Une ville portuaire des Caraïbes à la fin du XIXe siècle. Florentino Ariza, télégraphiste est éperdument amoureux de Fermina Daza à laquelle il est secrètement fiancé. Mais le père rêve d’un meilleur époux pour sa fille unique qu’il éloigne : « loin des yeux, loin du cœur ». Il en sera pour ses frais : les tourtereaux entament une relation épistolaire par télégraphe interposé durant les 18 mois que dure l’exil de mademoiselle.

Ce délai jugé suffisant par papa, Fermina Daza regagne la ville et le lecteur s’aperçoit que les espoirs paternels n’ont pas été aussi vains qu’on pouvait le croire : la première rencontre (fortuite, cela va de soi) des fiancés ne se déroule pas tout à fait comme Florentino (toujours aussi amoureux) l’avait rêvé. Mademoiselle trouve tout à coup le jeune homme qu’elle a eu le temps d’idéaliser bien fade et s’en détourne immédiatement. Elle épousera finalement un jeune médecin issu de la plus illustre famille du coin : Juvenal Urbino.

Commence alors une longue attente pour le petit télégraphiste qui choisit de changer de métier. Pour elle, il veut décrocher la lune : réussir dans la vie ; devenir riche et important. Mais pas par bravade mesquine ou par vengeance : pour elle. Simplement. Et un peu naïvement. Uniquement pour celle qu’il est décidé à attendre le temps qu’il faudra. Afin qu’elle soit fière de son ancien amour.

L’attente durera 50 ans.

Pendant ce temps, Florentino cumulera les maitresses (plusieurs centaines) et sanctionnera chacune de ses relations d’un compte-rendu sur fiche nominative dûment classée dans ses archives personnelles. Mais aucune de ces femmes n’est parvenue à le détourner de ses amours dévorantes comme il l’escomptait. Ce temps, il le met également à profit pour grimper patiemment mais surement les échelons de l’entreprise de son oncle, compagnie florissante de transport fluvial (la CFC) dont il sera directeur et propriétaire à la mort de son parent.

Un livre dans la lignée de Cent ans de solitude : foisonnant, avec des dizaines de personnages secondaires étoffant les trois personnages principaux. Une histoire partant en tout sens et abordant la politique chaotique de la région (les guerres civiles qui s’enchainent, à moins que ce soit toujours la même qui renaisse sans cesse de ses cendres), les conditions sanitaires déplorables du pays (les épidémies de choléra et de dysenterie qui servent aussi au gouvernement à masquer des morts violentes et embarrassantes), le progrès qui traverse peu à peu l’Atlantique en provenance de la lointaine Europe, les fameux transatlantiques dont les arrivées sont toujours remarquées. Et ce fleuve immense, sans rive, sur lequel naviguent les bateaux à vapeur de la CFC, les forêts riveraines qui disparaissent inexorablement, brûlées dans les chaudières des navires, mettant en péril la navigation elle-même faute de combustible, la disparition toute aussi inexorable des lamantins et des caïmans du fleuve abattus par les chasseurs dilettantes désireux de tuer le temps durant la lente remontée du courant.

Un texte très dense comme l’est celui de Cent ans de solitude : des phrases très longues au vocabulaire recherché, des paragraphes très longs eux aussi au style résolument narratif. Un texte envoutant, magique et magnifiquement écrit. Un texte à la fois simple et complexe dans lequel fourmillent les détails et qui capte immédiatement l’attention du lecteur. Un lecteur pris par la langueur du climat tropical, du lent écoulement du fleuve, de la sacro-sainte sieste de l’après-midi. Langueur amoureuse de Florentino qui rêve Fermina Daza à chaque instant de son existence.

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le 16 août 2012

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