Je vous écris dans le noir par Au vrai chic littérère

J'ai appris il y a quelques jours la mort, passée relativement inaperçue, de Jean-Luc Seigle, un auteur dont j'ai souvent entendu dire beaucoup de bien mais que je n'avais jamais lu. Et pourtant deux de ses romans m'attendaient dans ma PAL. Je ressens un peu de honte à me dire que la circonstance de ma lecture tient au décès de cet auteur. Je n'aurais plus la possibilité de lui faire part de ma reconnaissance éprouvée en lisant son ouvrage.
Il faut néanmoins admettre qu'après avoir lu "La petite femelle" de Philippe Jaenada, j'éprouvais une légère crainte. La peur que son texte ne soit pas à la hauteur de ce dernier, peut-être. Or, si l'histoire est la même, celle de Pauline Dubuisson qui tua son ex-amant en 1951, le traitement est très différent. Jaenada tenant lieu d'enquêteur reconstituait à l'aune des archives le procès de celle-ci en révélant les partis pris de la cour, les préjugés sexistes et les manquements de la défense.
Jean-Luc Seigle, lui, fait le choix de l'intériorité et, après quelques pages de préambule retraçant le contexte de l'affaire, il se glisse dans la peau de Pauline. Il utilise l'artifice du journal intime pour nous permettre de mieux comprendre la psychologie de la femme. Ce journal est destiné à Jean, l'homme qui, dans son exil marocain, est tombé amoureux d'elle. Elle y retrace sans fard ce qui a été sa vie d'avant, l'enchaînement de circonstances qui l'ont amenée à commettre ce meurtre d'amour.
Il y a dans ce livre des pages d'une force inouïe. Je pense tout spécialement à l'épisode de la Libération qui va marquer Pauline à jamais.
Et puis il y a cette mise en abyme montrant Pauline visionnant le film "La vérité" de Clouzot, film retraçant son histoire et dans lequel son personnage est interprété par Brigitte Bardot. Un passage d'une belle intensité littéraire.
J'encourage chacun ayant lu "La petite femelle" à lire cet autre point de vue de cette histoire saisissante. C'est une belle expérience de lecteur. Deux points de vue différents pour une même démarche : réhabiliter l'honneur d'une femme par la littérature.

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le 29 avr. 2020

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