âge, des goûts cinématographiques ou des préférences personnelles des personnes présentes autour de la table. Énormément de facteurs sont à prendre en compte quand à savoir si le désir d'autrui influence ou non le sujet, ce qui est sûr en tous cas, c'est que le sujet ne sera pas influencé par tous les désirs de n'importe qui. En revanche, il est vrai que l'essentiel de ses envies, dépendent de celles des autres, celles des modèles qu'il se choisit lui même selon sa propre personnalité. Néanmoins, tous nos désirs ne sont pas générés par autrui. Certaines envies qui, là encore sont purement personnelles et propres à chaque personne, peuvent nous apparaître ainsi, sans que nous ayons été influencé par le désir d'un autre. En revanche, si l'on part du principe que ce que désire l'homme au fond de lui ce n'est pas un objet précis, mais plutôt la sensation d'être, d'exister, alors sur ce point là nous sommes tous égaux. Car quelque soit nos divergences, ceci est le véritable but que nous recherchons tous.
En conclusion, l'homme a besoin de désirer pour être et comme il ne sait pas toujours où axer son désir, il a tendance à le calquer sur celui d'un modèle, car ce dernier a un objectif à atteindre et paraît donc nettement plus vivant que lui qui en est dépourvu. L'homme se met donc à désirer ce même objet en étant convaincu que sa possession lui conférera une sorte de plénitude le l'être. Le mimétisme est donc un facteur extrêmement important dans la conception de nos désirs. Néanmoins, tous ce que désire autrui ne va pas forcément être désiré par le sujet. Tous dépend de la personnalité et des préférences de chacun. Il est vrai que l'essentiel de nos désirs sont calqués sur ceux de modèles que l'on se choisit, mais là encore ceci n'est pas une fatalité et il est tous à fait possible d'avoir envie de quelque chose de personnel, sans avoir été influencé par qui que se soit. Cependant tous ces objets convoités ne nous servent en fait qu'à une seule chose : être. Et en prenant cela en compte, on s’aperçoit effectivement que nous poursuivons en réalité tous le même but et le même désir, celui d'exister et de se sentir vivant.

PS: Devoir rédigé à l'occasion d'un bac blanc, n'hésitez pas à mettre une note sur 20 ou à confronter votre propre point de vue au mien sur le sujet ;)


Note du Prof : 9/20
"Ensemble trop juste. Sujet certes pris en compte (référence massive à René Girard) mais non réellement interrogé. Tendance aux généralités"

Alfred_Tordu
5
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le 27 mars 2015

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Alfred Tordu

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