Ma vie avec Clint
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
le 14 oct. 2016
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Dans ce court essai Pierre-Yves Gomez, professeur à l’EMLyon, synthétise, à destination du grand public, ses travaux. Il s’interroge sur la place du travail dans notre société. Je me garderai de prétendre analyser, résumer ou critiquer son livre, mais développerai quelques une de ses idées.
1/ Définition
« J’appelle travail, l’activité de l’être humain qui, confronté à des contraintes, produit selon un projet déterminé, quelque chose pouvant servir à d’autres ». Cette définition englobe le bénévolat, le travail domestique et le travail du consommateur (le make it yourself), autant d’activités ignorées par le très imparfait PNB. Ce dernier représente pourtant l’alfa et l’oméga de nos politiques, accrochés à leur sacro-saint taux de croissance.
2 / Un travail en crise
Le travail nous rend mutuellement interdépendant. Pour que le travail libère et satisfasse, il faut pouvoir l’investir d’un sens. L’individu doit se sentir utile, répondre à la question de savoir « à quoi il sert ? ». Or, l’industrialisation, la massification de la production, la mondialisation et la digitalisation ont coupé le travailleur du fruit de son labeur.
3 / Le leurre politique du « vivre ensemble »
Promouvoir après chaque crise, ou attentat, le « vivre ensemble », est absurde « tant que l’on n’a pas compris que la dignité de chaque membre d’une société, c’est de se savoir utile, attendu, solidaire de l’activité des autres, participant avec ses moyens, à cet effort. » Or, la dignité passe par un travail utile.
4 / Les deux cités
L’Occidental s’est voulu « maitre et possesseur de la nature », il a vaincu l’immémoriale peur de manquer (de pain) en bâtissant sa société de l’abondance. « Le projet moderne a promis au plus grand nombre la consommation du plus grand nombre de biens. » En contrepartie, il a perdu le sens du travail, il ne sait plus ce qu’il fabrique, ni pour qui ou pourquoi il produit. Notre civilisation se caractérise par l’émergence d’une « cité de la consommation » au dépend de la « cité de la production », cette dernière est niée, cachée ou éloignée des lieux de plaisir. Or, nous appartenons, tour à tour, aux deux cités, aux intérêts contradictoires. À l’aliénation du travail se superpose l’aliénation de la consommation. Nous produisons des masses de biens superflus à destination d’individus privés de travail digne de ce nom et confrontés au vide de leur existence, d’où l’explosion des bore-out et burn-out. Les travailleurs pauvres sont relégués dans les marges du sous-emploi et privés de consommation. Pour les autres, le travail n’est plus qu’une source de revenus dont la seule vocation est d’être dépensée dans une nouvelle consommation, alimentant un circuit de production/consommation de biens inutiles. « Dévoré de désir, le consommateur dévore sans répit ».
5 / Consumérisme, néo-libéralisme et postmodernisme
Depuis la désaffection des partis marxistes, la défense des intérêts du travailleur ne mobilise plus. Pour la critique postmoderne, l’individu est soumis non pas au « grand capital », mais à de multiples micro-pouvoirs sociétaux, les stéréotypes de genre, de naissance, de race… Un individu ne conquerra la liberté qu’en « dé-construisant ces représentations abusives de l’être humain », pour se reconstruire à partir de ses propres désirs. La liberté passe par la fluidité et aboutit à la figure idéalisée du transgenre. Gomez insiste sur la parfaite adéquation entre le néolibéralisme et les théories postmodernes, un « corpus d’analyse de la société souvent subtiles et stimulantes, finalement à l’extrême la logique de la consommation en revendiquant le droit de définir les usages que l’on fait de soi-même, et de s’auto-consommer en quelque sorte […] [dans un monde où tout] peut s’acheter et se vendre, se transformer et jouir ».
Dans une seconde partie, l’auteur présente, un peu rapidement, ses solutions :
- Ré-enchanter le travail (qui retrouvera un sens) en engendrant une économie de proximité. La miniaturisation et la baisse de coût des robots permettent d’envisager des productions unitaires à faible coût et une relocalisation des activités de production près du consommateur.
- « Les méfiants appellent en général utopie ce qui n’a jamais été mis en œuvre ». Le revenu universel sera réductible, selon les cas, à la logique de la cité du consommateur (le revenu universel est accordé aux citoyens pour ne rien faire, si ce n’est consommer) ou à celle du travailleur (le revenu rémunère le travail « fantôme », bénévole ou familial).
- Lutter contre l’atomisation et la précarisation des travailleurs indépendants par de nouvelles formes d’organisation.
- Mener la bataille pour le contrôle des réseaux Internet et des big datas, un « bien commun » à éloigner de la rapacité des GAFA.
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le 6 oct. 2017
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