Hellfire
7.9
Hellfire

livre de Nick Tosches (1982)

Biographie enflammée d'un des enfants les plus turbulents du rock.

Nick Tosches, écrivain et journaliste de rock américain, frappa un grand coup avec «Hellfire», une biographie de la démesure de Jerry Lee Lewis, parue en anglais en 1982 (traduit de l'anglais par Jean-Marc Mandioso aux éditions Allia en 2001) .


Cette histoire de l’ouragan Jerry Lee Lewis est aussi celle des origines du rock blanc, enracinée dans les valeurs sauvages des pionniers d’Amérique. La biographie démarre donc par les racines, des grands-parents, des parents, puis de la disparition de son «grand» frère de neuf ans.


«L’un des deux petits garçons devait mourir. L’autre, auquel échut le patrimoine des Lewis, devait s’élever plus haut que le vieux juge Lewis lui-même, plus haut que tous les hommes des histoires de son père, avant de tomber encore plus bas. C’était le dernier fils sauvage, et il le savait, tout comme il savait ce que ces hommes ressentaient, dans les histoires, entendant le tonnerre sans la pluie.»


Les deux piliers de la famille Lewis sont la musique et la foi, dont la pratique est marquée par la construction à Ferriday d’une église Pentecôtiste. Brièvement prédicateur dans ses jeunes années, Jerry Lee Lewis oscillera sans cesse entre la foi et sa véritable passion, la musique, convaincu qu’il y emmène le public en enfer avec lui.


«Jerry avait trouvé sa terre d’élection ; une terre sur laquelle allait s’élever une histoire de plus en plus sauvage, de plus en plus sombre, plus grande et plus méchante que toutes les histoires vécues, racontées ou même rêvées par ceux qui étaient venus avant lui – une histoire dont les charbons ardents, en un sinistre cortège, allaient piquer les yeux du Saint-Esprit en personne avant de retomber, encore étincelants, pour s’enfoncer à nouveau dans le mystère tranquille des basses terres de Louisiane.»


Son surnom d’enfance, The Killer, le suivra toute sa vie, mais c’est dans sa propre destruction qu’il sera le plus acharné, déchiré entre sa musique des bords de l’enfer et sa volonté d’exorciser ses péchés.
Convaincu toute sa vie de son génie musical, même lorsque démarre sa traversée du désert, à partir du scandale de la révélation de son mariage avec sa cousine de treize ans, il devient au fil des années de plus en plus violent et tyrannique, bourré de whisky et d’amphétamines et frappé par de terribles drames familiaux. Un chaos grandissant l’entoure, il est acculé par les huissiers et la police, ouragan de cette autodestruction à laquelle il était voué « depuis le ventre de sa mère ».


L’incroyable contrepoint de Jerry Lee Lewis dans le récit est son cousin germain Jimmy Lee Swaggart, qui semble être son exact double inversé, musicien talentueux et premier télévangéliste d’une célébrité inouïe, lui aussi rattrapé par le scandale bien des années plus tard.


Great balls of fire n’est seulement un titre, c’est l’essence même de Jerry Lee Lewis.


«Je suis un fils de pute qui joue du piano, qui fait du bruit et qui tape du pied. Un salaud de fils de pute. Un mec bien.»


Après cette biographie romancée et survoltée de Jerry Lee Lewis, il faut lire le parcours magnifique de Johnny Cash sous la plume d'Arno Bertina, "J'ai appris à ne pas rire du démon" (éditions Hélium), et on sera frappé par la proximité des démons qui les habitent.


Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/04/13/note-de-lecture-hellfire-nick-tosches/

MarianneL
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le 29 août 2013

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