Iliade
7.9
Iliade

livre de Homère ()

"Comment ça ? Elle n'a mis QUE 7 à L'Iliade ? Nan mais attends ça va pas quoi ! Et attends en plus elle est en prépa littéraire et elle n'avait mis que 6 à L'Odyssée ! Nan mais c'est dingue quand même ! C'est une honte. Jetons-la au bûcher."
Ouiii je vous connais, je sais que vous allez tous vouloir me frapper. Mais j'admets avoir été un peu dure avec L'Odyssée, ceci dit.

Bon, alors. Je ne m'étendrai pas sur le caractère fondateur du mythe, sur son évidente et inaltérable richesse (contrairement à ce que mon titre pourrait laisser penser, non non non j'ai beaucoup mieux un peu de patience), sur sa modernité encore aujourd'hui, sur le génie du supposé Homère. Tout cela, ça a déjà été fait avec talent dans les autres critiques. Je vais plutôt tâcher d'établir un repérage et de répondre à la question : "Pourquoi peut-on dire qu'il y a TOUT dans L'Iliade ?" (NB : on peut dire à peu près la même chose de L'Odyssée à quelques détails près.)

Tout d'abord, je justifierai ma note : L'Iliade c'est réellement un trésor, sans ironie. C'est un récit au souffle épique magique, qui réussit l'exploit de nous parler de batailles sans nous endormir. Mais, mais, bémol, c'est long. 600 pages, ça reste affreusement long, même sans être assommant. [J'ajoute que les préparatifs de la guerre de Troie ont duré 10 ans, et qu'au moment où nous sommes plongés dans l'action le siège dure également depuis 10 ans. Donc le temps dans l'histoire n'est pas moins long.] Il est donc difficile de soutenir le rythme et de ne pas souffrir de la lenteur de certaines scènes, du caractère accessoire de beaucoup, de la répétition éternelle des combats. De plus, bien qu'on ne puisse reprocher au récit un quelconque caractère inachevé, lire tout ça pour ça (alors qu'en plus Homère nous spoile dès le début et tout au long de son oeuvre), ça laisse un petit goût d'amertume. Et la suite ? criai-je mentalement en refermant le bouquin, avec un certain soulagement tout de même. Je ne peux pas donc, sans hypocrisie, attribuer une excellente note à ce mythe ancestral, parce que j'ai dû batailler pour en venir à bout.

Mais venons-en à nos moutons. Qu'y a-t-il dans L'Iliade ?
- du sang : évidemment, ça ne vous aura pas échappé, c'est la guerre de Troie, donc il y a des gens qui meurent. Mais du sang, il y en a en abondance et Homère se délecte de détails particulièrement gore, sordides, explicites. On voit par exemple des cervelles tomber par terre, des intestins qui jaillissent des ventres, etc.
- les premiers ragots et les premières langues de vipère : pour le coup, je tiens à dire que non, je m'insurge, les héros ne sont pas toujours des héros et les dieux sont puérils parfois. Chacun se fait des coups de p*te, rapportant à son voisin qu'untel est lâche, les plus braves fuient parfois devant l'ennemi, les dieux se bagarrent, les hommes s'insultent au lieu de combattre... Bref, c'est un peu Desperate Housewives mais avec des mecs au corps huilé et aux armes divines.
- du sexe : parce que parfois, quand les héros sont couards, ils s'en vont et s'unissent (comme c'est joliment dit) avec leur dulcinée. Ainsi, cet idiot de Pâris, qui est quand même à la base du conflit, préfère s'en aller de la bataille et faire des choses peu catholiques avec une Hélène ma foi réticente. De même, Agamemnon et Achille ne trouvent rien de mieux à faire que se disputer la belle Briséis (qui, pour faire un mauvais jeu de mots, nous les brise effectivement un peu), d'où la colère d'Achille, et l'attente du sauveur susnommé pendant 400 pages.
- de la vantardise : ça va bien avec le côté ragots et langues de vipère, les héros tout comme les dieux ont les chevilles enflées (et Achille le talon, hahaha). La modestie n'existe pas : chacun pour sa pomme, chacun fait son propre éloge, parfois à raison, souvent à tort.
- des généalogies : parce que c'est tellement intéressant de savoir que Truc est le fils de Machin, lui-même fils de Bidule protégé de Zeus qui s'unit avec la cousine de sa belle-fille et conçut ainsi le frère de Machin qui éleva Truc comme son propre enfant (je ne suis pas sûre que ma phrase ait un sens) avant d'obtenir les armes d'un dieu et de s'unir avec une nymphe (etc), alors qu'il va mourir dans une minute et qu'on entendra plus jamais parler de lui. Ajoutons aussi que les pères disent carrément à leurs rejetons "vous êtes vraiment des incapables, quel dommage que votre frère qui était tellement parfait soit mort, je l'aimais bien plus que vous". Pédagogie bonjour.
- des dieux : et des dieux qui sont assez ennuyeux en fait, parce qu'ils ralentissent le combat, faussent les cartes, mettent leur grain de sel partout et empêchent qu'on en finisse une bonne fois pour toutes. Avec des rancunes amusantes entre Héra/Athéna et Aphrodite par exemple, qui font que parfois elles se tapent dessus. La question est : humanisation des dieux ou divinisation de l'homme ? Le débat est ouvert.
- des coutumes : soyons plus sérieux un instant, L'Iliade est un témoignage des rites de l'époque, qui sont parfois un peu fantaisistes (Priam se couvre d'ordures à la mort d'Hector, pourquoi pas après tout). Après la mort de quelqu'un ils pleurent longtemps, font des jeux (ça paraît étrange de nos jours), mangent quand même parce que bon, les sacrifices aux dieux c'est bien beau mais après les sacrifices on les mange sinon ça fait du gâchis. (Pratique les dieux parfois.)
- du fantastique, du tragique... Il y a un peu tous les registres. Quoique, y a-t-il du comique ? Oh, on pourrait sans doute en trouver, oui.

Bref, je n'irai pas plus loin dans mon énumération. Ce très long développement pour souligner des côtés qui peuvent, pour les lecteurs contemporains, être déroutants dans L'Iliade, voire amusants ou même choquants. L'Iliade est donc une mine de trésors, en ceci qu'elle contient en germe beaucoup de choses que nous connaissons bien aujourd'hui, et qu'elle va parfois là où on ne l'attend pas.
Pour les flemmards, une recommandation si vous voulez tirer profit de L'Iliade : lisez une version abrégée + établissez une généalogie succincte des héros principaux (Agamemnon, Ménélas, Achille, Ulysse, les deux Ajax... Hector et Pâris/Alexandre chez les Troyens...). C'est très utile, même au quotidien (si je vous assure), ne serait-ce que si vous lisez un truc dans lequel un minimum de références sont nécessaires.
Et puis L'Iliade, c'est certes long, mais c'est beau. C'est à parcourir une fois dans sa vie.

PS : si vous trouvez qu'il y a une bonne dose d'exagération ou de mauvaise foi dans ma critique, c'est normal, c'est fait pour !

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le 22 mai 2012

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Eggdoll

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